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EPISODE 30

Mort du Prophète (paix et prière d’Allah sur lui)

Histoire de la dernière révélation !

Le contenu qui suit n’est proposé qu’à titre purement indicatif et n’engage que son auteur. Pour plus d’informations, n’hésitez pas à vous rapprocher de votre mosquée locale.

Nous nous plaçons sous la protection d’Allah (Exalté soit-Il) pour la réussite de nos œuvres et demandons Son Pardon pour les erreurs émanant de nos âmes.

Fraternellement vôtre… Bilal Muezzin !

Résumé :

Sentant le rappel d’Allah (Exalté soit-Il) proche, le Prophète (paix et prière d’Allah sur lui) fait un sermon mémorable à ses compagnons dans lequel il les exhorte à la crainte d’Allah le Très Haut. Nombreux sont les proches du Messager d’Allah (paix et prière d’Allah sur lui) affligés par la mort imminente de celui-ci. Le Prophète (paix et prière d’Allah sur lui) meurt à l’âge de soixante trois ans. Il laisse derrière lui l’héritage de la religion la plus parfaite pour l’ensemble de l’humanité et le souvenir du meilleur des hommes que la Terre ait jamais porté…

HISTOIRE :

Le monde apaisé de l’Arabie musulmane

Le Yémen se situe à l’extrémité sud de l’Arabie. Du temps du Prophète (saws), les gens du Yémen avaient commencé à connaître l’Islam et à y réagir favorablement avant même la conquête de La Mecque. Le Prophète (saws) avait même envoyé l’un de ses compagnons, Mu’adh ibn Jabal, enseigner aux habitants du Yémen l’Islam et la récitation du Coran. Durant la neuvième année après l’établissement du Prophète (saws) à Médine (c’est-à-dire quelques mois après la conquête de La Mecque), une délégation d’un clan du Yémen appelé Tujîb se rendit à Médine.

Les Tujîb étaient une branche de la tribu de Sakûn, elle-même une branche de celle de Kinda, la principale tribu du Yémen. La délégation comportait treize hommes qui apportaient leur zakât, qu’ils avaient collectée de la manière ordonnée par Dieu. Le Prophète (saws) les accueillit avec la plus grande satisfaction et fit en sorte que leur séjour soit confortable.

La richesse du coeur

Lors d’une de leurs rencontres avec le Prophète (saws), ils lui dirent : « Messager de Dieu, nous avons apporté la part de nos biens due à Dieu », c’est-à-dire la zakât. Le Prophète (saws) répondit : « Remportez-la avec vous et distribuez-la parmi vos pauvres. » Ils répondirent : « Messager de Dieu, nous n’avons apporté que ce qui restait après avoir pourvu aux besoins de nos pauvres. » Abu Bakr, le plus proche compagnon du Prophète , observa : «Messager de Dieu, aucun clan arabe n’a apporté quelque chose de semblable à ce que ce clan de Tujîb a apporté.»

Le Prophète (saws) répondit : « La bonne direction appartient à Dieu. Quand Il veut que le bien arrive à quelqu’un, Il ouvre son coeur à la foi. » Les membres de la délégation présentèrent certaines requêtes au Prophète (saws), qui fit en sorte qu’elles soient satisfaites. Ils l’interrogèrent également sur le Coran et la Sunna, demandant à ce qu’il leur enseigne ce qui leur serait bénéfique pour leur pratique religieuse. Ils firent bonne impression au Prophète (saws), qui ordonna à Bilâl de se montrer particulièrement hospitalier envers eux. Ils restèrent quelques jours, puis décidèrent de repartir.

Leur séjour ayant été plus court que celui des autres délégations, on leur demanda la cause de leur hâte. Ils répondirent : « Nous voulons retourner auprès de nos contribules pour leur dire que nous avons rencontré le Messager de Dieu et leur relater ce qui s’est passé entre lui et nous. »

Ils allèrent faire leurs adieux au Prophète (saws) qui demanda à Bilâl de leur donner un cadeau plus important qu’il n’avait l’habitude de le faire avec les autres délégations. Le Prophète (saws) leur demanda également s’il y avait dans leur délégation quelqu’un d’autre qu’il n’avait pas encore vu. Ils répondirent qu’ils avaient laissé un jeune homme, le plus jeune d’entre eux, pour garder leurs chameaux et leurs bagages. Le Prophète (saws) leur dit de lui envoyer le jeune homme.

Les délégués retournèrent à leur campement et dirent à leur compagnon : « Va trouver le Messager de Dieu et finis tes affaires avec lui. Nous avons, quant à nous, terminé nos affaires avec lui et nous lui avons fait nos adieux. » Le jeune homme alla trouver le Prophète (saws) et lui dit : « Messager de Dieu, je suis un homme du clan d’Abdha [un autre nom de Tujîb], membre de la délégation qui vient de te rendre visite et dont tu as bien voulu satisfaire les requêtes. Veux-tu bien satisfaire ma requête, Messager de Dieu ? »

Le Prophète (saws) lui ayant demandé ce qu’il voulait, l’homme répondit : « Ma requête n’est pas comme celles de mes compagnons, bien qu’ils soient venus te voir dans le désir d’être de bons musulmans et en apportant leur zakât avec eux. Quant à moi, je ne suis venu de chez moi que pour te demander d’implorer Dieu, le Tout-Puissant, de me pardonner, de me combler de Sa miséricorde et de m’accorder la richesse du coeur. »

Le Prophète (saws), très satisfait du jeune homme, se tourna vers lui en lui donnant toute son attention et implora Dieu : « Seigneur, pardonne-lui, comble-le de Ta miséricorde et accorde-lui la richesse du coeur. » Il ordonna aussi qu’on donne au jeune homme un cadeau semblable à ceux reçus par les autres membres de sa délégation. Le jeune homme rejoignit alors ses compagnons et ils repartirent chez eux.

Les mêmes hommes rencontrèrent le Prophète (saws) un an plus tard à Mina, lorsqu’il accomplit son pèlerinage. Ils se présentèrent à lui et le Prophète (saws) leur demanda immédiatement : « Qu’est devenu le garçon qui est venu me voir avec vous ? » Ils répondirent : « Messager de Dieu, nous n’avons jamais vu personne comme lui. Nous n’avons même jamais entendu parler de quelqu’un qui soit aussi satisfait que ce garçon de ce que Dieu lui donne. Si des gens avaient le monde entier à leur disposition et le divisaient entre eux, il ne tournerait même pas la tête vers eux. » Le Prophète (saws) dit : « Loué soit Dieu. J’espère qu’il mourra rassemblé. »

Étonné par cette invocation du Prophète (saws), l’un d’eux demanda : « Messager de Dieu, chacun de nous ne meurt-il pas rassemblé ? » Le Prophète dit : « Les souhaits, les désirs et les préoccupations d’un homme s’éparpillent dans toutes les vallées de sa vie. L’heure de sa mort peut survenir alors qu’il se trouve dans l’une de ces vallées. Il importe alors peu à Dieu, dans Sa gloire infinie, dans laquelle il périt. » Des gens de sa tribu ont relaté : « Ce garçon continua à vivre parmi nous comme l’un des meilleurs d’entre nous. Il était le plus satisfait des hommes et ne s’intéressait nullement aux luxes de ce monde.» 

Quand le Prophète (saws) mourut, certains groupes de gens au Yémen abandonnèrent la foi musulmane et retournèrent à leur égarement passé. Il parla à ses contribules, leur rappelant Dieu et leur foi, de sorte qu’aucun d’entre eux ne redevint négateur. Abu Bakr, le premier chef de l’État musulman après le Prophète (saws), se souvint de cet homme. Il chercha à savoir ce qu’il était devenu et apprit ce qu’il avait fait. Abu Bakr écrivit à son gouverneur du Yémen, Ziyâd ibn Labîd, pour lui recommander le jeune homme et lui demander de veiller sur lui.

Tel était le cas d’un homme dont le nom a été oublié. Il semble qu’un aspect de la richesse du coeur que Dieu avait accordée à cet homme réside dans l’absence de mention de son nom. Ce qu’il a fait demeure dans les mémoires parce que son action est un exemple pour les musulmans de toutes les générations. La célébrité est cependant un aspect des richesses de ce monde. Or, cet homme ne voulait rien de ces richesses : son nom est donc oublié. Quand Dieu exauce une prière du Prophète (saws), Il l’exauce de la plus parfaite des manières. Cet homme possédait assurément la richesse du coeur.

Nous trouvons un autre exemple d’une telle attitude dans l’histoire d’un homme qui arriva à Médine en tant que membre de la délégation d’un clan appelé Sa’d Hadhîm, une branche de la tribu de Qudâ’a. Voici le récit d’un membre de cette délégation :

Je suis parti avec la délégation de mes contribules rencontrer le Messager de Dieu quand il a soumis le pays et triomphé de tous les Arabes. À l’époque, les gens entraient dans deux catégories : ceux qui adhéraient à l’Islam de leur plein gré et ceux qui avaient peur des armes. Nous établîmes notre camp aux abords de Médine et nous dirigeâmes vers la mosquée. Quand nous arrivâmes à la porte, nous trouvâmes le Messager de Dieu à la mosquée, occupé à accomplir la prière habituelle pour un mort. Nous restâmes sur le côté et ne nous joignîmes pas à la prière, attendant de rencontrer le Messager de Dieu et de lui prêter serment d’allégeance. La prière terminée, le Prophète nous regarda et nous demanda d’approcher. Il demanda qui nous étions et si nous étions musulmans. Comme nous répondions à l’affirmative, il demanda : « Pourquoi n’avez-vous pas prié pour votre frère défunt ? » Nous répondîmes : « Messager de Dieu, nous pensions que nous ne pouvions pas le faire avant de t’avoir prêté serment. »

Le Prophète dit alors : « Où que vous soyez quand vous embrassez l’Islam, vous êtes musulmans. » Nous déclarâmes notre conversion à l’Islam et prêtâmes serment d’allégeance au Prophète. Quand il fut temps de partir, nous retournâmes à l’endroit où nous avions établi notre camp. Nous y avions laissé le plus jeune d’entre nous pour garder nos biens. Le Prophète envoya quelqu’un nous rappeler et nous retournâmes auprès de lui. Notre jeune homme s’avança, prêta serment d’allégeance et se déclara musulman.

Nous dîmes : « Messager de Dieu, il est le plus jeune d’entre nous et il nous sert. » Le Prophète dit : « Le plus jeune d’entre eux est leur serviteur, que Dieu le bénisse. » Il était de fait le meilleur d’entre nous, et il récitait le Coran mieux qu’aucun de nous en raison de la prière du Prophète en sa faveur. Le Prophète fit de ce jeune homme notre chef. Il dirigeait toujours notre prière. Quand fut venu le moment de partir, le Prophète ordonna à Bilâl de donner en cadeau à chacun de nous quelques onces d’argent. Nous rentrâmes parmi nos contribules, que Dieu combla de Ses bienfaits et guida vers l’Islam.

L’Année des délégations

Les livres d’Histoire qui relatent les événements ayant eu lieu durant la vie du Prophète (saws) appellent la neuvième année après l’établissement du Prophète (saws) à Médine « l’année des délégations », pour évoquer le grand nombre de délégations qui affluèrent de toute l’Arabie pour exprimer leur allégeance au Prophète (saws) et à l’Islam. Des leçons nombreuses et diverses peuvent être tirées de ces délégations et de leurs conversations avec le Prophète (saws).

Certaines venaient dans le but de comprendre ce qui se passait à Médine et quelle était la vraie nature de la nouvelle religion. D’autres représentaient des tribus qui étaient déjà musulmanes. L’immense majorité de ces délégations repartaient après avoir déclaré leur conversion à l’Islam. On ne pouvait toutefois s’attendre à ce que leur mode de vie et leurs vieilles habitudes se transforment du jour au lendemain. À la mort du Prophète (saws), un grand nombre de ces tribus n’en savaient pas assez sur l’Islam pour continuer à honorer leurs engagements.

Cela explique pourquoi certaines d’entre elles revinrent sur ces engagements après la mort du Prophète (saws).

La dernière délégation

La dernière de toutes les délégations fut celle de la tribu d’an-Nakha’, qui arriva à Médine au milieu du mois de muharram de la onzième année de l’hégire, c’est-à-dire environ deux mois avant la mort du Prophète (saws). Cette délégation, composée de deux cents hommes, était la plus importante de toutes. Elle séjourna à la maison des hôtes de Médine. Les membres de la délégation étaient déjà musulmans, ayant prêté serment d’allégeance à Mu’âdh ibn Jabal, l’homme que le Prophète (saws) avait nommé gouverneur du Yémen. Leur mission n’était donc pas de venir apprendre l’Islam.

Ils avaient plutôt entrepris ce voyage pour rencontrer le Prophète (saws) et être considérés comme faisant partie de ses compagnons. Un homme de cette délégation, Zurâra ibn ‘Amr, relata au Prophète (saws) un rêve étrange. Il lui dit qu’il avait vu une ânesse qu’il avait laissée chez lui donner naissance à une chèvre noire et rousse. Le Prophète (saws) lui demanda alors s’il avait laissé l’une de ses esclaves enceinte. Comme il répondait que oui, le Prophète (saws) lui dit qu’elle avait donné naissance à un garçon qui était le fils de Zurâra. Zurâra lui demanda alors pourquoi la chèvre avait une couleur si étrange. Le Prophète (saws) lui demanda de se rapprocher de lui, puis lui demanda à mi-voix : « As-tu une tache blanche sur la peau que tu caches à tes contribules ? »

L’homme répondit : « Par Celui qui t’a envoyé apporter la vérité, personne ne l’a jamais vue et personne d’autre que toi n’en a connaissance. » Le Prophète (saws) dit : « Voilà l’explication. » Zurâra dit ensuite : « Messager de Dieu, j’ai aussi vu une horrible vieille femme sortir de terre. » Le Prophète (saws) répondit : « C’est ce qui reste de ce monde. » Zurâra poursuivit : « Et j’ai aussi vu un feu sortant de terre et me séparant d’un de mes fils appelé Amr. Ce feu parlait et disait : « Le feu, le feu. Un homme avec des yeux et un homme aveugle. Alimentez-moi et je vous avalerai tous, ainsi que vos familles et vos biens. » » Le Prophète (saws) dit : « Ce sont des troubles qui surviendront par la suite. »

Zurâra demanda au Prophète (saws) ce qu’il voulait dire par troubles et il répondit : « Les gens tueront leur chef et un conflit terrible éclatera entre eux. Celui qui agira mal pensera bien agir. Un croyant trouvera plus satisfaisant de verser le sang d’un autre croyant que de boire de l’eau. Si ton fils meurt avant toi, tu vivras cela, et si tu meurs avant lui, il le vivra. » L’homme demanda au Prophète (saws) d’implorer Dieu qu’il ne vive pas ces troubles, et il implora Dieu : « Seigneur, fais qu’il ne les vive pas. » L’homme mourut et son fils prit part aux troubles qui conduisirent à l’assassinat de ‘Uthmân, le troisième calife.

Les deux dernières tribus d’al-Hârith ibn Ka’b et an-Nakha’ venaient du Yémen. Il semble que le Prophète (saws) portait une attention particulière au Yémen durant ces années, considérant apparemment cette région comme très importante. Il envoya plusieurs messagers avec des missions diverses. Khâlid était un messager militaire. Le Prophète (saws) envoya également Alî, son cousin, pour consolider le travail accompli par Khâlid. En outre, il envoya deux émissaires civils, Abu Mûsâ al-Ash’arî et Mu’âdh ibn Jabal. Ceux-ci furent nommés gouverneurs, chacun d’une partie du Yémen.

Le Prophète (saws) leur recommanda de faciliter les choses pour les gens plutôt que de les rendre difficiles. Ils devaient aussi encourager les gens en leur donnant de l’espoir au lieu de les décourager. En outre, le Prophète (saws) leur recommanda de toujours bien s’entendre entre eux et de ne pas se quereller. Lorsque Mu’âdh ibn Jabal fut sur le point de quitter Médine pour aller prendre son poste de gouverneur de certaines régions du Yémen, le Prophète (saws) sortit de la ville avec lui pour lui donner ses instructions. Mu’âdh était sur son chameau et le Prophète (saws) marchait à ses côtés. Le Prophète (saws) lui dit :

Tu seras parmi des gens qui avaient connaissance des révélations antérieures. Quand tu seras là-bas, invite-les à croire qu’il n’y a pas d’autre divinité que Dieu et que Muhammad est le Messager de Dieu. S’ils acceptent cela de toi, dis-leur que Dieu leur a imposé le devoir de prier cinq fois par jour. S’ils acceptent cela de toi, dis-leur que Dieu leur a imposé le devoir de payer la zakât, qui est prise aux plus riches d’entre eux pour être versée aux pauvres. S’ils acceptent cela de toi, ne touche jamais aux meilleurs de leurs biens. Prends garde à l’invocation de celui qui pourrait être victime de ton injustice, car une telle invocation parvient directement à Dieu.

Le Prophète (saws) lui dit encore : « Mu’âdh, tu ne me reverras peut-être plus après cette année. Peut-être passeras-tu devant ma mosquée et devant ma tombe. » Mu’âdh était en larmes. Le Prophète (saws) lui dit : «Ne pleure pas, Mu’âdh. Il y a un moment pour pleurer. Les larmes viennent du Démon. » Le Prophète (saws) regarda en direction de Médine et dit : « Les gens les plus proches de moi sont ceux qui craignent Dieu, quels qu’ils soient et où qu’ils soient. »

Ces paroles du Prophète (saws) faisaient allusion aux événements à venir. C’était aussi les paroles d’un messager de Dieu conscient que sa mission touchait à sa fin.

Mission accomplie

Quand l’époque du pèlerinage approcha, le Prophète (saws) fit savoir dans toute l’Arabie qu’il avait l’intention de l’accomplir. On sait que le pèlerinage à la Ka’ba a toujours été un rite religieux depuis que les prophètes Abraham et Ismaël (que la paix soit sur eux) ont édifié cette construction qui fut, nous dit le Coran, le premier lieu de culte jamais construit. Bien qu’au fil des siècles les croyances religieuses des peuples d’Arabie se soient déformées, au point qu’ils se mirent à adorer des idoles et des statues à la place ou à côté de Dieu, ils continuèrent à accomplir le pèlerinage comme un devoir religieux, mais sous une forme pervertie.

Leur pèlerinage comportait de nombreuses coutumes que Dieu ne saurait agréer, c’est le moins que l’on puisse dire. Par exemple, les Quraysh, se considérant comme des privilégiés parmi les Arabes, ne prenaient pas part à certains rites du pèlerinage dont ils étaient exemptés en tant que gardiens de la Ka’ba. Ils imposaient également aux pèlerins venus d’ailleurs que de La Mecque d’accomplir le tawâf nus, s’ils ne pouvaient pas se procurer de vêtements faits à La Mecque. Les rites accomplis par les Arabes avant la victoire de l’Islam comportaient encore d’autres éléments relevant du polythéisme.

Comme nous l’avons vu, le Prophète (saws) avait, l’année précédente, envoyé son compagnon Abu Bakr abolir toutes ces pratiques. Il était maintenant temps que le Prohète (saws) montre clairement aux musulmans les devoirs liés à l’accomplissement du pèlerinage, un rite majeur assurant au pèlerin le pardon de ses péchés antérieurs. C’est pourquoi le Prophète (saws) fit savoir que tous ceux qui voulaient participer au pèlerinage avec lui seraient les bienvenus. Les gens commencèrent à affluer à Médine de toute l’Arabie pour prendre part à ce grand rite.

En outre, le pèlerinage était le seul acte de culte que les musulmans n’avaient pas encore vu le Prophète (saws) accomplir. Puisque chaque rite du culte musulman remplit des fonctions sociales, communautaires et humaines en plus de sa dimension spirituelle et individuelle, il était nécessaire que les musulmans apprennent directement du Prophète (saws) lui-même comment accomplir le pèlerinage. En outre, le pèlerinage est un élément essentiel de la religion musulmane : le message de l’Islam n’aurait donc pas été intégralement transmis si le Prophète (saws) lui même n’avait pas accompli le pèlerinage et enseigné ses rites aux musulmans.

Pèlerinage avec le Prophète

Il n’était pas étonnant que les gens commencent à affluer de toute l’Arabie peu après l’annonce de l’intention du Prophète (saws) d’accomplir le pèlerinage. Médine accueillait tous les jours des gens venant de toutes parts. Jâbir ibn Abdullâh, le compagnon du Prophète (saws), a laissé le récit le plus détaillé et le plus authentique de
ce pèlerinage du Prophète (saws). Il a relaté que lorsque le cortège des pèlerins partit de Médine, il ne pouvait en voir les extrémités ni en tête, ni en queue, ni à droite, ni à gauche. On estime qu’entre quatre-vingt-dix et cent trente mille personnes partirent de Médine pour le pèlerinage en compagnie du Prophète (saws).

Une foule aussi importante l’attendait à La Mecque pour accomplir les rites avec lui. Quand le Prophète (saws) eut achevé ses préparatifs pour ce voyage béni, il quitta Médine à midi, le samedi 25 dhûl-qïda de la dixième année du calendrier musulman (hégire). Il était accompagné de ses épouses et des membres de sa famille, des muhâjirûn et des ansâr, ainsi que de tous les membres des différentes tribus arabes qui étaient venus le rejoindre. Il avait avec lui cent chameaux qu’il avait l’intention d’égorger pour le sacrifice.

Arrivé à Dhûl-Hulayfa, un lieu situé à une dizaine de kilomètres de Médine et plus connu aujourd’hui sous le nom d’Abyâr Alî, il accomplit la prière de ‘asr, en l’abrégeant à deux rak’ât puisqu’il était en voyage. Il entra en état de sacralisation, revêtant deux pièces d’étoffe blanche, l’une autour de la taille pour couvrir son corps de la taille jusqu’au-dessous des genoux et l’autre sur les épaules. Il formula l’intention d’accomplir successivement le pèlerinage et la umra, selon la forme de sacralisation appelée qirân, puisqu’il avait amené avec lui les bêtes qu’il destinait au sacrifice.

Lorsqu’il monta sur sa chamelle pour reprendre son voyage, il commença à répéter cette formule de talbiya: Labbayk Allâhumma labbayk. Labbayka lâ sharîka laka labbayk. Inna al-hamda wan-nïmata laka wal-mulk. Lâ sharîka lak. Cette formule peut se traduire ainsi : « Je réponds à Ton appel, Seigneur, je réponds à Ton appel, Tu n’as pas d’associé. À Toi la louange, la grâce et la souveraineté. Tu n’as pas d’associé. » Elle résume l’objectif du rite du pèlerinage, qui met en avant la soumission totale à Dieu et le dévouement à Sa cause. Tous les musulmans répétaient ces phrases, affirmant leur soumission et leur dévouement à Dieu.

Tous les membres de ce noble cortège n’avaient qu’un désir : voir la Ka’ba et accomplir un pèlerinage pur et complet, selon le rite musulman. Chaque fois qu’ils devaient gravir une colline ou descendre dans une vallée, faire halte pour se reposer ou prier, chaque fois qu’un changement de scène survenait, ils répétaient cette formule de talbiya qui affirmait leur foi absolue en l’unicité divine. Le voyage dura plusieurs jours. Le cortège arriva à La Mecque au coucher du soleil, le quatrième jour de dhûl-hijja. Le Prophète (saws) passa la nuit à Dhû Tuwâ, aux abords de La Mecque.

Le matin venu, il prit un bain et entra à La Mecque en plein jour. Quand le Prophète (saws) arriva à la Ka’ba et vit le lieu saint, il leva les mains et implora Dieu d’accroître la gloire et la sainteté de la Maison Sacrée et d’honorer et de récompenser tous ceux qui y accompliraient le pèlerinage ou la ‘umra. Le Prophète (saws) entra à la Mosquée et commença à accomplir le tawâf autour de la Ka’ba, monté sur sa chamelle. Le tawaf terminé, il accomplit une prière de deux rak’ât derrière l’emplacement connu sous le nom de maqâm Ibrâhîm (station d’Abraham).

Puis il accomplit sur sa chamelle le parcours ou sa’y entre les deux collines d’as-Safâ et al-Marwâ. Cela fait, il ordonna aux musulmans qui l’accompagnaient et qui n’avaient pas amené de bête à sacrifier de quitter l’état de sacralisation ou ihrâm jusqu’à ce que vienne le moment du pèlerinage. Le Prophète (saws) et ses compagnons restèrent à La Mecque jusqu’au 8 dhûl-hijja, où les rites du pèlerinage allaient commencer.

Un discours capital

Le huit du mois de dhûl-hijja, le Prophète (saws) quitta La Mecque à midi, monté sur sa chamelle, pour se rendre à Mina où il passa la nuit. Le matin, il accomplit à Mina la prière de fajr avant de partir pour Arafat après le lever du soleil. À Arafat, toujours monté sur sa chamelle, il prononça un discours très important. Un homme à la voix forte, Rabî’a ibn Umayya ibn Khalaf, se tenait près de la chamelle du Prophète (saws) et répétait chaque phrase qu’il disait afin que toute l’assistance puisse entendre. Le discours prononcé par le Prophète (saws) ce jour-là, définissant la nature de la communauté musulmane, fut le point culminant de son pèlerinage.

Comme toujours, le discours commença par la louange et la glorification de Dieu. Puis le Prophète (saws) poursuivit : « O gens, écoutez mes paroles, car je ne sais pas si je vous rencontrerai encore en ce lieu après cette année. Ô gens, savez-vous quels sont ce mois, ce jour et cette cité ? » Les gens répondirent : « Nous sommes un jour sacré, dans un mois sacré, dans une cité sacrée. » Il poursuivit : « Sachez donc que votre sang, vos biens et votre honneur sont sacrés pour vous, jusqu’à ce que vous rencontriez votre Seigneur, comme sont sacrés ce jour, ce mois et cette cité où vous êtes. Vous rencontrerez assurément votre Seigneur et Il vous interrogera assurément sur vos actions. Ai-je transmis mon message ? »

Ils répondirent : « Oui. » Il poursuivit : Seigneur, sois témoin. Celui à qui un dépôt a été confié doit le rendre à son propriétaire. Toutes les transactions usuraires conclues au temps de l’ignorance sont abrogées. Vous avez droit à votre capital : vous ne faites pas subir et vous ne subissez pas d’injustice. Dieu a décrété qu’il n’y aura plus d’usure. Les premières transactions usuraires que j’abroge sont celles de mon oncle al-‘Abbâs ibn Abd al-Muttalib. Toutes les vengeances du sang sont abolies. La première vengeance du sang que j’abolis est celle de Âmir ibn Rabî’a ibn al-Hârith. Ai-je transmis mon message ?

Les gens dirent : « Oui, certes. » Il poursuivit : Seigneur, sois témoin. O gens, le décalage des mois sacrés est un excès de mécréance, par lequel les négateurs sont égarés. Ils déclarent le décalage permis une année et interdit une autre année afin de se conformer en apparence au nombre de mois que Dieu a déclarés sacrés et de rendre licite ce que Dieu a interdit. Le temps est désormais rétabli dans la forme qu’il avait lorsque Dieu a créé les Cieux et la Terre. Le nombre des mois est pour Dieu de douze, dont quatre sont sacrés, trois mois consécutifs et un mois seul : dhûl-qïda, dhûl-hijja, muharram et rajab, qui tombe entre jumâda et sha’bân. Telle est la loi éternelle de Dieu. Ne commettez donc pas de péché contre vous-mêmes en ce qui concerne ces mois. Quand je ne serai plus là, ne revenez pas à la mécréance en vous entretuant. Ai-je transmis mon message ?

Les gens répondirent : « Oui, certes. » Le Prophète (saws) continua son discours : Seigneur, sois témoin. Ô gens, vous avez des devoirs envers vos femmes et elles ont des devoirs envers vous. Il est de leur devoir de ne faire entrer personne chez vous contre votre gré : si elles le font, Dieu vous a permis de déserter leur lit et de les frapper légèrement. Si elles cessent, elles ont droit à être nourries et vêtues selon l’usage. Vos femmes sont à votre charge, elles dépendent de vous. Vous les avez prises en vous engageant devant Dieu, et vous avez rendu licites vos relations avec elles par la parole de Dieu. Craignez donc Dieu dans votre attitude envers les femmes et traitez-les bien. Ai-je transmis mon message ?

Ils répondirent : « Oui, certes. » Le Prophète  poursuivit : Seigneur, sois témoin. Ô gens, les croyants sont frères. Vous n’avez droit à rien de ce qui appartient à votre frère à moins qu’il ne le donne de son plein gré. O gens, votre Seigneur est un et votre père est un. Vous êtes tous les enfants d’Adam et Adam a été créé de poussière. Le plus noble d’entre vous est le plus pieux. Aucun Arabe n’est supérieur à un autre Arabe, sauf par la piété. Ai-je transmis mon message ?

Ils répondirent : « Oui, certes. » Il poursuivit : Seigneur, sois témoin. Ô gens, Satan a renoncé à tout espoir d’être adoré ici, sur votre terre. Il se satisfait cependant d’être obéi en ce que vous considérez comme des futilités. Préservez-vous de lui, de crainte qu’il ne corrompe votre foi. Je vous ai laissé ce qui vous empêchera de vous égarer si vous le suivez : quelque chose de clair et simple, le Livre de Dieu et la Sunna de Son Prophète. On vous interrogera à mon sujet. Que direz-vous ?

Ils répondirent : « Nous témoignons que tu as transmis ton message intégralement et que tu t’es acquitté de ta mission en toute sincérité.» Le Prophète (saws) leva le doigt vers le ciel puis le baissa pour montrer les gens rassemblés, tout en disant : « Seigneur, sois témoin. Seigneur, sois témoin. » Le Prophète (saws) dit ensuite : « Que ceux qui sont présents transmettent ce que j’ai dit aux absents. Il se peut que ceux qui l’apprendront de cette manière le comprennent mieux que ceux qui l’ont écouté. » Ainsi le Prophète (saws) conclut-il ce discours essentiel.

Cinq principes

Ce discours mémorable définit cinq principes fondamentaux. Deux de ces principes portent sur l’individu tandis que les trois autres affectent la structure de la société musulmane. En effet, l’Islam forge le caractère du musulman sur la base de deux principes fondamentaux. Premièrement, l’Islam rompt tous les liens qu’un musulman avait avec l’ignorance ou jâhiliyya, ses idoles, ses usages, ses transactions financières, ses pratiques usuraires, etc., car l’adoption de la religion musulmane implique que le musulman entame une nouvelle vie en rupture totale avec les erreurs du passé.

Le second principe est de se préserver de toute forme de péché. Les effets du péché sont beaucoup plus graves que tous les dangers que peut représenter l’ennemi sur le champ de bataille. Toutes les catastrophes de cette vie sont causées par nos péchés, qui nous feront également souffrir dans l’au-delà. Le Prophète (saws) indique aussi clairement qu’il n’entend pas par péché la réversion à l’idolâtrie. Une personne intelligente qui a eu connaissance de la foi basée sur l’unicité divine ne s’abaissera jamais à attribuer explicitement des partenaires à Dieu. Malgré cela, le Démon ne renonce pas à tenter d’attirer les gens vers le péché afin de les égarer encore davantage.

  1. Le Prophète (saws) définit en outre trois principes sur lesquels est fondée la communauté musulmane. Le premier est le lien de fraternité qui forge les relations entre tous les musulmans. C’est cette fraternité qui fait que chaque musulman est prêt à soutenir et à aider chaque autre musulman autant qu’il le peut.
  2. Le second de ces principes est le soutien aux faibles, de sorte que leur faiblesse ne rende pas vulnérable la société entière. On notera en particulier l’accent mis par le Prophète (saws) sur la bonté et la justice envers les femmes.
  3. Enfin, le troisième de ces principes est la coopération entre l’autorité officielle et les membres de la société musulmane afin de parvenir à une mise en oeuvre adéquate des principes de justice. Le résultat conjugué de ces cinq principes est la mise en pratique du Coran et de la Sunna : d’où l’insistance du Prophète (saws) pour que ses compagnons s’y attachent fermement et les mettent en oeuvre dans leur vie. Malgré sa brièveté, ce discours du Prophète (saws) contient tous les principes nécessaires à la formation du croyant parfait et de la société musulmane parfaite. C’est pourquoi le Prophète (saws) tenait à faire comprendre à ses auditeurs qu’il avait transmis son message et accompli sa mission, en prenant Dieu à témoin à plusieurs reprises.

Le pèlerinage du Prophète fut la seule fois où il accomplit ce devoir religieux depuis qu’il avait été prescrit par Dieu. L’accomplissement de ce pèlerinage permettait aux musulmans de suivre son enseignement pratique à propos de toutes les facettes de l’Islam. Plusieurs indices suggéraient que la mission du Prophète (saws) touchait à sa fin. Jusqu’alors, les musulmans avaient été habitués à avoir le Messager de Dieu parmi eux : il était directement guidé par Dieu et leur expliquait la voie à suivre à chaque fois qu’un problème se présentait.

Pour eux, la perspective de poursuivre leur vie sans le Prophète (saws) était inimaginable. Le Prophète (saws) était cependant conscient que cette issue était inéluctable, et s’efforçait donc de les préparer à cette éventualité. Nous avons vu comment le Prophète (saws) dit adieu à son compagnon Mu’adh ibn Jabal qu’il avait nommé gouverneur du Yémen. Cet avertissement fut donné peu de temps avant le départ du Prophète (saws) pour le pèlerinage.

Quand il prononça son sermon essentiel le jour où tous les pèlerins devaient être réunis à ‘Arafat, il commença par dire à ses compagnons : « Écoutez mes paroles, car je ne sais pas si je vous rencontrerai encore en ce lieu après cette année. » Ce discours du Prophète (saws), soulignant les principes essentiels de l’Islam et les fondements de la société musulmane, était un sermon d’adieu destiné à rappeler les valeurs sans lesquelles aucune société musulmane ne peut exister. Après chaque point de son discours, le Prophète (saws) demandait à ses compagnons: « Ai-je transmis mon message ? »

C’était là, l’attitude d’un homme, d’un prophète, qui comprenait parfaitement la valeur de son message et tenait à le transmettre intégralement aux gens afin qu’ils puissent le mettre en oeuvre dans leur vie de tous les jours. Quand ses auditeurs lui répondaient qu’il avait transmis son message, le Prophète (saws) en prenait Dieu à témoin. Si le message avait bien été transmis et si la religion qu’il représentait était complète, la mission du Prophète (saws) était donc terminée.

C’est pourquoi lorsque, durant son pèlerinage, le Prophète (saws) récita à ses compagnons le verset qui lui avait été révélé :

Vous sont interdits la bête trouvée morte, le sang, la chair de porc, ce sur quoi on a invoqué un autre nom que celui d’Allah, la bête étouffée, la bête assommées ou morte d’une chute ou morte d’un coup de corne, et celle qu’une bête féroce a dévoré – sauf celle que vous égorgez avant qu’elle ne soit morte -. (Vous sont interdit aussi la bête) qu’on a immolé sur les pièces dressées ainsi que de procéder au partage par tirage au sort au moyen de flèche. Car cela est perversité.  Aujourd’hui, les non-croyants désespèrent (de vous détourner) de votre religion : ne les craignez donc pas et craignez-moi. Aujourd’hui, j’ai parachevé pour vous votre religion, et accompli sur vous Mon bienfait. Et J’agrée l’Islam comme religion pour vous. Si quelqu’un est contraint par la faim sans inclination vers le péché… alors, Allah est Pardonneur et Miséricordieux.

(Coran : sourate 5, verset 3),

Le sens en était parfaitement clair. ‘Umar ibn al-Khattâb, qui était peut-être celui des compagnons du Prophète (saws) qui percevait les choses avec la plus grande acuité, était en larmes en écoutant le Prophète (saws) réciter ce verset. Comme ses compagnons lui en demandaient la raison, il répondit : « Seule l’imperfection peut faire suite à la perfection. »

De fait, plusieurs propos du Prophète (saws) et divers incidents pouvaient suggérer aux plus perspicaces que cette grande et noble vie approchait de sa conclusion. Ainsi, lorsque le Prophète (saws) alla accomplir le rite de la lapidation à al-‘Aqaba, il dit à la foule immense des pèlerins qui l’entourait : « Apprenez de moi vos rites car je n’accomplirai peut-être plus jamais le pèlerinage après cette année. »

En outre, la sourate intitulée « Le Secours » fut révélée au Prophète (saws) le second jour de son séjour à Minâ. On peut la traduire ainsi : « Lorsque le secours de Dieu et Sa victoire viendront, lorsque tu verras les hommes embrasser en masse Sa religion, célèbre alors les louanges de ton Seigneur et implore Son pardon, car Il est toute mansuétude et toute compassion ! » Deux des compagnons du Prophète les plus érudits, ‘Umar ibn al-Khattâb et Abdullâh ibn Abbâs, le cousin du Prophète, comprirent que la révélation de cette sourate annonçait au Prophète que sa vie sur terre s’achèverait bientôt.

Une autre indication de l’événement à venir avait eu lieu plus tôt la même année. Pendant le ramadan, le Prophète (saws) avait l’habitude de passer dix jours à la mosquée pour se consacrer totalement au culte. Chaque année, l’ange Gabriel lui apparaissait pendant le mois de ramadan et ils récitaient le Coran. Cette année-là, le Prophète passa vingt jours du ramadan à la mosquée, et récita le Coran en entier avec Gabriel deux fois de suite.

A l’époque où tous ces indices donnaient à penser que la fin de la mission du Prophète (saws) approchait, l’Arabie tout entière était loyale à l’Islam. Alors que de nombreuses parties de l’Arabie étaient profondément transformées par le passage des anciennes croyances païennes à l’Islam, la religion au monothéisme le plus pur, le Prophète (saws) était conscient qu’un changement inverse était fort peu probable. Certains facteurs ou certaines circonstances peuvent conduire à une apostasie de l’Islam, comme ce fut parfois le cas après la mort du Prophète (saws), mais de telles tentatives ne pouvaient qu’échouer. Une fois que la foi claire, fondée sur l’unicité divine, pénètre dans le coeur des gens, elle ne peut en être facilement chassée.

Le retour à Médine

Quand le Prophète (saws) eut terminé son pèlerinage, il était temps de repartir à Médine. Il prit le chemin du retour en compagnie des muhâjirûn et des ansâr, tandis que les membres d’autres tribus rejoignaient leur lieu de résidence. Le fait qu’il avait transmis son message ne signifiait nullement que le Prophète (saws) allait désormais mener une vie confortable et luxueuse. Il rentrait à Médine pour reprendre sa charge de défenseur de l’Islam invitant les gens à y adhérer.

Durant les premières semaines qui suivirent le retour du Prophète (saws) à Médine, les musulmans vécurent en paix. C’était une période de calme comme l’Arabie n’en avait pas connu depuis bien des années. Cette atmosphère de paix ne devait cependant pas tarder à se dissiper. Farwa ibn ‘Umar al-Juthâmî était le gouverneur de Ma’an, dans le sud de ce qui est aujourd’hui la Jordanie ; il avait été nommé à cette fonction par l’empereur de Byzance. Farwa avait cependant eu connaissance du message de l’Islam et en avait reconnu la véracité.

Il envoya un message au Prophète (saws) pour l’informer de sa conversion à l’Islam. Mais cette action provoqua la fureur de l’empereur de Byzance qui ordonna à son armée de soumettre Farwa et de l’arrêter. L’armée byzantine s’exécuta et Farwa se retrouva bientôt en prison. Au terme d’un procès sommaire, il fut condamné à mort, puis exécuté peu après à proximité d’une source appelée ‘Afrâ’ en Palestine. Il fut crucifié et laissé longuement sur la croix pour dissuader les autres de suivre son exemple.

Les récits nous disent que lorsqu’il était sur le point d’être exécuté, ses derniers mots furent pour appeler les personnes présentes à dire aux musulmans qu’il sacrifiait volontiers sa vie pour la cause de l’Islam. Le Prophète (saws) considéra l’exécution de Farwa comme une provocation qu’il ne pouvait laisser passer. Il fît donc lever une armée qu’il plaça sous le commandement d’Usâma ibn Zayd ibn Hâritha, un jeune homme de dix-sept ans qu’il aimait beaucoup.

Ce choix du Prophète (saws) remplissait plusieurs objectifs. D’abord, Usâma était un jeune homme particulièrement doué. Il y avait certainement dans son armée beaucoup de soldats capables, plus âgés que lui et eux-mêmes hautement qualifiés pour occuper le poste de commandant. Le choix d’Usâma soulignait qu’en Islam, l’âge ou le rang ne comptent pas, la compétence étant le seul critère permettant de départager les gens. En outre, le père d’Usâma n’est autre que Zayd ibn Hâritha, le fils adoptif du Prophète (saws) mort au cours du premier affrontement entre l’État musulman et l’empire byzantin : il avait été le premier commandant de l’armée musulmane qui avait mené cette bataille.

Le choix d’Usâma comme chef à cette occasion prouvait encore une fois qu’en Islam, le fils d’un ancien esclave était digne de commander une armée où de nombreux hommes d’origine noble étaient de simples soldats. De fait, un grand nombre de compagnons du Prophète (saws) des muhâjirûn et des ansâr se portèrent volontaires pour participer à cette expédition. Ceux qui constituaient le noyau de la nation musulmane, les muhâjirûn et les ansâr, qui avaient fondé leur vie sur l’Islam, étaient certes parfaitement conscients que les anciennes distinctions entre maître et esclave, aristocratie et bas peuple avaient été totalement abolies par l’Islam ; mais il était nécessaire d’en donner une nouvelle fois la preuve afin d’ancrer la notion de l’égalité de tous les musulmans dans l’esprit de ceux qui n’avaient que récemment embrassé l’Islam.

La nomination d’Usâma à la tête d’une armée où les plus anciens compagnons du Prophète (saws) étaient soldats en était une démonstration pratique. Cependant, le jeune âge d’Usâma incita certains compagnons du Prophète (saws) à remettre en cause sa nomination. Le Prophète (saws) l’apprit alors qu’il était malade. Il sortit jusqu’à la mosquée la tête bandée et s’adressa aux gens. Après avoir loué et glorifié Dieu, il dit : « O gens, laissez cette armée d’Usâma accomplir sa mission. Je sais que vous remettez en cause sa nomination comme vous aviez remis en cause la nomination de son père comme commandant. Il (Usâma) est digne de commander, comme son père était lui aussi digne de son commandement. »

Le Prophète (saws) donna à Usâma des instructions très claires. Il devait mener son armée au coeur de la Palestine, jusqu’à la région d’al-Balqa et de Darûm. La mission d’Usâma était donc de se livrer à une démonstration de force dans le but d’inciter le gouvernement de Byzance à réfléchir à deux fois avant d’entreprendre tout acte de provocation. Elle avait également pour objectif de prouver aux tribus arabes de la zone frontalière que l’État musulman n’était nullement intimidé par son puissant voisin.

Il fallait les rassurer quant au fait qu’en devenant musulmans, ils ne s’exposaient pas à un grand danger de la part de l’empire byzantin. L’armée fut levée en quelques jours. Tous les premiers muhâjirûn et un grand nombre des ansâr se portèrent volontaires pour y participer. Parmi les soldats d’Usâma se trouvaient des personnages de l’envergure d’Abû Bakr et ‘Umar ibn al-Khattâb. L’armée d’Usâma établit son camp à un endroit appelé al-Jurf, à quelques kilomètres de Médine, pour attendre que les volontaires soient prêts. Son départ fut cependant retardé par un malheur inattendu.

La mort du Prophète

Lors de son grand sermon le jour de ‘Arafat, pendant le pèlerinage, le Prophète (saws) avait récité aux musulmans le troisième verset de la sourate 5, « La Table », qui dit :

Vous sont interdits la bête trouvée morte, le sang, la chair de porc, ce sur quoi on a invoqué un autre nom que celui d’Allah, la bête étouffée, la bête assommées ou morte d’une chute ou morte d’un coup de corne, et celle qu’une bête féroce a dévoré – sauf celle que vous égorgez avant qu’elle ne soit morte -. (Vous sont interdit aussi la bête) qu’on a immolé sur les pièces dressées ainsi que de procéder au partage par tirage au sort au moyen de flèche. Car cela est perversité.  Aujourd’hui, les non-croyants désespèrent (de vous détourner) de votre religion : ne les craignez donc pas et craignez-moi. Aujourd’hui, j’ai parachevé pour vous votre religion, et accompli sur vous Mon bienfait. Et J’agrée l’Islam comme religion pour vous. Si quelqu’un est contraint par la faim sans inclination vers le péché… alors, Allah est Pardonneur et Miséricordieux.

Ce verset fut le dernier à être révélé. Un ou deux compagnons du Prophète (saws), particulièrement perspicaces, comprirent que cette révélation annonçait la fin de la mission du Prophète (saws). Ils étaient conscients en effet qu’une fois la perfection atteinte, l’imperfection ne tarde pas à s’infiltrer. Personne ne pouvait toutefois imaginer que le Prophète (saws) allait bientôt mourir.

Mais le Prophète (saws) était un être humain, ne différant des autres que par le fait que Dieu l’avait choisi pour transmettre Son message à l’humanité. Le message transmis, son rôle était terminé. À la fin du mois de safar, le second du calendrier musulman, de la onzième année de l’hégire, le Prophète (saws) demanda à Abu Muwayhiba, l’un de ses serviteurs, de l’accompagner une nuit au cimetière de Médine connu sous le nom de Baqi al-Gharqad. Là, il implora Dieu de pardonner à ceux qui étaient enterrés dans le cimetière car ils avaient servi l’Islam de leur vivant. Cet acte montrait l’amour et la compassion du Prophète (saws) pour ceux qui reconnaissaient la véracité de l’Islam et en faisaient le principe directeur de leur vie.

La Maladie du Prophète

Un matin, le Prophète (saws) trouva son épouse Aïsha se plaignant d’un mal de tête, mais il lui dit qu’il avait lui aussi très mal à la tête. Comme à son habitude, il rendit visite à toutes ses épouses ce jour-là, mais il était souffrant. Il se sentait de plus en plus malade, et arrivé chez Maymûna il était trop faible pour poursuivre ses visites. Il demanda donc à ses épouses la permission d’être soigné chez Aïsha : toutes y consentirent. Ce détail montre l’exceptionnel degré d’équité que le Prophète (saws) s’attachait à respecter dans son traitement de ses épouses.

Ayant obtenu leur permission de rester chez Aïsha, il s’y rendit soutenu par deux de ses cousins. La maladie du Prophète (saws) continua à empirer. Il devint fiévreux, et demanda qu’on lui prépare un bain froid. Il dit à ses proches : « Versez-moi sept récipients d’eau puisée à plusieurs puits. » ‘Aisha a relaté qu’on le fit asseoir dans une bassine appartenant à Hafsa, une autre de ses épouses, et qu’on lui versa de l’eau dessus jusqu’à ce qu’il demande d’arrêter. Se sentant alors moins fiévreux, il demanda à son cousin, al-Fadl ibn al-Abbâs, de lui donner la main et de le conduire à la mosquée. Il s’assit sur la chaire, la tête bandée, puis il lui demanda d’appeler les fidèles.

Ceux-ci vinrent écouter l’homme qui leur avait montré la voie à suivre dans toutes les situations auxquelles ils avaient été confrontés. Dans son sermon, il souligna que l’injustice n’est en aucune façon acceptable en Islam.
Il formula ce message de la manière la plus claire :

Louange à Dieu, en dehors de qui il n’existe aucune divinité. Si j’ai jamais frappé le dos de l’un de vous, qu’il vienne me frapper le dos. Si j’ai jamais insulté quelqu’un, qu’il vienne m’insulter. Il n’est pas dans ma nature de chercher querelle, et cela ne me plaît pas. Celui d’entre vous qui m’est le plus cher est celui qui a un droit sur moi et le réclame. En faisant cela, il me libère et je pourrai rencontrer Dieu sans que personne n’ait le moindre grief contre moi.

Nous possédons d’autres récits relatifs à ce sermon et à d’autres prononcés par le Prophète (saws) au cours de sa maladie : leur authenticité n’est pas parfaitement établie. Leur sens est toutefois conforme aux priorités du Prophète (saws), qui tenait toujours à souligner que la justice est la principale caractéristique de la société musulmane. Le Prophète (saws) resta chez lui tandis que sa santé se détériorait peu à peu. Les rares fois où il se sentait un peu mieux, il sortait jusqu’à la mosquée pour regarder la communauté qu’il avait forgée et les gens qu’il aimait.

Abu Sa’îd al-Khudrî, le compagnon du Prophète (saws), a relaté qu’un jour, le Prophète (saws) s’assit en chaire et dit :
« Un serviteur de Dieu a reçu le choix de prendre ce qu’il voudrait de ce monde ou d’être avec Dieu : il a fait le second choix. » Abu Bakr, en larmes, dit : « Nous donnerions nos parents pour toi, Messager de Dieu. » Les fidèles s’étonnèrent d’entendre Abu Bakr, alors un vieillard, faire une telle remarque alors que le Prophète (saws) parlait simplement du choix fait par un serviteur de Dieu. Abu Bakr, lui, avait compris que le Prophète (saws) parlait de lui-même lorsqu’il évoquait ce serviteur de Dieu à qui ce choix avait été proposé.

Le Prophète dit ensuite : « Celui qui m’a le plus gratifié de sa compagnie et de ses biens est Abu Bakr. Si je devais choisir un ami privilégié, ce serait Abu Bakr. Mais c’est une fraternité dans la foi qui nous lie, jusqu’à ce que Dieu nous réunisse auprès de Lui. »

Ces courts moments où le Prophète (saws) se sentait mieux donnaient à penser à ses compagnons que sa maladie ne serait que passagère. Ils étaient certains qu’il reprendrait bientôt la lutte pour la cause de Dieu et continuerait à veiller sur la communauté musulmane. Un jour, son cousin et gendre Alî ibn Abî Tâlib lui rendit visite. Quand il sortit, les gens lui demandèrent comment le Prophète (saws) allait ce matin-là et il répondit : « Je crois qu’il est guéri, Dieu soit loué. »

Son oncle, al-Abbâs, le prit à part et lui dit : « Ne te rends-tu pas compte ? Dans trois jours, ce sera fini. Je sens que le Messager de Dieu va bientôt mourir de sa maladie. J’ai vu des hommes de la famille de Abd al-Muttalib quand ils étaient sur le point de mourir. Je voudrais que tu ailles demander au Messager de Dieu qui aura l’autorité après sa mort. Ainsi si c’est l’un de nous, nous le saurons, et si c’est quelqu’un d’un autre clan, le Prophète  pourra nous recommander à lui. » Alî dit à son oncle, qui était aussi l’oncle du Prophète (saws) : « Si nous demandions cela au Prophète et qu’il nous refusait l’autorité après lui, les gens ne nous la confieraient jamais par la suite. Par Dieu, jamais je ne demanderai cela au Prophète. »

Il était clair qu’al-Abbâs parlait de l’autorité politique. Ce dernier était certain que le Prophète (saws) était sur son lit de mort. Ayant vu un certain nombre de ses proches lors de leurs derniers moments, il se rendait compte que le Prophète (saws) était dans le même état. Étant l’homme le plus âgé et le plus distingué du clan hachémite auquel le Prophète (saws) appartenait, il voulait savoir qui prendrait le commandement après le Prophète (saws). Il était naturel que al-Abbâs s’adresse pour cela à Alî : ce dernier avait été le premier hachémite à embrasser l’Islam ; c’était en outre un homme doté de grandes qualités, aimé de tous, proche du Prophète (saws) et un grand serviteur de la cause de l’Islam. Il était le candidat naturel au commandement parmi les Hachémites en cas de décès du Prophète (saws). Cependant, Alî ne voulait pas poser cette question au Prophète (saws) afin que la nation musulmane puisse faire son choix librement.

L’attente de l’inévitable

L’atmosphère était sombre à Médine durant ces derniers jours du mois de safar et ces premiers jours de rabî’ al-awwal de la onzième année de l’hégire. Le Prophète (saws) était malade et sa santé ne montrait aucun signe d’amélioration. A cela s’ajoutait l’élément d’attente, puisqu’une armée musulmane se mobilisait au même moment pour affronter l’empire byzantin. Chaque musulman de Médine aimait le Prophète (saws) plus que ses propres enfants ou que lui-même. C’est ce degré d’amour que la foi requiert des croyants. Il était donc extrêmement pénible pour tous les fidèles de le voir souffrir et être malade.

Son mal empirait. Il souffrait beaucoup, et ceux qui l’entouraient étaient très tristes de le voir ainsi. Sa seule fille encore vivante, Fâtima, en était très peinée. À une certaine occasion, elle s’exclama : « Comme mon père est malade et souffre ! » Le Prophète (saws), qui l’avait entendue, dit : « Ton père ne souffrira plus après ce jour. » L’armée mobilisée pour l’expédition contre les Byzantins retarda son départ en raison de la maladie du Prophète (saws). Apprenant que son état ne s’améliorait pas, Usâma, le commandant de l’armée, et un certain nombre de ses soldats se rendirent à son chevet. Quand ils purent entrer dans sa chambre, ils le trouvèrent incapable de parler.

Usâma devait dire plus tard que le Prophète (saws) avait levé la main au ciel et l’avait posée sur lui, de sorte qu’il avait compris que le Prophète (saws) priait pour lui. Le Prophète (saws) continua néanmoins à sortir jusqu’à la mosquée et à s’adresser aux fidèles à chaque fois qu’il en avait la force. Un jour, il s’assit en chaire, la tête bandée, entouré des fidèles. Ses premières paroles furent pour bénir les combattants morts à la bataille d’Uhud, qui avait vu la première défaite militaire subie par les musulmans. Il pria longuement pour eux et implora le pardon de Dieu pour eux.

Il ordonna ensuite qu’on ferme toutes les portes qui ouvraient directement des habitations des fidèles sur la mosquée, à l’exception de la porte ouvrant de l’habitation d’Abû Bakr. La raison de cette exception était qu’Abû Bakr était son compagnon le plus proche et celui qui avait tout donné au service de l’Islam et au service du Prophète (saws). À une autre occasion, il fit l’éloge des ansâr et recommanda aux muhâjirûn de veiller sur eux. Il ajouta que le nombre des ansâr n’augmenterait pas comme augmente une population et dit : « Ils ont été mes partisans dévoués, qui m’ont donné refuge et offert leur soutien. Soyez bons envers ceux d’entre eux qui font le bien et pardonnez à ceux qui commettent des erreurs. »

Il semble que le Prophète perdait parfois connaissance à cause de sa maladie. Un jour, un certain nombre de femmes, dont plusieurs de ses épouses, se trouvaient chez lui ainsi que son oncle al-Abbâs. Après avoir discuté de son état, on décida de lui administrer un remède. Quand le Prophète (saws) reprit connaissance, il demanda qui lui avait fait cela. On lui répondit que son oncle lui avait donné un remède qu’on avait rapporté d’Abyssinie. Comme il demandait pourquoi, al-Abbâs répondit qu’ils craignaient qu’il ne soit atteint de pleurésie.

Il répondit : « C’est une maladie que Dieu ne m’infligerait pas. » Le Prophète continua à diriger la prière des fidèles malgré sa maladie. Toutefois, lorsque son mal empira, il ne put plus continuer. Il ordonna donc qu’Abû Bakr dirige la prière. Aïsha, l’épouse du Prophète (saws) et la fille d’Abû Bakr, n’aimait pas que son père se charge de cette tâche. Elle craignait que les gens n’associent la direction de la prière par Abu Bakr à la maladie du Prophète. Elle dit au Prophète (saws) : « Abu Bakr est un homme tendre. Cela lui sera peut-être trop pénible d’occuper ta place. » Le Prophète (saws) insista : « Dites à Abu Bakr de diriger les prières ! »

Aïsha réitéra son objection, suscitant la colère du Prophète (saws). Il lui dit : « Vous, les femmes, vous êtes comme les compagnes de Joseph [une allusion à la ruse employée par des femmes aux dépens de Joseph]. Qu’Abû Bakr dirige les prières. » Abu Bakr dirigea la prière dix-sept fois, c’est-à-dire trois jours et demi. Il s’agissait des jours où le Prophète (saws) était très malade. Selon un récit authentique, il dit : « Je souffre autant que deux d’entre vous ensemble. »

Malgré la gravité de son état, le Prophète (saws) gardait cependant un esprit alerte ; il n’avait rien perdu de ses facultés et continuait à s’efforcer d’ancrer profondément les principes essentiels de l’Islam dans le coeur des fidèles. Il ne cessait de leur rappeler les principes fondamentaux de son message. La pire crainte qu’avait le Prophète (saws) pour sa communauté était que les gens ne se mettent à vénérer indûment des personnes, des tombes ou autre chose, comme l’avaient fait et le font encore les adeptes d’autres religions. Il voulait que sa nation conserve toujours sa foi profonde en l’unicité divine et n’adore que Dieu Seul.

Même à l’agonie, il continua à mettre les musulmans en garde contre ce danger. Âïsha et Ibn Abbâs ont relaté : «Durant sa maladie, le Messager de Dieu se couvrait le visage d’un vêtement. S’il avait du mal à respirer, il l’enlevait. Un jour, il dit : « Maudits soient les juifs et les chrétiens pour avoir fait des tombes de leurs prophètes des lieux de culte. » » C’était un avertissement clair à l’intention des musulmans, afin qu’ils ne transforment aucune tombe en sanctuaire à vénérer.

Le Prophète (saws) mettait aussi continuellement les gens en garde contre un autre mal : suivre ses passions et considérer les autres avec mépris. Ceux qui suivent leurs passions négligent leurs prières, et ceux qui considèrent les autres avec mépris se comportent mal envers leurs serviteurs, leurs employés ou leurs esclaves. Une nation qui se laisse aller à de tels maux n’est pas digne de vivre et ne peut apporter aucune contribution positive à la vie. Elle ne peut qu’être négligée par Dieu en punition de ses fautes, ce qui lui vaudra l’humiliation dans ce monde et la souffrance dans l’au-delà. Craignant que sa communauté ne connaisse de tels maux, le Prophète (saws) ne cessait de la mettre en garde.

Sur son lit de mort, il continua à attirer l’attention des musulmans sur les principaux aspects du bon comportement. Anas ibn Mâlik a relaté que sur son lit de mort, le Prophète (saws) continua à souligner l’importance des prières et du bon comportement envers les esclaves. D’autres récits le confirment, soulignant que le Prophète ne cessait de conseiller aux musulmans : « Soyez assidus dans vos prières, soyez assidus dans vos prières. N’imposez pas à ceux que votre main droite possède [vos esclaves] plus qu’ils ne peuvent supporter. Craignez Dieu dans votre comportement envers les femmes. »

Le Prophète (saws) tenait parfois à assister aux prières en commun et à voir les fidèles célébrer le culte. Il sortait alors de chez lui pour les rejoindre. Ibn Abbâs a relaté qu’un matin, le Prophète (saws) sortit pour la prière de l’aube alors qu’Abû Bakr avait déjà commencé à diriger la prière. Abu Bakr voulut laisser sa place au Prophète (saws) et regagner les rangs des fidèles. Le Prophète (saws) lui fit toutefois signe de rester à sa place. Il s’assit à la gauche d’Abû Bakr et prit sa suite pour diriger la prière, reprenant la récitation là où Abu Bakr s’était interrompu. De ce fait, le Prophète (saws) dirigeait la prière d’Abû Bakr tandis que ce dernier continuait à diriger la prière en commun.

Dieu voulait, semble-t-il, rassurer Son messager en lui montrant que sa communauté croyait très fermement au message de l’Islam. Il lui permit d’assister à la prière de l’aube le lundi où il devait mourir. Comme les fidèles étaient en rangs, absorbés dans leur prière et qu’Abû Bakr récitait le Coran de sa voix mélodieuse, le Prophète (saws) sortit de la chambre de Aïsha pour les regarder. Quand ils le virent apparaître, ils furent très heureux. Ils commencèrent à s’écarter pour le laisser passer. Il leur fit cependant signe de rester où ils étaient.

Il était si heureux de les regarder prier. Anas ibn Mâlik a relaté : « Jamais je n’ai vu le Messager de Dieu aussi rayonnant qu’à ce moment-là. » L’apparition du Prophète (saws) lors de cette prière donna aux musulmans la fausse impression qu’il allait beaucoup mieux. Ils pensèrent qu’il allait se rétablir complètement. Cela se produisit le lundi 12 du mois de rabi al-awwal de la onzième année de l’hégire. Réconfortés par cet espoir, les fidèles se dispersèrent pour vaquer à leurs occupations.

Même Abu Bakr demanda et obtint la permission du Prophète (saws) de rendre visite aux membres de sa famille qui vivaient aux alentours de Médine. Toutefois, ces espoirs étaient vains et devaient bientôt être dissipés. Aïsha a relaté :

Ce jour où le Messager de Dieu entra à la mosquée, il revint et se coucha, la tête sur mes genoux. Un homme de la maison d’Abû Bakr [la famille de Aïsha] entra avec à la main un miswâk vert [un bâtonnet utilisé par les Arabes pour se frotter les dents]. Le Messager de Dieu  le regarda et je compris qu’il voulait ce miswâk. Je lui demandai s’il voulait que je le lui donne et il répondit que oui. Je le pris et le mâchai un peu pour le ramollir avant de le donner au Prophète. Il se nettoya les dents avec très fort, comme jamais je ne l’avais vu le faire auparavant. Puis il le posa. Je sentis sa tête s’alourdir sur mes genoux. Je regardai son visage et je remarquai qu’il fixait son regard. Il dit d’une voix faible : « La Compagnie la plus élevée. »

Je dis : « Par Celui qui t’a envoyé apporter la Vérité, on t’a donné un choix et tu as fait ton choix. » Alors, le Messager de Dieu rendit l’âme. Selon un autre récit, Aïsha dit également : « Le Messager de Dieu est mort la tête entre ma poitrine et mon cou, durant ma journée [c’est-à-dire le jour où c’était son tour de le recevoir, puisque le Prophète passait habituellement un jour chez chacune de ses épouses à tour de rôle]. Je n’ai lésé personne en cela. »

La terrible nouvelle

La tragique nouvelle se répandit bientôt. Les fidèles étaient atterrés. Ils eurent l’impression que toute la ville de Médine était engloutie dans les ténèbres. Ils étaient comme de jeunes enfants ayant perdu leurs parents. Ils ne savaient que faire. Malgré les différentes allusions faites par le Prophète (saws) à sa mort prochaine et le fait que cette éventualité était clairement évoquée dans le Coran, le perdre était, pour ses compagnons, quelque chose qu’ils ne pouvaient pas concevoir ni imaginer.

Il avait vécu parmi eux, plus cher à leur coeur que leur propre personne. Il était le soleil de leur vie. Sa mort signifiait qu’il leur faudrait désormais vivre dans l’obscurité totale. Le départ du Prophète (saws) de leur vie entraînerait un vide qu’ils ne pourraient jamais combler. C’était un événement qu’ils ne pouvaient concevoir ni comprendre. Certains étaient incapables de bouger, d’autres de prononcer un mot ; d’autres encore prononçaient des paroles auxquelles ils ne pouvaient pas avoir réfléchi.

‘Umar ibn al-Khattab lui-même, dont les opinions avaient été plus d’une fois confirmées par le Coran, fut incapable d’exercer son jugement correctement. Il se leva pour s’adresser aux gens en disant : « Certains hypocrites prétendent que le Messager de Dieu est mort. Le Messager de Dieu  n’est pas mort. Il a rejoint son Seigneur comme Moïse l’a fait avant lui, quand il est resté quarante jours loin de son peuple. Puis il est revenu, après que les gens avaient dit qu’il était mort. Je jure que le Messager de Dieu reviendra et coupera les mains et les pieds à ceux qui prétendent qu’il est mort. »

Tandis que ‘Umar parlait ainsi, Abu Bakr arriva, ayant été appelé lorsque le tragique événement s’était produit. Il ne fit attention à rien de ce qui se passait autour de lui, entrant d’abord dans la chambre de sa fille Aïsha, l’épouse du Prophète (saws). Le Prophète (saws) se trouvait dans la pièce, recouvert d’un vêtement yéménite. Abu Bakr alla droit vers lui, lui découvrit le visage, s’agenouilla et l’embrassa en disant : « Toi pour qui je donnerais mon père et ma mère, la seule mort que Dieu a décrétée pour toi, tu l’as maintenant connue. Tu ne mourras plus jamais. »

Il couvrit le visage du Prophète  et sortit rejoindre ‘Umar qui était encore en train de parler aux gens. Abu Bakr lui dit : « Écoute-moi. » Mais ‘Umar continua à parler. Abu Bakr commença donc lui aussi à s’adresser aux gens. Quand ils se rendirent compte que c’était Abu Bakr, les gens s’écartèrent de ‘Umar pour venir l’écouter. Abu Bakr commença par louer Dieu et Le remercier pour Ses bienfaits. Puis il dit : « O gens, si certains d’entre vous adoraient Muhammad, eh bien Muhammad est mort. Quant à ceux qui adoraient Dieu, eh bien Dieu est Vivant et ne meurt pas. »

Puis il récita un verset du Coran que l’on peut traduire ainsi :

« Muhammad n´est qu’un messager – des messagers avant lui sont passés – S´il mourait, donc, ou s´il était tué, retourneriez-vous sur vos talons? Quiconque retourne sur ses talons ne nuira en rien à Allah; et Allah récompensera bientôt les reconnaissants. »

(Coran : sourate 3, verset144)

Quand les gens entendirent Abu Bakr réciter ce verset du Coran, il leur sembla qu’ils ne l’avaient jamais entendu auparavant. Ils l’avaient pourtant entendu à maintes reprises et se mirent à le répéter après lui.

‘Umar a relaté : « Quand j’entendis Abu Bakr réciter ce verset, je fus accablé et désorienté. Je tombai à terre, incapable de tenir sur mes jambes. Je compris alors que le Messager de Dieu était mort. »

Il fallait aussi s’attendre à ce qu’Abû Bakr, le premier homme qui avait embrassé l’Islam et le plus proche compagnon du Prophète (saws), soit celui qui rappellerait à la communauté musulmane le fait élémentaire que le Prophète (saws) n’était qu’un être humain ordinaire qui devrait un jour mourir comme tout être humain. Il fallait ensuite préparer le corps du Prophète (saws) pour l’enterrement. Son corps devait être lavé, comme celui de tout défunt.

Cette tâche revint à Alî ibn Abî Tâlib, le cousin du Prophète (saws), et aux deux fils d’al-Abbâs, al-Fadl et Qutham, ainsi qu’à Usâma ibn Zayd et à Shaqrân, le serviteur du Prophète (saws). Aws ibn Khawlî, un homme des ansâr, demanda à Alî de lui permettre d’être présent également. Alî souleva le corps du Prophète (saws) en l’appuyant contre sa poitrine et al-Abbâs et ses deux fils l’aidèrent à retourner le corps, Usâma et Shaqrân versant l’eau tandis que Alî le lavait.

‘Aïsha a relaté que lorsqu’ils s’apprêtaient à laver le corps du Prophète (saws), ils n’étaient pas certains s’il convenait de le déshabiller ou de le laver avec ses vêtements. Ils débattaient de ce point quand ils furent envahis par le sommeil. Tous s’assirent et s’endormirent. Ils entendirent alors une voix leur dire de laver le corps du Prophète avec ses vêtements, et ce fut donc ainsi qu’ils procédèrent. Ils versèrent l’eau par-dessus son vêtement et lui frottèrent le corps avec le vêtement, sans passer leurs mains dessous.

Quand ils eurent fini de le laver, ils l’enveloppèrent dans trois pièces de tissu. Le lieu où le Prophète (saws) allait être inhumé fit l’objet de plusieurs propositions. Certains suggérèrent qu’on l’enterre dans sa mosquée. D’autres proposèrent qu’on l’enterre à côté de ses compagnons. Abu Bakr répondit cependant qu’il avait entendu le Prophète dire (saws) : « Chaque prophète doit être enterré à l’endroit où il est mort. » Cela résolut la question : on enleva le lit où le Prophète était mort et on creusa sa tombe à son emplacement. Il fut enterré le mercredi soir, dans la chambre de Aïsha. C’est là que se trouve toujours sa tombe.

Une fois enveloppé pour être inhumé, le corps du Prophète (saws) fut posé sur son lit. Abu Bakr et ‘Umar entrèrent dans la pièce et dirent : « La paix soit sur toi, Messager de Dieu, ainsi que la miséricorde et la bénédiction de Dieu.» Un certain nombre des muhâjirûn et des ansâr entrèrent avec eux, autant que la pièce pouvait en contenir. Ils prononcèrent les mêmes salutations et se tinrent en rangs pour accomplir la prière funéraire. Personne ne dirigea la prière. Abu Bakr et ‘Umar se tinrent toutefois au premier rang, juste à côté du Prophète (saws).

Ils dirent : Seigneur, nous sommes témoins qu’il nous a transmis ce qui lui a été révélé, a conseillé sincèrement sa communauté et a lutté pour la cause de Dieu jusqu’à ce que Dieu fasse triompher Sa religion par son intermédiaire, que les paroles de Dieu soient complètes et que les gens croient en Lui Seul, sans associé. Seigneur, place-nous parmi ceux qui suivent la parole qui lui a été révélée ; joins-nous à lui afin qu’il nous reconnaisse et que Tu nous fasses connaître de lui. Il était plein de compassion et de bienveillance envers les croyants.

Quand ils eurent terminé, ils quittèrent la pièce pour permettre à un autre groupe de musulmans d’entrer et d’accomplir la prière funéraire pour le Prophète (saws). Ce groupe fut suivi par d’autres, autant que la pièce pouvait en contenir. Quand tous les hommes eurent accompli leur prière, les femmes entrèrent par groupes pour en faire autant, suivies à leur tour par des groupes d’enfants. Il n’y eut cependant pas de prière en commun pour le défunt. Chacun priait individuellement. Cela prit toute la journée du mardi et le Prophète (saws) fut enterré le mercredi.

Ainsi s’acheva la vie du Prophète (saws). Son message reste cependant vivant. Il restera intact jusqu’à la fin des temps, car Dieu a garanti qu’il serait préservé dans sa forme originelle. Puisse Dieu récompenser le Prophète Muhammad (saws), Son dernier Messager, et le combler de paix et de bienfaits.

7 thoughts on “EPISODE 30

  1. Amzile dit :

    Salla lah 3alayh wa salem

  2. Mohamed djelane dit :

    Ma’cha Allah

  3. سناء dit :

    اللهم صل وسلم وبارك على سيدنا محمد وعلى آله وأصحابه أجمعين
    بارك الله فيكم

  4. Fariss dit :

    Wa Salattou wa salam aala Mohammed Rassoul Allah

    1. Oumayma Bouaoud dit :

      Salam aleykoum wa rahmatullah wa barakatuh (السٌَلامُ عَلَيْكُمْ وَ رَحْمَةُ اللهِ وَ بَرَكاتُهْ) : Que la paix, la Miséricorde et la bénédiction d’Allah soit sur vous. Barak’Allah oufik pour votre retour l’équipe fait son possible pour être à la hauteur de la plus belle des religions.

  5. Latifa soffi dit :

    Salla lah 3alayh wa salem
    Mashallah

  6. Jouini dit :

    Barakallahou fik 3alih salât wa salam

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