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EPISODE 29

Retour à la Mecque

Histoire de la dernière révélation !

Le contenu qui suit n’est proposé qu’à titre purement indicatif et n’engage que son auteur. Pour plus d’informations, n’hésitez pas à vous rapprocher de votre mosquée locale.

Nous nous plaçons sous la protection d’Allah (Exalté soit-Il) pour la réussite de nos œuvres et demandons Son Pardon pour les erreurs émanant de nos âmes.

Fraternellement vôtre… Bilal Muezzin !

Résumé :

L’assise des Musulmans étant établie tant localement qu’à l’international, le nouveau pacte conclu entre ces derniers et les Quraysh à al Hudaybiyya permet au Prophète (paix et prière d’Allah sur lui) et à ses hommes de revenir à la Mecque pour y accomplir leur pèlerinage. Malgré cela, les tensions anciennes n’étant pas totalement oubliées, de nouveaux différents éclatent, voyant la violation du traité puis la conquête finale par les Musulmans de la ville. Une amnistie générale à l’exception de quelques individus est déclarée par le Prophète (paix et prière d’Allah sur lui) qui ne manque pas au passage de briser les idoles Mecquoises…

HISTOIRE :

Construction de la paix

La sixième année après l’arrivée du Prophète (saws) à Médine, les musulmans se trouvaient donc dans une situation très favorable. Ils jouissaient d’une période de paix et de tranquillité relatives telle qu’ils n’en avaient jamais connu depuis la fondation de leur Etat. La situation n’était cependant pas exempte de dangers potentiels. Les tribus juives expulsées de Médine s’étaient installées auprès de leur coreligionnaire, à Khaybar, dans le nord-ouest de l’Arabie.

On pouvait toujours s’attendre à un renouvellement de l’alliance entre les Quraysh de La Mecque et les juifs de Khaybar pour entreprendre une nouvelle offensive contre les musulmans. Le Prophète (saws) était conscient qu’il valait mieux prévenir toute tentative de rétablir une telle alliance qu’essayer de s’y opposer une fois qu’elle serait constituée. Une démonstration de force était donc nécessaire pour rappeler à chacun que les musulmans de Médine étaient trop puissants et trop sur leurs gardes pour laisser se former une telle alliance.

Le Prophète (saws) était aussi pleinement conscient que les musulmans devaient montrer au reste du monde que, pour eux, la guerre n’était qu’un mal nécessaire et qu’ils préféraient vivre en paix avec les autres. Les musulmans étaient les dépositaires du message divin et ils avaient conscience que leur devoir primordial était de transmettre ce message à l’humanité. Pour s’acquitter correctement de cette mission, ils avaient avant tout besoin de paix. La démonstration à venir devrait donc remplir ces deux objectifs.

Un rêve très agréable

Une nuit, le Prophète (saws) se vit en rêve aller prier à la Ka’ba avec ses compagnons ; certains se rasaient la tête tandis que d’autres raccourcissaient leurs cheveux. Or, se raser la tête ou couper une partie de ses cheveux fait partie des rites du pèlerinage et de la umra (la visite pieuse). Dans ce rêve, ils pouvaient le faire sans ne craindre aucun ennemi ni ne rencontrer aucun obstacle. Il fut très heureux de ce rêve, qu’il relata à ses compagnons. Ceux-ci furent enchantés, car ils étaient conscients que les rêves des prophètes sont véridiques.

Quand un prophète (saws) fait un rêve, c’est une indication de ce qui va lui arriver, à lui ou à sa communauté. Les musulmans considérèrent donc ce rêve relaté par le Prophète (saws) comme une bonne nouvelle et l’accomplissement d’un de leurs plus chers désirs. En effet, tous les musulmans souhaitaient se rendre à la Ka’ba mais ils en avaient été empêchés pendant les six dernières années. Peu après, le Prophète (saws) annonça à ses compagnons et aux tribus arabes des environs de Médine son intention de se rendre à La Mecque pour honorer la Ka’ba et y célébrer le culte.

Il les invita à se joindre à lui. La plupart des tribus arabes qui n’adhérèrent pas encore à l’Islam ne souhaitaient pas participer à cette expédition pacifique car ils craignaient que les Quraysh ne s’opposent au projet des musulmans et ne les empêchent de pénétrer à La Mecque. Si les Quraysh étaient déterminés à arrêter les musulmans, un conflit armé pourrait s’ensuivre. Ces tribus arabes restèrent donc à l’écart. Les musulmans, quant à eux, furent heureux de se joindre au Prophète (saws), qui partit à la tête d’environ mille quatre cents de ses partisans.

Le voyage entrepris par le Prophète (saws) donna lieu à une situation très problématique. La Ka’ba était à La Mecque, la patrie des Quraysh qui s’étaient jusqu’alors montrés hostiles envers l’Islam et les musulmans. Les Quraysh étaient toujours la tribu la plus importante et la plus puissante d’Arabie. Par ailleurs, ils étaient les gardiens de la Ka’ba. Leur position unique parmi les Arabes émanait en partie de ce rôle, qui demandait que personne ne soit empêché, sous aucun prétexte, de se rendre à la Ka’ba pour le pèlerinage ou l’exercice d’un culte.

Les années précédentes, les musulmans n’avaient pas été autorisés à se rendre à La Mecque en raison de l’état de guerre existant entre les Quraysh et eux. Maintenant que le Prophète (saws) et ses compagnons venaient pour une mission pacifique visant à manifester leur vénération pour la Ka’ba, quelle serait l’attitude des Quraysh ? S’ils repoussaient les musulmans, leur attitude serait-elle justifiée aux yeux des autres Arabes ? Un tel acte n’entacherait-il pas l’honneur des Quraysh en tant que gardiens de la Maison de Dieu ?

Le Prophète (saws) tenait à ce que les Quraysh n’aient absolument aucune excuse pour adopter une attitude hostile. Il prit donc toutes les dispositions nécessaires pour prouver aux Quraysh et à tous les Arabes que sa mission était pacifique et qu’il n’avait pas d’autre intention que d’honorer la Ka’ba. Le Prophète (saws) partit donc à la tête de ses compagnons durant le mois de dhûl-qi’da (février 628 apr. J.-C.) ; ils ne portaient pour toute arme que leurs sabres dans leurs fourreaux.

À l’époque, aucun voyageur traversant l’Arabie ne pouvait se passer de son sabre. Le Prophète (saws) montait sa chamelle al-Qaswa. Il emmenait avec lui soixante-dix chameaux : il avait l’intention de les sacrifier après avoir accompli sa umra et de distribuer leur viande aux pauvres dans le périmètre sacré de La Mecque. En effet, le sacrifice fait partie des rites du pèlerinage et est recommandé après la ‘umra. Le pèlerin consomme une partie de la viande du sacrifice mais en distribue la majeure partie aux pauvres dans le périmètre sacré qui entoure La Mecque.

Le Prophète (saws) demanda à son compagnon aveugle, Ibn Umm Maktûm, de le remplacer à Médine et emmena avec lui Umm Salama, l’une de ses épouses. Arrivé à un endroit appelé Dhûl-Hulayfa, à neuf kilomètres environ de Médine, il s’arrêta pour accomplir la prière de duhr. Puis il marqua les chameaux, conformément à la tradition arabe, afin qu’on les reconnaisse comme des chameaux destinés à être sacrifiés après l’accomplissement des rites cultuels. Ses compagnons en firent autant avec les animaux qu’ils avaient emmenés pour le sacrifice.

Le Prophète (saws) et ses compagnons entrèrent ensuite en état de sacralisation en revêtant leurs vêtements d’ihrâm. Ils poursuivirent alors leur route en répétant des paroles signifiant qu’ils se rendaient à la Ka’ba pour y glorifier Dieu, en réponse à l’appel de Dieu à l’humanité.

Mesures de résistance

Le Prophète (saws) demanda à son compagnon Abbâd ibn Bishr de partir en éclaireur avec une vingtaine d’hommes afin d’assurer la sécurité du convoi. Il envoya également Bishr ibn Sufyân espionner les Quraysh pour sonder leurs intentions. Ces mesures étaient caractéristiques du Prophète (saws), qui ne négligeait aucun détail. Il tenait à s’assurer que les musulmans ne seraient pas pris par surprise. Il était donc important que, pour leur première mission pacifique, les musulmans soient bien informés des intentions de leurs ennemis traditionnels.

La nouvelle des intentions du Prophète (saws) et de son approche à la tête de mille quatre cents de ses partisans suscita une vive agitation chez les Quraysh. Leur première réaction fut d’empêcher à tout prix les musulmans d’entrer à La Mecque. Cela impliquait qu’ils utiliseraient la force si nécessaire pour empêcher les musulmans de pénétrer à La Mecque pour adorer Dieu à la Ka’ba. Ils commencèrent immédiatement leurs préparatifs pour la guerre. Deux illustres chefs militaires, Khâlid ibn al-Walîd et ‘Ikrima ibn Abî Jahl, partirent à la tête de deux cents hommes avec pour mission d’intercepter les musulmans à Kurâ’ al-Ghamîm, à une certaine distance de La Mecque.

La troupe fut aussi rejointe par des volontaires de deux autres tribus et parvint à établir un système de communication pour envoyer à La Mecque des messages sur les mouvements du Prophète (saws). Le Prophète (saws) poursuivit néanmoins sa route jusqu’à un endroit appelé Ghadîr al-Ashtât, où Bishr ibn Sufyân lui apprit que les Quraysh mobilisaient leurs forces et recherchaient l’aide d’autres tribus pour le combattre et l’empêcher de pénétrer à La Mecque. Le Prophète (saws) consulta ses compagnons, leur demandant s’ils pensaient qu’il serait bon d’attaquer leurs quartiers parce qu’ils empêchaient des gens de pratiquer leur culte.

Abu Bakr, son compagnon le plus proche, répondit : « Messager de Dieu, tu t’es mis en route afin de rendre visite à la Maison Sacrée. Tu n’as pas l’intention de combattre ni de tuer quiconque. Poursuis donc la route vers la Ka’ba : si des gens essaient de nous empêcher d’y parvenir, ce sont eux que nous combattrons. » Le Prophète apprécia cette réponse et ordonna à ses compagnons de poursuivre la route.

Les événements de cette journée suggèrent que le Prophète (saws) n’avait nullement l’intention d’entreprendre aucune attaque ni aucune guerre. En émettant cette suggestion, il ne cherchait semble-t-il qu’à s’assurer de l’état d’esprit de ses compagnons. Lui-même tenait beaucoup à ce que son expédition soit parfaitement pacifique. Il ne souhaitait nullement se battre ni remporter une victoire. Un succès obtenu pacifiquement lui paraissait plus à même de servir l’intérêt de son message. Tel était le principal objectif du Prophète (saws).

Cependant, son pragmatisme le poussait à considérer objectivement chaque situation avant de déterminer sa position. En considérant l’évolution de la situation après avoir appris que les Quraysh se préparaient à la lutte armée, le Prophète (saws) décida d’essayer à tout prix d’éviter une telle éventualité. Il demanda donc s’il se trouvait parmi ses compagnons quelqu’un qui pourrait guider le convoi par un itinéraire permettant de contourner les Quraysh, afin d’éviter tout affrontement avec leur avant-garde.

Un homme de la tribu d’Aslam s’avança et les conduisit par un chemin très accidenté qui mit les musulmans à rude épreuve. Ils finirent par se retrouver dans une zone à découvert, facile à traverser. Le Prophète (saws) ordonna qu’on prenne par la droite, et le convoi arriva à la plaine d’al-Hudaybiyya, au sud de La Mecque, à seulement une journée de marche de la Ville Sainte.

Une déclaration de paix

Soudain, la chamelle du Prophète (saws) s’assit. On cria pour la faire relever, mais elle ne bougea pas. Certains suggérèrent qu’elle refusait d’aller plus loin . Le Prophète (saws) leur dit qu’un tel refus n’était pas dans sa nature. Il ajouta : « Elle est retenue pour la même raison qui a retenu l’éléphant. » Il faisait allusion à l’incident qui s’était produit près de soixante ans auparavant, lorsque Abraha, le souverain du Yémen, monté sur un éléphant, avait pris la tête d’une troupe importante dans le but de détruire la Ka’ba.

Le Prophète (saws) déclara ensuite : « Par Celui qui tient mon âme en Son pouvoir, je répondrai favorablement à toute proposition que me feront aujourd’hui les Quraysh afin de rétablir de bonnes relations et de garantir le respect des sanctuaires de Dieu. » Puis il ordonna à ses compagnons d’établir le camp.

L’endroit était quasiment à sec, ne comportant qu’un seul puits avec très peu d’eau. Les compagnons du Prophète (saws) économisèrent l’eau autant qu’ils le purent, mais le puits eut tôt fait de tarir. Quand ils eurent très soif, ils se plaignirent au Prophète (saws). Celui-ci s’approcha du puits, s’assit à côté et demanda qu’on lui apporte un récipient avec le peu d’eau qu’on pourrait trouver. Il prit un peu d’eau dans sa main, se rinça la bouche et implora Dieu. Puis il demanda à ses compagnons de remettre l’eau dans le puits et leur dit de ne pas toucher au puits pendant un moment.

Selon certains récits, le Prophète (saws) aurait pris une flèche de son carquois et aurait demandé à ses compagnons de la lancer dans le puits. Le puits fut bientôt plein d’eau et fournit aux musulmans toute l’eau dont ils avaient besoin pour boire, faire leurs ablutions et abreuver leurs chameaux et leurs autres animaux. Ils ne manquèrent plus d’eau jusqu’à leur départ.

Une succession d’émissaires

Quand les Quraysh s’aperçurent que le Prophète (saws) avait réussi à échapper à leur avant-garde et campait à al-Hudaybiyya, ils décidèrent de lui envoyer un messager. Ils étaient aussi conscients que s’ils réussissaient à empêcher Muhammad (saws) d’entrer à La Mecque alors qu’il était venu dans le seul but de visiter la Mosquée Sacrée, les autres Arabes remettraient en cause leur comportement. Leur prestige tenait au fait qu’ils étaient les gardiens de la Maison Sacrée et qu’ils n’empêchaient personne de venir y pratiquer le culte. Le premier émissaire qu’ils envoyèrent fut Budayl ibn Warqâ’ de la tribu des Khuzâ’a, qui se fit accompagner d’un groupe de ses contribules.

La tribu des Khuzâ’a avait toujours été favorable au Prophète (saws). Certains de ses membres étaient devenus musulmans, mais même les autres étaient loin d’être hostiles au message de l’Islam. Budayl parla au Prophète (saws) et lui dit que les Quraysh étaient déterminés à l’empêcher de pénétrer à La Mecque. Le Prophète (saws) l’assura qu’il n’avait aucunement l’intention de se battre. Il voulait seulement se rendre à la Ka’ba et montrer que les musulmans en reconnaissaient le caractère sacré. Le Prophète (saws) commenta ainsi l’attitude des Quraysh : «Les Quraysh sont maintenant dans un état d’esprit tel qu’ils ne pensent qu’à la guerre. Je suis prêt à convenir d’une trêve avec eux, s’ils le souhaitent. Je leur demande seulement de me laisser parler aux gens. Si je réussis et que des gens me suivent, ils auront le choix d’en faire autant. S’ils refusent, ils auront préservé leur force. S’ils sont déterminés à m’arrêter, je jure par Dieu que je les combattrai pour ma cause jusqu’à ma mort, et même alors ils ne pourront pas s’opposer à la volonté de Dieu. »

Budayl retourna auprès des Quraysh et leur dit : « Nous sommes revenus vers vous après avoir vu cet homme et entendu ce qu’il avait à dire. Voulez-vous entendre ce qu’il nous a dit ? » Certains d’entre eux crièrent : « Nous ne voulons pas entendre ce qu’il dit. » D’autres, plus avisés, lui demandèrent de relater ce qu’il avait entendu. Quand il eut terminé son récit, il plaida en faveur des musulmans, disant aux Quraysh qu’ils étaient durs dans leur attitude car Muhammad (saws) n’avait pas l’intention de les combattre : il ne voulait que se rendre à la Ka’ba.

Les chefs de Quraysh ne se laissèrent pas persuader de modérer leur position. Ils dirent : « Même s’il ne veut pas se battre, nous ne lui permettrons jamais d’entrer à La Mecque contre notre gré. Personne ne dira que nous avons laissé faire cela. » Les Quraysh envoyèrent ensuite Mikraz ibn Hafs parler au Prophète (saws), et il revint avec le même message que Budayl. Le troisième émissaire des Quraysh fut al-Hulays ibn Alqama, le chef de la tribu des Habshî.

Quand le Prophète (saws) le vit arriver de loin, il dit à ses compagnons : « C’est un homme qui appartient à une communauté religieuse. Faites avancer vers lui les animaux destinés au sacrifice afin qu’il les voie. » Quand al-Hulays vit les animaux destinés au sacrifice, il retourna auprès des Quraysh sans avoir parlé au Prophète (saws), car il était conscient qu’il n’y avait aucun motif de querelle. Il conseilla aux Quraysh de laisser Muhammad (saws) en paix et de lui permettre d’adorer Dieu à la Ka’ba. Ils le repoussèrent et lui dirent de les laisser tranquilles.

L’attitude des Quraysh mit al-Hulays en colère, mais aucun argument ne pouvait les faire revenir à la raison. Après avoir rejeté les conseils des trois premiers émissaires les incitant à permettre à Muhammad (saws) d’entrer à La Mecque pour pratiquer le culte à la Ka’ba, les Quraysh décidèrent d’envoyer un quatrième émissaire. Aucun des récits dont nous disposons ne met en évidence les raisons pour lesquelles les Quraysh pensèrent qu’envoyer un quatrième émissaire parler au Prophète (saws) ferait évoluer la situation. On ne sait pas ce que les Quraysh espéraient obtenir en envoyant ces émissaires dont ils n’étaient pas prêts à écouter les conseils.

Peut-être cela est-il révélateur de la confusion dans laquelle ils se trouvaient. Peut-être, au contraire, cherchaient-ils ainsi à se justifier. Les Quraysh voulaient peut-être pouvoir dire qu’ils avaient fait tout leur possible pour parvenir à un accord amirable avec Muhammad (saws). Quoi qu’il en soit, l’homme choisi fut cette fois ‘Urwa ibn Mas’ud , un chef de la tribu de Thaqîf, qui vivait dans la ville de Taif. ‘Urwa voulut d’abord s’assurer, toutefois, qu’à son retour il ne serait pas traité de façon aussi désagréable que les autres émissaires que les Quraysh avaient envoyés, si les conseils qu’il rapportait ne plaisaient pas aux Quraysh.

Il s’adressa donc à ces derniers en ces termes : « J’ai remarqué comment vous avez fait injure à ceux que vous aviez envoyés à Muhammad. Vous savez que vous êtes pour moi mes parents et que je suis votre fils. Quand j’ai appris vos problèmes, j’ai réuni ceux des miens qui m’ont obéi et je suis venu vous apporter mon soutien. » Les Quraysh répondirent : « Cela est assurément vrai, et nous ne doutons pas de toi . » Quand il s’assit pour parler au Prophète (saws), ‘Urwa lui dit :

Muhammad, j’ai laissé tes concitoyens en train de mobiliser leurs forces. Ils jurent qu’ils ne te laisseront jamais atteindre la Maison Sacrée tant que tu ne les auras pas vaincus. Si un combat doit se dérouler entre eux et toi, tu te retrouveras face à l’une de ces deux éventualités : soit tu soumettras tes propres concitoyens, et nous n’avons jamais entendu parler d’un homme qui ait soumis ses propres concitoyens ; soit tes soldats t’abandonneront. As-tu réuni cette foule pour écraser tes propres concitoyens ? Ce sont les Quraysh que tu combats, et les Quraysh ont mobilisé jusqu’à leurs femmes et leurs enfants et sont maintenant dans un état d’esprit très déterminé ; ils jurent devant Dieu que tu n’entreras jamais dans leur ville. Mon sentiment est que tu seras dans une situation très difficile demain, quand cette foule t’abandonnera. Je ne reconnais assurément aucun d’entre eux et je ne pense pas qu’aucun d’eux vienne d’un milieu honorable.

À ce moment, Abu Bakr l’interrompit en lui demandant de montrer plus de respect. Tout en s’adressant au Prophète (saws), ‘Urwa essayait de lui saisir la barbe, un geste indiquant chez les Arabes un désir sincère d’entretenir de bonnes relations. Al-Mughîra ibn Shu’ba, un neveu musulman de ‘Urwa, était debout derrière le Prophète (saws), tenant son sabre à la main et portant son bouclier. Chaque fois que ‘Urwa levait la main pour toucher la barbe du Prophète (saws), al-Mughîra lui frappait la main du bout de son sabre en disant : « Écarte ta main du visage du Prophète avant qu’elle ne soit coupée. »

‘Urwa ne le reconnut pas, mais s’exclama comme il persistait : « Maudit sois-tu, que tu es impoli ! » Le Prophète (saws) sourit à cette marque de l’amour et du respect que lui portait son compagnon. ‘Urwa fit de son mieux pour affaiblir la détermination du Prophète (saws) à entrer à La Mecque, en soulignant le risque de défaite et en lui déconseillant de causer un affrontement armé. Le Prophète (saws) insista qu’il voulait seulement se rendre à la Ka’ba pour pratiquer le culte, comme n’importe qui d’autre aurait pu le faire sans en être empêché. Après tout, la Ka’ba n’était pas la propriété des Quraysh : ils en avaient seulement la garde et n’avaient donc aucun droit d’empêcher quiconque d’y pratiquer son culte.

‘Urwa ne manqua pas de remarquer le respect que les musulmans avaient pour le Prophète (saws). Quand il retourna auprès des Quraysh, il les conseilla ainsi :

Gens de Quraysh, j’ai vu Chosroes, l’empereur de Perse, le César de l’empire byzantin et le Négus d’Abyssinie, chacun dans son royaume. Je jure que je n’ai jamais vu un souverain jouir parmi les siens d’une position telle que celle de Muhammad parmi ses compagnons. Ils ne fixent pas leur regard sur lui, ils n’élèvent pas la voix quand ils lui parlent. Un simple signal à l’un d’entre eux suffit pour que cet homme fasse ce qu’il attend de lui. J’ai regardé ces gens et j’ai vu qu’ils ne se soucient pas de ce qui peut leur arriver tant qu’ils parviennent à protéger leur maître. Décidez-vous. Il vous a fait une proposition et je vous conseille de conclure un accord de paix avec lui et d’accepter son offre. Je vous conseille en toute sincérité, et je crains assurément que vous ne parveniez pas à le vaincre.

Néanmoins, les Quraysh n’apprécièrent pas l’opinion de ‘Urwa et n’étaient pas disposés à envisager un accord de paix. ‘Urwa partit donc avec les siens et retourna à Taif. Tous les émissaires des Quraysh leur avaient donc conseillé, à leur retour, de modérer leur attitude et de permettre aux musulmans de pratiquer leur culte à la Ka’ba. Aucun n’avait cependant réussi à persuader les Quraysh que leur intransigeance était contraire à leurs intérêts.

Poussés par l’orgueil et la colère, les Quraysh étaient déterminés à ne pas céder, quelles que puissent en être les conséquences. Les musulmans, quant à eux, ne souhaitaient pas entrer à La Mecque par la force, ce qui n’aurait conduit qu’à une effusion de sang et à un combat contre leurs propres concitoyens. Ils gardèrent leur calme, espérant encore trouver une solution à leur problème.

Un récit suggère que les Quraysh envoyèrent une petite troupe de quarante à cinquante hommes à qui ils ordonnèrent de s’approcher du camp des musulmans et de faire prisonnier l’un des compagnons du Prophète (saws). En l’occurrence, ce furent eux qui furent faits prisonniers, et ils furent conduits devant le Prophète (saws). Celui-ci les gracia et les libéra. Dieu dit dans le Coran qu’il suscita la quiétude chez Son messager et les croyants et les fit se conformer aux règles de la foi et de la piété : telle est l’attitude qui leur convient le mieux. (Les événements d’al-Hudaybiyya sont évoqués dans la sourate 48, intitulée al-Fath ou « La Victoire ».)

L’Emissaire du Prophète

Considérant la situation et le fait qu’il avait reçu quatre émissaires des Quraysh sans que ceux-ci ne manifestent aucune intention de revenir sur leur opposition à la venue des musulmans à La Mecque, le Prophète (saws) trouva nécessaire d’exercer une pression sur les Quraysh. Il décida donc de leur envoyer un émissaire pour leur confirmer qu’il n’avait pour objectif que de pratiquer le culte à la Ka’ba, et non pas de se battre avec quiconque.

Son émissaire était Kharrâsh ibn Umayya de la tribu des Khuzâ’a. Dès que Kharrâsh arriva à La Mecque, les Quraysh blessèrent son chameau et voulurent aussi le tuer. Il fut sauvé par la tribu des Habshî, dont le chef al-Hulays avait été l’un des émissaires des Quraysh au Prophète (saws). L’accueil infligé à Kharrâsh était contraire aux traditions séculaires de la diplomatie qui reconnaissaient l’immunité aux messagers et aux émissaires. Le Prophète (saws) ne souhaita pas cependant que cet incident soit un obstacle à sa tentative de parvenir à une résolution pacifique du problème. Il n’y prêta donc pas attention et se concentra sur le maintien des contacts avec les Quraysh.

Il pensa y parvenir plus efficacement en envoyant un personnage plus éminent choisi parmi ses compagnons. Le Prophète (saws) envisagea d’abord d’envoyer ‘Umar ibn al-Khattâb comme messager. Celui-ci fit valoir toutefois que son clan, celui des Banû ‘Adî, n’avait plus guère d’influence à La Mecque. Personne ne le protégerait si on s’en prenait à lui. Il suggéra que ‘Uthmân ibn ‘Affân, de la branche umayyade des Quraysh, serait mieux placé pour être l’ambassadeur du Prophète (saws). Malgré la grande influence dont jouissait le clan de ‘Uthmân à La Mecque, il dut s’y rendre sous la protection de son cousin, Abân ibn Sa’d ibn al-‘As. Grâce à cette protection, il put transmettre son message, parler aux notables de Quraysh et leur expliquer que les musulmans étaient venus uniquement pour pratiquer le culte et n’avaient pas d’autre intention.

Il était préférable pour les Quraysh, soulignait ‘Uthmân, que les Arabes voient qu’ils s’acquittaient fidèlement de leur mission de gardiens de la Maison Sacrée. Les Quraysh, quant à eux, ne voulaient pas démordre de leur refus. La seule concession que ‘Uthmân put en obtenir fut qu’ils lui permirent d’accomplir le tawâf s’il le désirait. Il répliqua cependant qu’au vu des circonstances, il n’accomplirait pas le tawâf tant que le Prophète (saws) lui-même n’aurait pas été autorisé à le faire.

Les discussions de ‘Uthmân avec les Quraysh se prolongèrent pendant trois jours. En outre, il put semble-t-il établir des contacts avec certains membres des Quraysh qui, tout en étant devenus musulmans, étaient restés à La Mecque et avaient tenu leur conversion secrète. Ils étaient semble-t-il assez nombreux à attendre ainsi avec impatience le jour où ils pourraient affirmer leur foi et la pratiquer librement. ‘Uthmân leur apportait un message du Prophète (saws) leur disant que la victoire arriverait bientôt.

Ce message les encouragea considérablement et ils chargèrent ‘Uthmân de saluer le Prophète (saws) et de lui dire de leur part que Dieu, qui lui avait permis d’établir le camp à al-Hudaybiyya, pouvait lui ouvrir les portes de La Mecque. Certains récits avancent que ‘Uthmân aurait été arrêté par les Quraysh quand ils découvrirent qu’il avait pris contact avec les musulmans de Quraysh. Une rumeur naquit bientôt selon laquelle ‘Uthmân avait été tué. Cette rumeur ne tarda pas à parvenir au camp musulman.

L’absence prolongée de ‘Uthmân tendait à confirmer cette rumeur : ne recevant aucune indication du contraire, le Prophète (saws) conclut que le récit faisant état de la mort de ‘Uthmân était véridique. Le traitement qu’avait subi son premier émissaire, Kharrâsh ibn Umayya, étayait également cette thèse. La situation semblait avoir atteint un point où la tolérance ne pourrait être que contre-productive.

Le serment

Profondément peiné et attristé, le Prophète (saws) considéra qu’en tuant ‘Uthmân, son compagnon et son émissaire, les Quraysh avaient fermé la porte à tous les efforts visant à résoudre le différend pacifiquement. L’alternative qui restait était celle qu’il s’était efforcé d’éviter : la guerre. Il demanda à ses compagnons de lui faire le serment de combattre les Quraysh jusqu’à la fin. Il était debout sous un arbre lorsqu’il demanda ce serment et ses compagnons s’empressèrent de donner ce qu’il leur demandait. Chacun d’eux s’engagea à combattre sans jamais fuir la bataille, fût-ce au prix de sa propre vie.

Le Prophète (saws) se montra satisfait de la réaction de ses compagnons. Il prit aussi un engagement au nom de ‘Uthmân : « ‘Uthmân est en mission pour Dieu et Son messager. Je m’engage donc pour lui. » Il serra l’une de ses mains avec l’autre en disant : « Ceci est pour ‘Uthmân. » Le Coran commente ainsi ce serment :

« Allah a très certainement agréé les croyants quand ils t’ont prêté serment d’allégeance sous l’arbre. Il a su ce qu’il y avait dans leurs coeurs, et à fait descendre sur eux la quiétude, et Il les a récompensés par une victoire proche. Ainsi qu’un abondant butin qu’ils ramasseront. Allah est puissant et sage. »

(Coran: sourate 48, versets 18-19)

Cet engagement est connu sous le nom de Bay’at ar-Ridwân, ou « pacte de la satisfaction divine », car le Coran dit clairement que Dieu a été satisfait de ceux qui y ont pris part. De fait, ce serment réchauffa le coeur du Prophète (saws), car il montrait une fois encore que ses compagnons étaient toujours prêts à consentir tous les sacrifices nécessaires pour la cause de l’Islam. Ces compagnons du Prophète étaient pleinement conscients de la supériorité numérique des Quraysh. En outre, ils n’avaient pas emporté leur équipement militaire lorsqu’ils avaient entrepris ce voyage, n’ayant aucune intention guerrière.

Aucun ne portait son armure ni ne l’avait avec lui. Ils n’avaient emporté que le minimum d’armement absolument nécessaire à un voyageur traversant le désert d’Arabie : leurs sabres dans leurs fourreaux. Leur serment signifiait de fait qu’ils étaient déterminés à affronter la force bien plus puissante des Quraysh avec leurs seuls sabres, alors que les Quraysh étaient chez eux et qu’eux-mêmes n’avaient aucune possibilité de retraite ni de fuite. Ils étaient pleinement conscients de l’engagement qu’ils avaient pris. Plus tard, quand on les questionnait sur les termes de leur engagement et ce qu’il impliquait, ils répondaient : « La mort ».

Un tel engagement pris en toute sincérité ne pouvait que mériter la satisfaction divine, que ces gens avaient certes gagnée. Jâbir ibn Abdullâh, un compagnon du Prophète (saws) qui avait pris part à ce serment, a dit : « Le Prophète nous a dit le jour d’al-Hudaybiyya : « Vous êtes les meilleurs hommes sur la terre. » »

Peu après la prestation de ce serment, ‘Uthmân arriva pour rendre compte de sa mission. Son retour détendit la situation. Le Prophète (saws) fut ravi de le savoir en vie, mais contrarié par l’entêtement des Quraysh. Il réfléchit à la situation pour s’efforcer d’évaluer les choix qui s’offraient à lui. Les Quraysh avaient, quant à eux, appris le serment prêté au Prophète (saws) par les musulmans. Leurs chefs se consultaient : ils étaient conscients que le serment des musulmans prouvait sans l’ombre d’un doute leur détermination à mener à bien leur entreprise.

L’expérience passée donnait à penser que si un affrontement militaire avait lieu, il pourrait bien se solder par une victoire des musulmans, malgré leur infériorité numérique et leur manque d’équipement. Il ne faisait aucun doute que l’on pouvait toujours compter sur les musulmans pour se battre de toutes leurs forces et ne pas faiblir face à l’adversité. Maintenant qu’ils s’étaient engagés si clairement envers le Prophète (saws) à combattre jusqu’au bout, les musulmans n’allaient certainement pas se contenter de repartir. En outre, les Quraysh se disaient peut être qu’ils étaient dans leur tort en essayant d’empêcher les musulmans de pratiquer leur culte à la Ka’ba.

Leur attitude n’était motivée que par l’orgueil et la vanité. Les Quraysh comprenaient donc qu’il leur fallait sérieusement réfléchir aux conséquences, en particulier si l’affrontement militaire tournait en leur défaveur.

Une délégation de paix

Quelques hommes plus avisés des Quraysh suggérèrent sans doute que parvenir à un règlement pacifique du problème pourrait faire plus que la guerre pour préserver la dignité des Quraysh, même si l’issue des combats leur était favorable. L’opinion de leurs précédents émissaires, en particulier al-Hulays de la tribu des Habshi et Urwa ibn Mas’ud de celle des Thaqîf, commençait à paraître pertinente.

Qui plus est, si les Quraysh poussaient à l’affrontement, leur acte risquait de causer des combats à proximité de la Maison Sacrée et pendant le mois sacré. Ce serait un précédent qui causerait aux Quraysh plus de tort que de bien. Les arguments en faveur de la modération pesèrent donc subitement plus lourd. Une délégation dirigée par Suhayl ibn Amr fut envoyée pour négocier un accord de paix avec le Prophète (saws).

Le Prophète (saws) réserva un bon accueil à Suhayl ibn ‘Amr et sa délégation. Il demanda à ses compagnons de montrer les animaux qu’ils destinaient au sacrifice et de prononcer à voix haute des paroles exprimant le fait qu’ils étaient venus en réponse à l’appel de Dieu à honorer la Maison Sacrée. Les pourparlers furent difficiles. Malgré le désir du Prophète (saws) de parvenir à un règlement pacifique de la crise, les négociations se heurtaient à plusieurs problèmes importants.

Le débat portait sur la visite du Prophète (saws) à la Maison Sacrée, la détermination des Quraysh à ne pas donner l’impression d’avoir cédé à la force, la possibilité de parvenir à une trêve prolongée mettant un terme aux affrontements encore fréquents entre les deux camps, les relations futures entre ces deux camps et la liberté de chacun d’entreprendre des actions politiques dans le cadre plus vaste de l’Arabie dans son ensemble.

Il n’y avait cependant aucune raison de prolonger ces discussions. Le Prophète (saws) accepta facilement toutes les conditions des Quraysh. Ce fut Suhayl ibn Amr qui mit longtemps à présenter toutes ces conditions et leurs implications. Les Quraysh furent d’ailleurs surpris de voir toutes leurs conditions acceptées sans difficulté par le Prophète (saws). Il fallait encore toutefois consigner l’accord par écrit et le faire signer par les représentants des deux camps.

Embarras dans le camp musulman

L’attitude du Prophète (saws) ne fut pas sans susciter certains remous dans le camp musulman. Les compagnons n’avaient pas l’habitude de voir le Prophète (saws) se montrer aussi conciliant. Les négociateurs de Quraysh eux-mêmes en étaient aussi étonnés. Non seulement le Prophète (saws) avait accepté toutes les conditions dictées par les Quraysh, mais, contrairement à son habitude, il n’avait même pas consulté les compagnons.

En outre, les termes de l’accord de paix étaient extrêmement surprenants pour les musulmans parce qu’ils les plaçaient en situation d’infériorité par rapport aux Quraysh. Pour les musulmans, il n’était ni utile ni nécessaire d’accepter de telles conditions. Certains ne parvenaient pas à dissimuler leur mécontentement. L’attitude de ‘Umar ibn al-Khattâb constitue un bon exemple.

Quand les termes de l’accord de paix eurent été établis et furent sur le point d’être consignés par écrit, ‘Umar alla trouver Abu Bakr et lui dit : « Abu Bakr, n’est-il pas le Messager de Dieu ? » Abu Bakr répondit par l’affirmative. ‘Umar demanda encore : « Ne sommes-nous pas les musulmans ? » Abu Bakr ayant fait la même réponse, ‘Umar poursuivit : « Ne sont-ils pas les idolâtres ? » Abu Bakr répondit encore : « Si. » ‘Umar lui demanda alors : «Pourquoi donc devrions-nous accepter l’humiliation dans ce qui touche notre foi ? » Abu Bakr répondit par un conseil, en disant à ‘Umar : « Suis-le quoi qu’il fasse, ‘Umar. Je crois qu’il est le Messager de Dieu. »

‘Umar, toujours troublé, répondit : « Moi aussi, je crois qu’il est le Messager de Dieu. » La position de ‘Umar était que puisque les deux camps étaient en réalité opposés sur une seule question : la vérité contre l’erreur, la foi contre l’absence de foi, ceux qui étaient dans le camp du bien et de la vérité ne devaient pas céder face à ceux qui soutenaient le mal et l’erreur. Les croyants ne devaient jamais accepter aucune humiliation en ce qui concernait leur religion. Au contraire, ils devaient toujours se montrer fiers de leur religion.

‘Umar ne se laissa donc pas dissuader. Il alla trouver le Prophète (saws) et lui posa les mêmes questions : « N’es-tu pas le Messager de Dieu ? Ne sommes-nous pas les musulmans ? Ne sont-ils pas les idolâtres ? » À toutes ces questions, le Prophète répondit par l’affirmative. La dernière question posée par ‘Umar fut encore la même : « Alors pourquoi devrions-nous accepter l’humiliation dans ce qui touche à notre foi ? » La réponse du Prophète (saws) expliqua son attitude : « Je suis le serviteur et le Messager de Dieu. Je ne Lui désobéirai pas et Il ne m’abandonnera jamais. »

Le Prophète (saws) suivait bien des ordres divins qu’il avait dû recevoir à ce moment-là. Le Prophète (saws) appela ensuite Alî ibn Abî Tâlib pour qu’il écrive l’accord de paix devant être signé par les deux parties. Là encore, Suhayl ibn Amr se montra particulièrement inflexible, tandis que le Prophète (saws) faisait preuve de la plus grande souplesse. Le Prophète (saws) dit à Alî d’écrire : « Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux ». Suhayl l’interrompit : « Je ne connais pas cela ; écris : « En Ton nom, mon Dieu ». » Le Prophète dit à Alî d’écrire la formule proposée par Suhayl. Puis il poursuivit sa dictée : « Voici les termes de l’accord de paix négociés par Muhammad, le Messager de Dieu, et Suhayl ibn Amr. »

Là encore, Suhayl objecta : « Si je t’avais reconnu comme messager de Dieu, je ne t’aurais pas combattu. Tu dois écrire ton nom et celui de ton père. » Le Prophète accepta l’argument de Suhayl et révisa son texte, demandant à ‘Alî d’écrire :

Voici les termes de la paix conclue entre Muhammad ibn Abdullâh et Suhayl ibn Amr :
– Tous deux ont conclu une trêve totale d’une durée de dix ans, pendant laquelle tous jouiront de la paix et de la sécurité et personne n’attaquera personne.
– Si quelqu’un des Quraysh rejoint Muhammad sans la permission de son tuteur ou de son chef, il sera renvoyé aux Quraysh.
– Si quelqu’un du camp de Muhammad rejoint les Quraysh, ceux-ci n’auront pas à le renvoyer.
– Les deux parties reconnaissent être animées de bonnes intentions l’une envers l’autre.
– On n’admettra ni vol, ni trahison.
– Quiconque souhaitera s’allier à Muhammad pourra le faire, et quiconque souhaitera s’allier aux Quraysh pourra le faire.
– Il est décidé également que toi, Muhammad, tu repartiras chez toi cette année sans entrer à La Mecque. Au bout d’une année, nous évacuerons La Mecque pour que tu puisses y entrer avec tes partisans pour y rester trois jours seulement. Vous ne porterez que les armes nécessaires au voyageur : vos sabres dans leurs fourreaux. Vous ne porterez aucune autre arme.

Les intentions des musulmans mises à l’épreuve

Tels étaient les termes de l’accord de paix. Quand ils furent écrits, on demanda à des témoins de chaque camp de signer le document. A ce moment se produisit un incident de nature à mettre à l’épreuve la patience des croyants et à leur donner une nouvelle occasion de montrer la force de leur foi. Un homme de La Mecque arriva menotté et les pieds enchaînés. Il y était gardé prisonnier parce qu’il était musulman. Cet homme n’était autre que le propre fils de Suhayl, Abu Jandal.

C’était son père qui l’avait emprisonné et enchaîné. Il avait néanmoins réussi à s’échapper et à arriver à al-Hudaybiyya en empruntant un chemin inhabituel à travers les montagnes qui entourent La Mecque. Quand les musulmans le virent, ils furent contents qu’il ait pu s’échapper et lui firent bon accueil. Pendant qu’on écrivait l’accord de paix, Suhayl était trop occupé pour s’apercevoir de ce qui se passait. Quand cela fut fait, Suhayl leva les yeux et vit son fils parmi les musulmans. Il alla vers lui, le frappa au visage et le prit par le col.

Abu Jandal s’écria : « Mes frères musulmans, dois-je être renvoyé parmi les idolâtres pour me détourner de ma foi?» Ces paroles touchèrent beaucoup les musulmans, dont certains se mirent à pleurer. Suhayl ibn Amr, par contre, ne se laissa pas émouvoir. Il dit au Messager de Dieu : « C’est la première personne dont je réclame le retour : vous devez me le rendre. » Le Prophète (saws) argua qu’Abû Jandal était arrivé avant qu’on ait fini de rédiger l’accord : « Nous n’avons pas encore fini de rédiger le document. » Suhayl répliqua : « Si c’est ainsi, je n’ai passé aucun accord avec vous. »

Le Prophète insista : « Alors permets-moi juste de le garder. » Suhayl refusa. Mikraz, un autre membre de la délégation des Quraysh, dit qu’ils devraient permettre à Muhammad (saws) de garder Abu Jandal. Le père resta inflexible et rejeta tous les appels à laisser son fils rejoindre les musulmans. Allant plus loin, il se mit même à frapper son fils avec une branche d’épineux. Le Prophète (saws) l’implora encore de laisser partir son fils, ou au moins de ne pas le torturer : Suhayl ne voulut rien entendre. Cependant, certains amis de Suhayl prirent Abu Jandal sous leur protection et son père cessa de le frapper.

Le Prophète (saws) expliqua à Abu Jandal qu’il ne pouvait pas lui venir en aide et lui dit, en élevant la voix pour qu’il puisse l’entendre : « Abu Jandal, sois patient et supporte ta situation pour Dieu. Il te fournira certainement une issue, ainsi qu’à ceux qui souffrent comme toi. Nous avons conclu un accord de paix avec ces gens en nous engageant devant Dieu à respecter les termes de cet accord. Nous ne violerons pas nos serments. »

‘Umar ibn al-Khattâb était à nouveau outré par ce qui se passait. Il ne comprenait pas que les musulmans soient contraints à accepter des conditions aussi humiliantes ou à rester inactifs pendant qu’un de leurs frères était maltraité pour la seule raison qu’il croyait en Dieu et Son messager. Tandis qu’on emmenait Abu Jandal, ‘Umar s’approcha de lui et marcha à ses côtés. Il lui dit : « Sois patient, Abu Jandal. Ces gens sont des négateurs. Ils ne valent rien. Le sang de l’un d’entre eux n’est pas plus précieux que le sang d’un chien. »

Tout en marchant à côté d’Abû Jandal et en lui parlant, il ne cessait de tourner la poignée de son sabre vers Abu Jandal, en espérant que ce dernier saisirait le sabre et tuerait son père. Toutefois, Abu Jandal ne voulait pas tuer son père ou il ne comprit pas ou ne remarqua pas le geste de ‘Umar. Il se soumit à son destin jusqu’à ce que Dieu l’aide à obtenir sa liberté. Il fut emmené enchaîné. En le regardant partir, les musulmans étaient très peinés d’être dans l’incapacité de l’aider.

Quand le document précisant les termes du traité de paix eut été écrit, le Prophète (saws) demanda à un certain nombre de ses compagnons d’être les témoins de l’accord aux côtés des témoins du camp de Quraysh. Les témoins musulmans étaient Abu Bakr, ‘Umar ibn al-Khattâb, Alî ibn Abî Tâlib, Abd ar-Rahmân ibn ‘Awf, Sa’d ibn Abî Waqqâs, Mahmûd ibn Maslama et ‘Abdullâh ibn Suhayl, un autre fils du principal négociateur des Quraysh.

Mikraz ibn Hafs et Huwaytib ibn Abd al-‘Uzzâ étaient les témoins des Quraysh. La procédure de témoignage terminée, la délégation de Quraysh repartit. Cette paix était prévue pour durer dix ans. Très peu de musulmans parvenaient à en accepter l’idée sans ressentir un certain malaise. Leur amertume était accrue par le fait que les termes de l’accord impliquaient qu’ils devraient repartir chez eux sans avoir pu accomplir leur objectif d’adorer Dieu à la Ka’ba. Il faut se rappeler que le Prophète (saws) et ses compagnons étaient en ihrâm, en état de sacralisation, ayant quitté Médine pour accomplir la ‘umra.

D’abord, ils n’avaient pas pu pénétrer à La Mecque à cause de l’intention déclarée des Quraysh de recourir à la force pour les en empêcher. Maintenant, c’étaient les termes de l’accord conclu avec les Quraysh qui les en empêchaient. Ils se trouvaient, de fait, dans la situation du muhsar : du pèlerin qui part de chez lui pour accomplir le pèlerinage ou la umra mais ne peut atteindre sa destination pour une raison indépendante de sa volonté. Dieu dit dans le Coran qu’une personne se trouvant dans une telle situation peut se défaire de l’ihrâm en égorgeant un mouton ou un autre animal destiné au sacrifice à l’endroit où il est contraint à arrêter son voyage.

La renonciation à un rite entrepris

Le Prophète (saws) dit à ses compagnons : « Sacrifiez vos bêtes, rasez-vous la tête et quittez l’ihrâm. » Personne ne manifesta l’intention d’obéir à cet ordre. Le Prophète (saws) répéta son ordre à trois reprises et personne n’était encore disposé à faire ce qu’on lui demandait. Le Prophète (saws) était très en colère. Il entra dans sa tente où Umm Salama, celle de ses épouses qui l’avait accompagné pour cette expédition, l’attendait. Elle remarqua tout de suite combien il était en colère.

Elle lui en demanda la raison et il répondit : « Les musulmans causent leur propre perte. Je leur ai donné un ordre et ils n’ont pas obéi. » Il lui relata comment ses compagnons avaient accueilli ses ordres avec indifférence, sans qu’aucun d’eux ne fasse mine d’obéir. Elle s’efforça de le calmer : « Messager de Dieu, ne les blâme pas. Ils sont très contrariés à cause de tout le mal que tu t’es donné pour obtenir cet accord de paix et parce qu’ils se rendent compte qu’ils doivent maintenant entreprendre le long voyage de retour sans avoir accompli leur but. »

Puis elle lui donna un excellent conseil : elle lui dit d’aller lui-même égorger les animaux qu’il destinait au sacrifice et se faire raser la tête, sans parler à aucun d’entre eux. Le Prophète (saws), suivant le conseil de son épouse, sortit et sacrifia ses chameaux. Puis il appela quelqu’un pour lui raser la tête. Quand ses compagnons le virent agir ainsi, ils s’empressèrent d’en faire autant. Ils s’aidèrent mutuellement à se raser la tête, regrettant de ne pas avoir obéi promptement aux ordres du Prophète (saws).

Tous les musulmans présents à al-Hudaybiyya ne se rasèrent pas la tête : certains se contentèrent de se raccourcir les cheveux. Le Prophète (saws) dit : « Que Dieu fasse miséricorde à ceux qui se sont rasé la tête. » Certains compagnons demandèrent : « Envoyé de Dieu, et ceux qui se sont coupé les cheveux ? » Il répondit en répétant la même invocation : « Que Dieu fasse miséricorde à ceux qui se sont rasé la tête. » On lui posa encore la même question à propos de ceux qui s’étaient coupé les cheveux, mais il répondit en répétant pour la troisième fois la même invocation. Une fois de plus on posa la même question au sujet de l’autre groupe, et cette fois le Prophète l’inclut dans son invocation en ajoutant : « et à ceux qui se sont coupé les cheveux. »

Quand on lui demanda pourquoi il avait répété trois fois son invocation en faveur de ceux qui s’étaient rasé la tête avant d’inclure aussi les autres, il répondit : « Ils n’ont eu aucun doute. » C’est là un élément qui est toujours important. Si les gens commencent à avoir des doutes, ils ne tardent pas à s’apercevoir que leurs doutes dictent leur comportement. Une foi solide implique qu’on accepte même ce qui paraît à première vue aller à l’encontre des intérêts des croyants, dès lors qu’on est certain que l’Islam le demande. Or, à al-Hudaybiyya, les musulmans en étaient absolument certains puisqu’ils recevaient leurs ordres du Prophète (saws) lui-même.

Quand les compagnons du Prophète (saws) eurent fini d’égorger les animaux destinés au sacrifice et eurent quitté l’ihrâm, ils prirent le chemin du retour. Ils avaient passé un peu plus de deux semaines à al-Hudaybiyya, vingt jours selon certains récits. Ils étaient cependant toujours contrariés par cet accord de paix qui leur avait été imposé. Cela ne ressemblait pas du tout à ce que le Prophète (saws) leur avait dit avant leur départ. Il leur avait annoncé qu’ils prieraient à la Ka’ba. Or, ils n’avaient pas atteint la Maison Sacrée. Ils commencèrent donc à lui poser des questions.

Ce fut d’abord ‘Umar, puis certains autres compagnons du Prophète (saws) qui lui demandèrent : « Ne nous as-tu pas dit que nous irions à la Ka’ba et que nous y accomplirions le tawâf. » Le Prophète (saws) répondit par cette question : « Vous ai-je dit que vous y iriez cette année ? » Comme ils répondaient que non, il poursuivit : « Vous irez certainement y accomplir le tawâf, si Dieu le veut. » L’autre fait que les musulmans avaient beaucoup de mal à admettre était la clause stipulant qu’ils devraient renvoyer tout membre des Quraysh qui venait à eux en se déclarant musulman, tandis que les Quraysh pourraient garder quiconque quitterait les rangs des musulmans pour les rejoindre.

Ils demandèrent au Prophète (saws) comment il avait pu accepter un tel manque d’équité. Celui-ci répondit : «Celui qui nous quitte pour les rejoindre, puisse-t-il ne jamais revenir. Mais si nous leur renvoyons quelqu’un qui est musulman, Dieu lui fournira certainement une issue à ses épreuves. »

Une grande victoire

Sur le chemin du retour, le Prophète  (saws) reçut de nouvelles révélations : la sourate intitulée al-Fath ou « La Victoire ». Il demanda à ‘Umar ibn al-Khattâb de s’approcher et lui dit : « Une sourate m’a été révélée cette nuit, et elle m’est plus chère que tout ce que le soleil éclaire mis ensemble. » Puis il récita la nouvelle révélation, qui évoquait ce qui s’était passé à al-Hudaybiyya comme une grande victoire. ‘Umar lui demanda : « Est-ce une conquête, Messager de Dieu ? » Il répondit : « Oui, certes. Par Celui qui tient mon âme en Son pouvoir, c’est une grande victoire. »

Un musulman dit : « Ce n’est pas une victoire. On nous a empêchés d’entrer à la Mosquée Sacrée et nos animaux à sacrifier n’ont pas pu atteindre leur destination. Le Prophète a aussi été obligé de rendre aux idolâtres des musulmans qui voulaient nous rejoindre. »
Quand on rapporta ces paroles au Prophète, il dit :

Quelles mauvaises paroles ! C’est au contraire la plus grande victoire. Les négateurs étaient disposés à n’employer que des moyens pacifiques pour nous empêcher d’entrer chez eux ; ils étaient aussi disposés à venir à vous pour négocier un accord de paix et un pacte de non-agression. Votre bonne condition les a inquiétés. Dieu vous a donné le dessus sur eux. Il vous a permis de repartir en toute sécurité en ayant obtenu Sa récompense. Tout cela en fait vraiment la plus grande des victoires. Avez-vous oublié le jour d’Uhud, où vous couriez de toutes vos forces vers la montagne, fuyant devant eux, sans vous soucier de rien tandis que je vous appelais à vous arrêter et à vous battre pour l’au-delà ? Avez-vous oublié le jour où ils ont uni leurs forces contre vous et ont essayé de vous prendre en tenaille en vous attaquant par-devant et par-derrière ? Avez-vous oublié combien vous étiez désemparés, vous ne pouviez pas fixer votre regard, vos coeurs atteignaient presque vos gorges et vous étiez assaillis par toutes sortes de doutes et de soupçons ?

Ces paroles apaisèrent beaucoup les musulmans. En y réfléchissant bien, ils comprenaient maintenant que ce qu’ils avaient obtenu à al-Hudaybiyya n’était pas un mince succès. Ils dirent au Prophète : « Dieu et Son messager disent bien la vérité. C’est certainement la plus grande des victoires. Prophète, nous n’avions pas réfléchi de la manière que tu nous as indiquée. Tu sais assurément mieux que nous ce que Dieu veut pour nous. Nous sommes très heureux et satisfaits. »

Les doutes des musulmans firent peu à peu place à l’assurance. Ils étaient maintenant sûrs que cet accord de paix ne leur apporterait que du bien. Ils avaient confiance en Dieu et Son Prophète (saws), et cette confiance signifiait que tant qu’ils leur obéiraient, ils ne subiraient aucun mal ni aucun dommage. Ils étaient toutefois loin de se douter des avantages qu’ils allaient tirer de cet accord de paix.

Aucun d’entre eux ne pouvait deviner ce qui allait arriver quelques mois ou une année plus tard. Les musulmans n’eurent pas longtemps à attendre avant de voir apparaître les premiers avantages de cet accord de paix. Tout d’abord, pour la première fois de leur histoire, les musulmans jouirent d’une période de calme où ils n’avaient pas à s’inquiéter des Quraysh. De fait, les arabes polythéistes de Quraysh avaient constitué le principal obstacle sur le chemin de l’Islam, et ce depuis le début de la mission du Prophète (saws).

Leur opposition résolue à l’Islam avait poussé la plupart des autres tribus arabes à suivre leur exemple et à se montrer hostiles au Prophète (saws). Les tribus juives avaient elles aussi trouvé dans les Quraysh un important soutien pour les aider à combattre le Prophète (saws) et les musulmans. Les Quraysh étaient donc le catalyseur qui répandait l’hostilité à l’Islam dans toute l’Arabie. Quand l’accord de paix fut conclu, ce catalyseur devint inactif et l’hostilité envers l’Islam se calma.

Maintenant, les Quraysh avaient été obligés de reculer. C’étaient eux qui avaient cherché à négocier la paix, reconnaissant ainsi la légitimité de l’État musulman et le traitant en égal. Ils avaient même admis l’idée d’envoyer une délégation au Prophète (saws) pour négocier les termes de l’accord de paix. C’était là pour l’Islam une victoire qu’il ne fallait pas sous-estimer. Le Prophète (saws) était conscient que cette victoire morale ouvrait à la cause de l’Islam d’importants horizons nouveaux.

Pour apprécier pleinement les perspectives que la paix d’al-Hudaybiyya ouvrait pour l’Islam, il faut se rappeler que les musulmans étaient restés sur la défensive à Médine depuis qu’ils y avaient établi leur État. Ils ne pouvaient pas entretenir de relations significatives avec les tribus arabes parce que leur État était entouré d’ennemis de toutes parts. Personne ne pouvait être sûr de survivre dans un tel océan d’hostilité. Maintenant que la paix avait été conclue avec les Quraysh, les musulmans pouvaient établir des contacts avec les autres tribus et leur expliquer les principes de l’Islam et la véritable nature de son message.

Les autres tribus étaient donc à même de comprendre l’Islam sans crainte des Quraysh et de reconnaître la validité de ses principes et la noblesse de ses objectifs. Quand ils associaient cela à ce qu’ils savaient des hautes valeurs morales pratiquées par les musulmans et de leur mise en pratique des principes de leur foi dans leur vie, ainsi que ce qu’ils savaient du caractère et de la noble personnalité du Prophète (saws), ils répondaient sans crainte ni hésitation à l’appel de l’Islam.

L’Islam put donc gagner de nouveaux adeptes dans toute l’Arabie, y compris à La Mecque, dans le territoire même des Quraysh. Le nombre de musulmans se multiplia rapidement, au point que le Prophète (saws) put lever, à peine deux ans plus tard, une armée de dix mille hommes, alors qu’à al-Hudaybiyya son armée n’en avait compté que mille quatre cents. C’est pour cette raison que la plupart des historiens voient dans la paix d’al-Hudaybiyya une grande victoire.

Comme l’écrit az-Zuhrî, un historien musulman ancien :

Aucune victoire antérieure de l’histoire de l’Islam n’avait été aussi grande que celle d’al-Hudaybiyya. Ces victoires avaient été obtenues après des combats, tandis que, la trêve conclue et la paix obtenue, les gens ne se craignaient plus les uns les autres. Ils se rencontraient, établissaient des contacts et se parlaient. Aucune personne raisonnable à qui l’on présentait l’Islam ne pouvait plus le rejeter. De fait, dans les deux années qui suivirent la paix d’al-Hudaybiyya, le nombre de musulmans passa à plus du double.

L’occasion de choisir librement

Pouvoir parler librement aux gens et témoigner de l’Islam est beaucoup plus important que de remporter des batailles. Le but de l’Islam n’a jamais été de conquérir des pays ni de soumettre des peuples. De fait, la contrainte comme moyen de conversion a toujours été condamné par l’Islam. Depuis le début de sa mission, le Prophète (saws) et ses compagnons n’ont jamais rien demandé de plus que de pouvoir s’adresser librement aux gens et leur expliquer la nature et les principes de l’Islam.

À al-Hudaybiyya, le Prophète (saws) vit une chance pour l’Islam d’y parvenir et il était déterminé à ne pas la laisser échapper. Il s’avéra qu’il avait raison. Après l’accord de paix, le Prophète (saws) put aussi oeuvrer à la diffusion de l’Islam au-delà de l’Arabie. Il écrivit aux souverains de tous les États entourant l’Arabie et aux chefs régnant sur les régions les plus lointaines de la péninsule arabique pour les informer de l’Islam et les appeler à y croire.

Il confia ses messages à des compagnons connus pour posséder deux qualités primordiales : le courage et la sagesse. La plupart de ces souverains et de ces chefs n’adhérèrent pas à l’Islam. Certains s’y montrèrent même extrêmement hostiles. L’attitude de l’empereur de Perse fut particulièrement insultante ; il maltraita aussi l’émissaire envoyé par le Prophète (saws). Néanmoins, l’envoi de ces émissaires permit de faire connaître l’Islam dans ces pays et mit en évidence le caractère universel de la religion musulmane. Celle-ci ne concernait pas uniquement l’Arabie : c’était une religion destinée à l’humanité entière.

L’accord de paix permettait aussi au Prophète (saws) de tourner son attention vers ses autres ennemis. Ils devaient mettre un terme à toute conspiration. C’est pourquoi les expéditions de Khaybar, Fadak et Tayma, qui allaient avoir lieu l’année suivante, allaient rehausser considérablement le prestige des musulmans en Arabie et accroître la puissance de leur État.

En outre, les musulmans n’avaient pas été contraints à trop de concessions. S’ils avaient accepté de repartir à Médine sans avoir pu se rendre à la Mosquée Sacrée, c’était en échange de l’assurance qu’ils pourraient le faire l’année suivante. Ils n’avaient pas totalement échoué dans l’accomplissement de l’objectif de leur voyage, celui-ci ayant simplement été remis à l’année suivante : en pratique, la concession n’était pas aussi importante que les musulmans l’avaient pensé sur le moment, emportés par leurs sentiments. L’alternative aurait été la guerre, qui aurait conduit à des conséquences bien pires. Cette perspective avait été totalement écartée, ce qui était en soi un grand succès.

L’une des raisons pour lesquelles il valait mieux éviter un conflit armé était qu’il se trouvait à La Mecque de nombreux musulmans qui avaient embrassé l’Islam sans le faire savoir autour d’eux. Ils ne souhaitaient pas rompre avec leurs familles et espéraient qu’un jour viendrait où les Quraysh cesseraient d’être hostiles à l’Islam. Certains, quant à eux, n’auraient pas pu émigrer à Médine s’ils l’avaient voulu, parce que leur situation ne les en laissait pas libres. Certains étaient retenus de force à La Mecque, comme nous l’avons vu dans le cas d’Abû Jandal ibn Suhayl, le fils du négociateur des Quraysh à al-Hudaybiyya. Ni le Prophète (saws) ni les musulmans ne savaient exactement combien de musulmans se trouvaient à la Mecque.

Une intransigeance contre productive

Les événements qui suivirent l’accord de paix d’al-Hudaybiyya devaient prouver, comme cela a souvent été le cas au cours de l’Histoire, que la partie adoptant une attitude intransigeante et inflexible et essayant d’imposer les conditions les plus sévères finirait par le regretter. La condition par laquelle les Quraysh pensaient sauver la face devant ceux qui pourraient critiquer leur revirement de la confrontation à la négociation, était celle qui exigeait que les musulmans rendent aux Quraysh quiconque viendrait de chez eux trouver le Prophète (saws) en déclarant sa conversion à l’Islam.

Cette condition n’était pas réciproque, ne s’appliquant pas aux musulmans qui rejoindraient les Quraysh. Les musulmans eux-mêmes en éprouvaient une profonde amertume, trouvant cette condition humiliante pour leur nouvel État et totalement injustifiée. Le Prophète (saws) avait cependant conclu l’accord de paix en suivant les ordres de Dieu, et il ne s’embarrassait donc pas de la comparaison des diverses issues possibles. Il était convaincu que Dieu protégerait les musulmans et leur fournirait une issue favorable.

Les Quraysh ne devaient pas tarder à se rendre compte que la condition même par laquelle ils avaient voulu sauver la face était celle qui leur causerait le plus de problèmes. Un homme des Thaqîf s’appelant ‘Utba ibn Usayd, mais mieux connu sous son surnom d’Abû Busayr, vint trouver le Prophète (saws) en se déclarant musulman. Peu après son évasion, Azhar ibn ‘Abd Awf et al-Akhnas ibn Sharîq, de la même tribu, écrivirent au Prophète (saws) en lui demandant de le renvoyer conformément à son engagement.

Ils envoyèrent leur message avec un homme de la tribu de Amir qui voyageait en compagnie d’un de ses serviteurs. Quand ils eurent donné au Prophète (saws) la lettre qui lui était adressée, il parla à Abu Busayr en lui expliquant que les musulmans ne violaient pas leurs engagements et ne revenaient pas sur leurs promesses. Il n’avait donc pas d’autre choix que de le renvoyer avec ces deux hommes. Il lui dit également : « Dieu te fournira certainement une issue, ainsi qu’à ceux qui comme toi sont dans une position de faiblesse. »

Lorsque Abu Busayr protesta qu’on le renvoyait chez des gens qui essaieraient certainement de le détourner de sa religion, le Prophète (saws) ne put que répéter ses paroles. Abu Busayr partit avec ces deux hommes pour le long voyage de plus de cinq cents kilomètres entre Médine et La Mecque. Abu Busayr tenta semble-t-il de gagner la confiance de ses gardiens pendant ce voyage de plusieurs jours, sans les laisser soupçonner ses intentions. Lors d’une étape, comme ils étaient assis pour se reposer, l’homme de la tribu de Amir jouait avec son sabre en se vantant : « Un jour, je pourfendrai de ce sabre les tribus musulmanes des Aws et des Khazraj. »

Abu Busayr répliqua : « Alors ton sabre doit être bien affûté ! » L’homme répondit : « Oui, certes. Veux-tu le regarder ? » Abu Busayr accepta volontiers le sabre. À peine l’avait-il en main qu’il commença à en frapper l’homme avec force, jusqu’à ce qu’il ait fini par le tuer. Quand le serviteur vit cela, il fut absolument terrifié. Il s’enfuit vers Médine, sans cesser de courir jusqu’à ce qu’il arrive à la ville. Lorsque le Prophète le vit de loin arriver dans cet état, il dit : « Ce garçon a dû voir un spectacle horrible. » Quand le serviteur eut repris son souffle, il raconta ce qui s’était passé. Peu après, ce fut Abu Busayr qui arriva. Il salua le Prophète (saws) et dit : « Tu as respecté ton engagement. Dieu a accompli tes promesses. Tu m’as livré à ces gens, mais j’ai réussi à échapper à la persécution. »

Le Prophète (saws) lui dit de partir où il voudrait. Il lui expliqua qu’il ne pouvait pas lui permettre de rester à Médine parce que cela constituerait une violation de l’accord de paix. Quand Abu Busayr fut parti, le Prophète (saws) commenta son action en ces termes : « Cet homme causerait sûrement une guerre s’il avait des hommes pour le soutenir. »

En quittant Médine, Abu Busayr comprit qu’il devrait s’en prendre aux Quraysh pour pouvoir survivre. Il chercha donc un endroit sur le chemin côtier emprunté par les caravanes de Quraysh et s’y cacha. Chaque fois qu’une caravane de Quraysh passait, il l’attaquait pour piller autant qu’il pouvait de ses marchandises. Ces attaques, racontées à La Mecque, encouragèrent les musulmans qui s’y mouvaient. Abu Jandal et d’autres musulmans de La Mecque organisèrent soigneusement leur évasion, et soixante-dix d’entre eux parvinrent à rejoindre Abu Busayr dans sa cachette.

Ensemble, ces musulmans organisèrent des attaques de guérilla contre les Quraysh, visant en premier lieu les caravanes commerciales. Peu de-temps après, ils furent rejoints par un certain nombre d’hommes de différentes tribus, comme les Ghifâr, les Aslam et les Juhayna, qui n’étaient pas liées par le traité de paix entre le Prophète (saws) et les Quraysh. La troupe de guérilla comptait maintenant trois cents hommes. Ils parvinrent à causer beaucoup de tort aux Quraysh, sans pour autant que ces derniers puissent faire grand-chose contre eux.

Malgré les effectifs importants déployés par les Quraysh pour protéger leurs caravanes, ces combattants parvenaient à organiser des razzias sur toutes les caravanes, s’emparant de leurs marchandises et tuant leurs gardes. A toutes les époques de l’Histoire, et jusqu’à nos jours, il n’a jamais été facile de faire face à des groupes de guérilla résolus. Il n’est donc pas étonnant que les Quraysh se soient vite fatigués de la situation nouvelle créée par Abu Busayr, Abu Jandal et leurs hommes.

Ils commencèrent à demander au Prophète (saws) d’intégrer ces résistants à sa communauté afin qu’ils cessent d’importuner les Quraysh. Répondant à cette requête, le Prophète (saws) appela Abu Busayr et Abu Jandal à le rejoindre à Médine avec leurs hommes qui n’avaient pas où aller. Le Prophète (saws) ordonna aussi aux membres d’autres tribus qui s’étaient joints à Abu Busayr de retourner dans leurs tribus, où ils seraient en sécurité et pourraient poursuivre leur effort de diffusion de l’Islam.

Abu Busayr avait apparemment été gravement blessé lors d’une de ses dernières razzias. La blessure lui fut fatale, et quand la lettre du Prophète (saws) lui parvint, il était à l’article de la mort. Il apprit que ses efforts avaient obtenu le résultat recherché et mourut en paix. Abu Jandal et ses compagnons l’enterrèrent à l’endroit où il avait entamé sa campagne contre les Quraysh, puis rejoignirent les musulmans de Médine. Ainsi, ce furent les Quraysh eux-mêmes qui abrogèrent la condition injuste et intransigeante qu’ils avaient imposée aux musulmans lors du traité de paix.

Second voyage à la Mecque

Les termes de l’accord de paix conclu entre les musulmans et les Quraysh à al-Hudaybiyya prévoyaient que le Prophète (saws) puisse se rendre à La Mecque avec ses compagnons un an plus tard pour pratiquer le culte à la Ka’ba. Comme nous l’avons vu précédemment, le Prophète (saws) était parti pour La Mecque avec mille quatre cents de ses compagnons dans le seul but d’accomplir une ‘umra, ou petit pèlerinage. Les Quraysh ne les avaient pas laissés passer et l’accord de paix avait finalement été négocié parce que le Prophète ne souhaitait pas entreprendre un nouveau conflit avec les Quraysh.

Suite à cet accord, les musulmans de Médine avaient joui de plusieurs mois de calme, perturbés seulement par quelques affrontements restreints avec certaines tribus arabes qui cherchaient à causer des troubles ou à menacer les routes commerciales et les voyageurs. Le Prophète (saws) approcha également plusieurs tribus arabes, leur expliquant le message de l’Islam et les y invitant. Beaucoup de gens à qui le message de l’Islam était ainsi présenté y adhéraient.

Au bout d’une année, quand le mois de dhûl-qi’da fut revenu, le Prophète (saws) commença à se préparer pour sa ‘umra, connue dans les livres d’Histoire comme « la umra compensatoire » ou « la umra d’après le conflit ». Il demanda à ses compagnons de se préparer et précisa qu’aucun de ceux qui l’avaient accompagné à al-Hudaybiyya ne devait rester en arrière. Les mêmes compagnons qui avaient participé au premier voyage partirent donc à nouveau avec le Prophète (saws), à l’exception de ceux qui étaient morts ou avaient été tués au combat.

En tout, deux mille hommes environ et un nombre important de femmes et d’enfants partirent avec le Prophète (saws) pour cette umra. Le Prophète (saws) demanda à son compagnon Abu Dharr al-Ghifârî de le remplacer à Médine et emmena soixante chameaux à sacrifier après la ‘umra. Il entra dans l’état de sacralisation, ou ihrâm, obligatoire pour tous les pèlerins, sur le seuil de sa mosquée de Médine. Tout en avançant, ses compagnons et lui répétaient des formules exprimant la soumission à Dieu et le fait qu’ils entreprenaient ce voyage en réponse à Son appel.

Les termes de l’accord de paix stipulaient que les musulmans ne pourraient porter que leurs sabres dans leurs fourreaux, mais le Prophète (saws) craignait que les Quraysh ne violent leurs engagements. Il emporta donc avec lui d’autres armes, dont des boucliers, des lances et des casques de protection. Il emmena aussi cent chevaux et chargea Bashîr ibn Sa’d de s’occuper des armes et Muljammad ibn Maslama de s’occuper des chevaux.

Lorsqu’il eut parcouru à peine onze kilomètres, il ordonna que les chevaux et les armes soient placés à la tête du cortège. Muhammad ibn Maslama partit devant avec ses chevaux jusqu’à un endroit appelé Marr az-Zahrân, à seulement une journée de voyage à dos de chameau de La Mecque. Il y trouva quelques hommes de Quraysh qui lui demandèrent quelle était sa mission et pourquoi il avait autant de chevaux avec lui. Sa réponse fut :

« Le Messager de Dieu  campera ici demain, si Dieu le veut. » Ils remarquèrent aussi que Bashîr ibn Sa’d avait avec lui une grande quantité d’armes. Ils se hâtèrent de rejoindre La Mecque pour informer les Quraysh de ce qu’ils avaient vu. Les Quraysh furent envahis par l’inquiétude, voire la panique. Ils commencèrent à se demander : « Nous avons assurément honoré nos promesses. Pourquoi Muhammad et ses compagnons viendraient-ils nous envahir ? »

Les Quraysh envoyèrent alors Mikraz ibn Hafs au Prophète (saws) à la tête d’une délégation. Ils lui dirent : «Muhammad, nous ne t’avons jamais vu faillir à une promesse depuis que tu étais enfant. As-tu l’intention d’entrer dans ta ville natale en armes alors que tu as promis que tu ne viendrais qu’avec l’armement d’un voyageur pacifique : des sabres dans leurs fourreaux ? » Le Prophète répondit : « Je n’entrerai pas dans la ville avec les armes. » Mikrâz ibn Hafs dit alors : « Voilà qui ressemble davantage à la sincérité que nous te connaissons. » Il repartit rapidement à La Mecque pour dire à ses concitoyens que Muhammad respectait ses engagements. Les Quraysh, rassurés, laissèrent donc passer les musulmans.

L’arrivée du Prophète à la Mecque

Nous possédons différents récits concernant l’attitude des habitants de La Mecque lorsque le Prophète (saws) et ses compagnons y entrèrent pour effectuer leur umra. Certains récits suggèrent que les Quraysh quittèrent La Mecque pour les montagnes des environs parce qu’ils ne voulaient pas assister à l’arrivée des musulmans venus accomplir leur rite. D’autres avancent que les Quraysh prirent position dans les montagnes de manière à pouvoir bien observer les musulmans.

Selon d’autres récits encore, les Quraysh ou un grand nombre d’entre eux se rassemblèrent à un endroit appelé Dâr an-Nadwa qui leur servait de parlement, pour assister à l’arrivée des musulmans dans la ville. Selon certains autres récits, ils se seraient tenus encore plus près, dans l’enceinte même de la Mosquée Sacrée. Certains récits suggèrent que seuls quelques notables de La Mecque ne voulaient pas assister à l’arrivée des musulmans parce que leur vue les rendait furieux : ils se rendaient compte en effet que le simple fait que les musulmans aient pu venir à La Mecque renforçait leur position en Arabie.

Peut-être tous ces récits décrivent-ils chacun une partie de la vérité, ces différentes actions ayant été accomplies par différents groupes de Mecquois. Il demeure que la plupart des Quraysh voulaient voir arriver le Prophète (saws) et ses compagnons, d’autant plus qu’une rumeur s’était répandue dans la ville, suggérant que Muhammad (saws) et ses compagnons étaient extrêmement affaiblis physiquement par une épidémie qui avait eu lieu à Médine.

Certains avaient entendu dire que les musulmans pouvaient à peine marcher tant ils étaient malades. C’était là un spectacle que les habitants de La Mecque n’auraient pas manqué d’apprécier. Quels qu’aient été leurs motifs, l’arrivée du Prophète (saws) à La Mecque, sept ans seulement après qu’il avait été contraint de quitter la ville à la faveur de l’obscurité, était un grand événement que la plupart des gens n’auraient pas voulu manquer. De fait, le spectacle les laissa songeurs.

La scène était impressionnante. Le Prophète (saws) montait sa chamelle al-Qaswa et était entouré d’un certain nombre de ses compagnons qui observaient toutes les directions de crainte que des ennemis ne tentent d’attaquer le Prophète (saws) ou de lui faire du mal. Tout le cortège clamait sa soumission à Dieu. ‘Abdullâh Ibn Rawâha, un compagnon du Prophète (saws) des ansâr, tenait la bride de la chamelle du Prophète (saws) et récitait des vers de sa composition. Quand le Prophète (saws) fut arrivé à proximité de l’enceinte de la Mosquée Sacrée, au centre de laquelle se trouve la Ka’ba, il dit à ‘Abdullâh ibn Rawâha de répéter ces phrases :

Lâ ilâha illâ Allah wahdah, sadaqa wa’dah, wa-nasara ‘abdah, wa-a’azza jundah, wa-hazama al-ahzâba wahdah ; ce qui signifie : « Il n’y a pas d’autre divinité que Dieu, qui a accompli Sa promesse, accordé la victoire à Son serviteur et la dignité à Ses soldats, et qui Lui Seul a vaincu les coalisés. » C’était une allusion à la défaite subie par les Quraysh et d’autres tribus lorsqu’ils avaient tenté d’envahir Médine afin d’anéantir les musulmans. ‘Abdullâh ibn Rawâha répéta ces phrases et tous les musulmans répétèrent après lui, créant ainsi une atmosphère de puissance et d’enthousiasme.

Le Prophète (saws) était conscient des rumeurs diffusées par les Quraysh au sujet de la faiblesse physique de ses compagnons. C’est pourquoi il leur recommanda de ne montrer aucun signe de faiblesse. Comme ils portaient tous leur tenue d’ihrâm, composée de deux grands morceaux d’étoffe, l’un ceignant la taille et couvrant le bas du corps, l’autre jeté sur les épaules, il leur ordonna de se découvrir l’épaule droite et d’accomplir une partie du tawâf au pas de course. Il entra dans la Mosquée et toucha la pierre noire du bout du bâton qu’il portait. Il dit à ses compagnons: « Que Dieu fasse miséricorde à tous ceux qui leur montreront leur force. »

Il commença par courir autour de la Ka’ba, imité par ses compagnons, pendant les trois premiers tours. Puis ils accomplirent le reste des sept tours en marchant. Les Quraysh furent surpris de constater que l’épidémie n’avait pas affecté les capacités physiques des musulmans. Certains se dirent mutuellement : « Etes-vous sûrs que ces gens ont été affaiblis par la fièvre ? Ils sautent et courent comme des gazelles. » Quand le Prophète (saws) eut achevé son tawâf, il alla accomplir le sa’y qui est un parcours entre les deux monts d’as-Safâ et al-Marwâ. Il accomplit le sa’y monté sur sa chamelle.

Lorsqu’il eut terminé ses sept parcours, il s’arrêta et dit : « C’est ici qu’il faut égorger les bêtes destinées au sacrifice, et toute La Mecque est un endroit approprié. » Il commença à sacrifier ses bêtes, soixante chameaux en tout, et tous ceux qui l’avaient accompagné lors du premier voyage et avaient été présents à al-
Hudaybiyya sacrifièrent aussi un chameau. Les chameaux n’étaient pas nombreux et le Prophète (saws) permit à ceux qui ne pouvaient pas s’en procurer de sacrifier une vache. Ensuite, le Prophète (saws) et ses compagnons se rasèrent la tête et quittèrent l’état de sacralisation.

Démonstration de piété, de force et d’égalité

Le Prophète (saws) avait laissé les chevaux et les armes à un endroit appelé Ya’jaj, à proximité de La Mecque. Il y avait laissé deux cents de ses compagnons pour monter la garde. Il s’agissait d’une précaution contre une éventuelle attaque déloyale des Quraysh. Quand lui-même et ceux de ses compagnons qui avaient accompli la ‘umra avec lui eurent terminé leurs rites, il envoya deux cents hommes à Ya’jaj remplacer ceux qui y étaient restés. Ces gardes, une fois relevés, se rendirent directement à La Mecque pour accomplir à leur tour les rites de la ‘umra.

Le Prophète (saws) resta à la Ka’ba jusqu’à l’heure de la prière de midi {duhr). Il ordonna alors à son compagnon Bilâl de monter sur le toit de la Ka’ba pour appeler à la prière. Debout sur le toit de la Ka’ba, Bilâl appela de sa belle voix mélodieuse : « Dieu est Grand. Je témoigne qu’il n’y a pas d’autre divinité que Dieu. Je témoigne que Muhammad est le Messager de Dieu. Venez à la prière. Venez au succès. Dieu est Grand. » Ce sont là les mots que les musulmans emploient depuis toujours pour appeler à la prière, mais ils contrarièrent considérablement les chefs de Quraysh.

Plusieurs d’entre eux exprimèrent un profond désarroi. Suhayl ibn ‘Amr et certains de ses amis se couvrirent le visage quand ils entendirent Bilâl appeler à la prière, un geste exprimant leur colère. L’action de Bilâl heurtait d’autant plus les Quraysh que celui-ci avait été l’esclave d’Umayya ibn Khalaf, qui avait par la suite été tué à la bataille de Badr. Dans la société idolâtre de La Mecque, où les rapports de classe étaient très marqués, il était totalement inacceptable qu’un ancien esclave puisse monter sur le toit de la Ka’ba, où les Quraysh gardaient leurs idoles.

‘Ikrima ibn Abî Jahl dit : « Dieu a certes été bon envers mon père en lui permettant de mourir avant d’entendre cet esclave prononcer ces mots. » Safwân ibn Umayya ibn Khalaf dit quant à lui : « Dieu soit loué pour avoir pris mon père avant qu’il ne voie cela. » Khâlid ibn Usayd dit, faisant écho à ses paroles : « Je remercie Dieu d’avoir fait mourir mon père avant qu’il ne voie ce jour, où le fils de la mère de Bilâl aboie sur le toit de la Ka’ba. »

Ces hommes représentaient la jeune génération des chefs de Quraysh, dont les pères avaient pour la plupart été tués durant les batailles contre les musulmans. L’action de Bilâl manifestait cependant la force de l’Islam, qui souligne l’égalité entre tous les êtres humains. Le Prophète (saws) et ses compagnons passèrent trois jours à La Mecque, uniformément à l’accord de paix. Ils circulaient sans crainte dans la ville. C’était en soi un acte de relations publiques important de la part des musulmans. Les gens de La Mecque pouvaient constater la solidarité régnant au sein de la communauté musulmane.

Ils se rendaient compte que les musulmans éprouvaient les uns pour les autres la plus grande fraternité. Chacun d’eux aimait tous les autres musulmans. Leur dévouement à la cause de l’Islam était manifeste dans la manière dont ils se parlaient, dans le grand respect qu’ils montraient au Prophète (saws) et dans l’absence totale de division entre eux. Les gens de La Mecque ne pouvaient s’empêcher d’admirer et d’envier la manière dont le Prophète (saws) avait réussi à obtenir une telle unité dans la communauté musulmane, alors même que ses adeptes appartenaient à des tribus qui s’étaient jusqu’à encore récemment fait la guerre.

Ils étaient conscients également que les sentiments dominants au sein de la communauté musulmane étaient l’affection mutuelle et la solidarité. Ses objectifs étaient nobles et son dévouement, total. Sa soumission à Dieu ne faisait aucun doute. Les chefs de La Mecque craignaient que leurs propres concitoyens ne reconsidèrent leur position vis-à-vis de l’Islam en se rendant compte de l’effet si profond qu’il produisait sur les gens de Médine et les musulmans en général.

C’est pourquoi, les trois jours écoulés, ils envoyèrent Suhayl ibn ‘Amr et Huwaytib ibn ‘Abd al-‘Uzzâ dire au Prophète (saws) : « Ton temps est écoulé et tu dois partir. » Le Prophète (saws) conscient que son séjour à La Mecque était d’une grande efficacité pour modifier l’attitude des habitants et adoucir leur position vis-à-vis de l’Islam, essaya d’aller plus loin vers la réconciliation. Il dit aux deux émissaires mecquois : « Quel mal cela vous ferait-il de me laisser me marier dans votre ville ? Nous organiserons un banquet pour vous. »

Maymuna, Epouse du Prophète

Le Prophète (saws) était en effet sur le point d’épouser une femme de La Mecque, Maymûna bint al-Hârith. Elle était de famille noble et sa soeur était mariée à l’oncle du Prophète (saws), al-Abbâs ibn Abd al-Muttalib. Les émissaires mecquois comprirent vite le danger que cette proposition du Prophète (saws) impliquait pour leur religion. Il était clair pour eux que si Muhammad (saws) pouvait organiser son mariage sur place et parler aux gens dans l’ambiance conviviale d’un repas de noces, l’hostilité à l’Islam ne manquerait pas de céder du terrain dans le coeur des Mecquois.

Leur religion ne pourrait résister à la logique de l’Islam. Les gens ne manqueraient pas d’être influencés favorablement par la forte personnalité du Prophète (saws) et par ses arguments. Les barrières qu’ils avaient dressées pour empêcher les gens de le rejoindre commenceraient à s’écrouler. Ils comprenaient que la visite de Muhammad à La Mecque était en train de modifier le climat des relations entre les deux camps, mais ils ne se rendaient pas compte qu’une grande partie des habitants de La Mecque étaient déjà beaucoup moins hostiles à la cause de l’Islam.

Malgré cela, ils refusèrent catégoriquement sa proposition. Ils lui dirent : « Nous n’avons pas besoin de ton repas. Tu dois partir. Nous te demandons, au nom de Dieu et du pacte que nous avons conclu ensemble, de quitter notre territoire sur-le-champ. Tes trois jours sont passés. »

Leur brusquerie suscita la colère de Sa’d ibn ‘Ubâda, le chef des ansâr. Furieux, il s’approcha de Suhayl ibn ‘Amr et lui dit : « Menteur ! Ce n’est pas ton territoire, ni celui de ton père. Il ne partira d’ici que s’il le décide de son plein gré. » Le Prophète (saws) sourit et dit à son compagnon : « Sa’d, ne sois pas si sévère envers ces gens qui sont venus nous rendre visite dans notre camp. » Ainsi une situation qui aurait pu être explosive fut-elle désamorcée. Le Prophète (saws) ordonna à ses compagnons de se préparer au départ. Ils déplacèrent leur camp à Sarif, à quatorze kilomètres de La Mecque, et ce fut là que se déroula le mariage du Prophète (saws) avec Maymûna.

Cette ‘umra du Prophète marqua un tournant dans les relations entre les habitants de La Mecque et l’Islam. Cela devait bientôt se refléter dans l’attitude des Quraysh vis-à-vis du Prophète (saws) et de l’Islam en général. L’hostilité ouverte qui avait dicté l’attitude des Quraysh ne devait jamais revenir. De plus, de nombreux individus appartenant à toutes les classes de la société mecquoise commencèrent à envisager d’embrasser l’Islam.

Tandis que les musulmans s’apprêtaient à partir, une fille de Hamza ibn Abd al-Muttalib, oncle du Prophète (saws) et valeureux soldat qui avait été tué à la bataille d’Uhud, suivit le Prophète (saws) et l’appela : « Mon oncle, mon oncle. » Ali, le cousin et gendre du Prophète (saws), la prit par la main et dit à son épouse Fâtima, la fille du Prophète : « Emmène ta cousine avec toi. » Trois des compagnons du Prophète (saws) voulaient eux aussi prendre en charge la jeune fille. Ali, son frère Ja’far et Zayd ibn Hâritha débattirent pour déterminer à qui il revenait de la garder. Ali dit : « Je l’ai prise le premier, et elle est ma cousine. » Ja’far dit : « Elle est aussi ma cousine et je suis marié à la soeur de sa mère. » Zayd dit quant à lui : « Son père est mon frère. » C’était une allusion au fait que le Prophète (saws) avait établi un lien de fraternité entre Hamza et Zayd quand il avait uni les musulmans deux par deux par des liens de fraternité.

Le Prophète (saws) arbitra le différend et dit aux trois hommes : « Toi, Zayd, tu es le serviteur de Dieu et de Son messager. [Nous avons vu que Zayd avait été offert comme esclave au Prophète avant l’Islam, mais que le Prophète lui avait donné la liberté et qu’il était demeuré avec lui depuis.] Toi, Ja’far, tu me ressembles et tes manières sont semblables aux miennes. Toi, Ali, tu m’appartiens et je t’appartiens. Cependant, c’est à Ja’far qu’il revient le plus de la garder car il est marié à sa tante. Je vous rappelle qu’aucune femme ne peut se marier à l’époux de sa tante paternelle ou maternelle. »

Ja’far fut tellement heureux de cette décision qu’il se leva et se mit à sauter autour du Prophète (saws) sur un pied. Comme le Prophète (saws) lui demandait pourquoi il faisait cela, il répondit que c’était une pratique qu’il avait apprise en Abyssinie, où il avait vécu plus de quatorze ans après y avoir émigré conformément aux ordres du Prophète (saws). Lorsque le Négus, le souverain d’Abyssinie, prononçait un jugement en faveur de quelqu’un, celui-ci se mettait debout et sautait sur un pied autour de l’endroit où le souverain était assis. Le Prophète (saws) maria par la suite la fille de Hamza à Salama, le fils d’une de ses épouses.

Le temps de la réflexion

Plus de deux ans s’étaient maintenant écoulés depuis l’expédition du Fossé, et les musulmans et les Quraysh ne s’étaient quasiment pas affrontés militairement. Une paix officielle existait désormais entre les deux camps. Les musulmans profitèrent de ce nouveau climat pour concentrer leurs efforts sur la diffusion du message de l’Islam le plus loin possible. L’Islam gagna beaucoup de terrain en Arabie, avec de nombreux nouveaux adeptes dans toutes les tribus.

Cependant, les Quraysh demeuraient hostiles. Leur hostilité à l’Islam, qui remontait à une vingtaine d’années, n’allait pas céder facilement à la pression exercée par les musulmans. Les gens de La Mecque se considéraient comme le noyau dur de la résistance à la nouvelle prédication de l’Islam. Même les plus intelligents de ses chefs étaient déterminés à ne se réconcilier en aucun cas avec l’Islam. Toutefois, ce n’était pas chose facile. Les gens intelligents ne peuvent pas fermer indéfiniment les yeux à la réalité. Ils peuvent essayer pendant un certain temps, mais ils finissent par céder.

L’histoire de deux personnages de la noblesse de Quraysh permettra d’apprécier la nouvelle ampleur du mouvement d’adhésion à l’Islam. Elle montre comment la structure de l’idolâtrie arabe s’effondrait de l’intérieur.

Amr ibn al-As était un homme très habile. Il avait été l’émissaire des Quraysh auprès du Négus, le souverain d’Abyssinie, pour demander l’extradition des musulmans de Quraysh qui s’étaient réfugiés dans ce pays. Cela s’était passé cinq ans après le début de la Révélation, une quinzaine d’années avant les événements que nous allons relater.

Voici le récit de ces événements donné par ‘Amr lui-même :

J’étais très hostile à l’Islam. J’avais pris part aux côtés des idolâtres aux batailles de Badr, d’Uhud et du Fossé et j’avais survécu. Maintenant, je commençais à penser que Muhammad finirait par triompher des Quraysh. Je partis donc chez moi à ar-Ruhr. où je me retirai pratiquement. Après al-Hudaybiyya, quand le Prophète repartit chez lui après avoir signé l’accord de paix avec les Quraysh, les Quraysh rentrèrent à La Mecque. Je commençai à me dire : « Muhammad entrera à La Mecque avec ses compagnons l’année prochaine. La Mecque ne sera certainement pas le bon endroit pour moi, Tâ’if non plus. La meilleure chose à faire est de partir. »

J’étais encore très hostile à l’Islam et j’étais déterminé à ne jamais y adhérer, même si tous les hommes de Quraysh le faisaient. J’allai à La Mecque où je parlai à un groupe de mes concitoyens qui appréciaient mon opinion et me consultaient sur les affaires importantes. Quand je leur demandai ce qu’ils pensaient de moi, ils répondirent : « Tu es notre sage et notre porte-parole. Tu as un noble coeur et un but béni. » Je leur dis que je pensais que Muhammad était au sommet d’une vague : il ne manquerait pas d’avoir le dessus sur tout ce qui lui résisterait. J’expliquai ensuite que je pensais qu’il serait plus sage de chercher refuge en Abyssinie où nous pourrions rejoindre le Négus.

Si Muhammad l’emportait sur ses ennemis, nous serions en sécurité auprès du Négus, chez qui notre situation serait meilleure que si nous étions vaincus par Muhammad. Si les Quraysh avaient le dessus, ils sauraient que nous étions de leur côté. Tous furent d’accord avec moi et nous commençâmes à nous préparer au départ. Je suggérai de préparer un présent de valeur que le Négus apprécierait. Les peaux étaient les présents de notre partie du monde qu’il appréciait le plus. Nous emportâmes donc une grande quantité de peaux et partîmes pour l’Abyssinie.

Comme nous étions à la cour du Négus, Amr ibn Umayya ad-Damrî, l’émissaire de Muhammad, arriva avec un message. [Il s’agissait peut-être du message où le Prophète invitait le Négus à embrasser l’Islam, dont nous avons parlé précédemment.] Quand je vis Amr ibn Umayya entrer pour son audience auprès du Négus et repartir peu après, je dis à mes concitoyens : « C’est Amr ibn Umayya. Si j’arrive à persuader le Négus de me le livrer, je le tuerai, ce qui sera extrêmement agréable aux Quraysh. »

Quand je fus admis auprès du Négus, je me prosternai devant lui comme j’avais coutume de le faire. Il me dit : « Sois le bienvenu, mon ami. M’as-tu apporté des présents de ton pays ? » Je répondis : « Oui, je vous ai apporté des peaux comme présent. » Je lui offris mon présent et il en fut très heureux. Il en donna une partie à ses évêques et à ses patriarches et ordonna que le reste soit conservé et inscrit. Voyant qu’il appréciait mon cadeau, je lui dis : « Votre Majesté, j’ai vu un homme sortir de votre cour. Il est l’émissaire de notre ennemi, qui a tué un grand nombre de nos chefs et de nos nobles. Puis-je vous demander de me le livrer afin que je le tue?»

Mes propos le mirent très en colère. Il me frappa au nez avec sa main et j’eus l’impression que mon nez était cassé. Je saignais abondamment du nez et je tentai d’essuyer le sang avec mes vêtements. J’étais si humilié que j’aurais voulu que la terre s’ouvre et m’engloutisse, car j’avais très peur de lui. Je lui dis alors : « Votre Majesté, si j’avais su que mes propos vous déplairaient je n’aurais pas émis cette requête. » Il eut un peu honte et dit : « Amr, me demandes de te livrer pour le tuer l’émissaire d’un homme qui reçoit l’archange qui apparaissait à Moïse et à Jésus ? »

À ces mots, je sentis un grand changement se produire en moi. Je me dis que le Négus lui-même et les Arabes comme les non-Arabes reconnaissaient la vérité tandis que moi, je lui tournais délibérément le dos. Je lui demandai : « Attestez-vous cela, votre Majesté ? » Il répondit : « Oui, j’en témoigne devant Dieu. ‘Amr, fais ce que je te dis et suis-le, car sa cause est celle de la Vérité et il l’emportera sur tous ceux qui s’opposent à lui tout comme Moïse l’a emporté sur Pharaon et son armée. »

Je dis au Négus : « Veux-tu accepter pour lui mon engagement à suivre l’Islam ? » Il répondit que oui et tendit les mains : je prononçai devant lui mon engagement à être musulman. Il demanda ensuite qu’on apporte un vase d’eau pour que je me lave. Il me donna aussi de nouveaux vêtements car les miens étaient tachés de sang. Quand je sortis, mes amis se réjouirent de me voir porter des habits neufs offerts par le Négus.

Ils me demandèrent s’il avait accédé à ma requête et je répondis que je n’avais pas trouvé l’occasion favorable pour une telle requête, lui parlant pour la première fois. Ils acquiescèrent et, prétextant un besoin privé, je m’éloignai d’eux. J’allai directement au port où je trouvai un navire prêt à lever l’ancre. Je montai à bord de ce navire et me rendis ainsi à un endroit appelé ash-Shu’ba où je débarquai. J’achetai un chameau et je poursuivis ma route vers Médine. Je traversai Marr az-Zahrân et je continuai jusqu’à al-Hadda.

J’y trouvai deux hommes qui étaient arrivés depuis peu et cherchaient un endroit pour camper. L’un d’eux était dans la tente tandis que l’autre tenait la bride de leurs deux chameaux. Je reconnus bientôt Khâlid ibn al-Walîd. Quand je lui demandai où il allait, il répondit : « Rejoindre Muhammad . Tous les hommes de quelque importance sont devenus musulmans. Si nous restions non musulmans, il nous prendrait par le cou comme la hyène est prise au piège dans sa grotte. » Je lui dis alors que j’allais moi aussi rejoindre Muhammad et que je voulais être musulman. ‘Uthmân ibn Talha sortit de la tente et me souhaita la bienvenue.

Nous restâmes ensemble cette nuit-là. Nous poursuivîmes notre voyage ensemble jusqu’à Médine. Je n’oublierai jamais un homme qui dit en nous voyant approcher : « Yâ rabâh ! » ou : « Quelle matinée profitable!» Il le répéta trois fois. Nous fûmes très heureux de l’entendre dire cela. En nous regardant, il dit encore : « La Mecque a renoncé à son règne une fois que ces deux-là sont venus nous rejoindre. » Je pensai qu’il faisait allusion à Khâlid ibn al-Walîd et moi. Il partit rapidement vers la mosquée. Je pensai qu’il allait apporter au Prophète (saws) la nouvelle de notre arrivée : j’avais raison.

Nous nous arrêtâmes un moment à l’ancienne plaine volcanique aux abords de Médine pour mettre nos plus beaux vêtements. Quand on appela à la prière de l’après-midi, celle de ‘asr, nous poursuivîmes notre chemin jusqu’à la mosquée pour rejoindre le Prophète (saws). Son visage rayonnait de plaisir et tous les musulmans furent heureux d’apprendre que nous avions embrassé l’Islam. Khâlid ibn al-Walîd fut le premier à aller prêter serment d’allégeance au Prophète (saws). Il fut suivi par ‘Uthmân ibn Talha, puis par moi. Quand je m’assis en face de lui, je ne pouvais pas lever les yeux sur lui tellement j’étais intimidé.

Je lui prêtai serment d’allégeance à condition que Dieu me pardonne tous les péchés que j’avais commis par le passé. Je ne pensais pas à inclure ce que je pourrais faire à l’avenir. Le Prophète (saws) me dit : « Quand tu adhères à l’islam, tous tes péchés passés sont pardonnés. Quand tu émigres pour la cause de Dieu, ton émigration t’assure aussi le pardon de tes péchés passés. »

Après notre conversion à l’Islam, le Prophète (saws) fit de Khâlid ibn al-Walîd et moi deux de ses principaux conseillers dans toutes les affaires graves qu’il rencontrait. Nous jouîmes de la même position avec Abu Bakr. Je continuai à jouir de la même position avec ‘Umar, mais celui-ci avait peut-être quelques réserves vis-à-vis de Khâlid.

Tel est le récit d’un des grands serviteurs de l’Islam qui devait par la suite commander les armées musulmanes. Il gouverna aussi l’Egypte pendant de longues années. L’autre cas est celui de Khâlid ibn al-Walîd, qui commandait une division de l’armée de Quraysh à la bataille d’Uhud. C’était lui qui avait réussi à attaquer les musulmans par-derrière et à transformer leur victoire initiale en défaite. C’était un jeune homme très prometteur.

De fait, il allait devenir l’un des plus illustres chefs militaires que le monde ait connus. Khâlid a relaté en détail comment il commença à songer à l’Islam et comment il y adhéra. Il commença, nous dit-il, par réfléchir à son attitude passée envers l’Islam :

J’avais mené toutes ces batailles contre Muhammad. A chaque fois, j’avais l’impression que tous mes efforts étaient vains. J’étais certains que Muhammad finirait par l’emporter. Quand le Prophète vint établir son camp à al-Hudaybiyya, je pris la tête d’un détachement de cavaliers des idolâtres et nous rencontrâmes le Prophète et ses compagnons à ‘Asafân.

Je m’approchai pour le provoquer. Ses compagnons et lui accomplirent la prière de duhr devant nous. Nous envisageâmes de les attaquer alors, mais nous ne le fîmes pas. Il avait dû se rendre compte de ce à quoi nous pensions : quand arriva l’heure de la prochaine prière, celle de ‘asr, il dirigea pour ses compagnons ce qu’on appelle « la prière de la peur ». Cela nous affecta profondément car nous comprîmes qu’il était protégé contre une attaque de notre part. Nous nous retirâmes donc.

Lorsque les termes de l’accord de paix d’al-Hudaybiyya eurent enfin été négociés et que le Prophète et ses compagnons repartirent chez eux, je commençai à me demander ce qui arriverait ensuite et quel serait notre sort. Je réfléchis : que devais-je faire ? Devais-je rejoindre le Négus ? Mais je me souvins alors qu’il était déjà devenu un adepte de Muhammad et que les compagnons de Muhammad étaient en sécurité sous sa protection.

Devais-je alors rejoindre Héraclius ? Il m’aurait fallu me convertir au christianisme ou au judaïsme. Cette perspective ne me plaisait pas. Devais-je émigrer ou bien rester où j’étais en attendant que quelque chose se passe ?

Cette confusion n’était pas facile à résoudre pour Khâlid. Il ne souhaitait pas émigrer à un endroit où il lui faudrait prouver sa valeur. Par contre, s’il restait à La Mecque, il était certain que l’Islam finirait tôt ou tard par triompher. Cependant, cette confusion lui obscurcissait l’esprit et il ne voyait pas que la voie juste consistait à considérer objectivement l’Islam. Les semaines et les mois passaient et il n’arrivait pas à prendre sa décision. Quand, au bout d’une année, Muhammad et ses compagnons vinrent à La Mecque accomplir leur umra compensatoire, Khâlid ne voulut pas assister à l’arrivée des musulmans à La Mecque.

Il partit dans les montagnes et y resta jusqu’à ce que Muhammad et ses compagnons soient partis. Quand il rentra chez lui, il y trouva une lettre laissée par son frère, al-Walîd Ihn al-Walîd, qui était musulman depuis un certain temps. Al-Walîd était venu accomplir la umra compensatoire en compagnie du Prophète (saws). Après avoir accompli les rites, al-Walîd avait cherché son frère Khâlid. Ne le trouvant pas, il avait compris que Khâlid essayait de fuir l’Islam.

Al-Walîd savait cependant que son frère était un homme très intelligent. Il pensa qu’une parole fraternelle pourrait porter ses fruits. Il lui écrivit donc la lettre suivante :

Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Je suis extrêmement étonné que tu continues à tourner le dos à l’Islam malgré l’intelligence que je te connais. Personne ne peut être aussi aveugle à la vérité de l’Islam. Le Messager de Dieu s’est enquis de toi, demandant : « Où est Khâlid ? » Je lui ai dit : « Dieu nous l’amènera. » Il a dit : « Un homme de sa trempe ne peut pas rester ignorant de l’Islam. S’il voulait employer son intelligence et son expérience pour les musulmans et contre les idolâtres, il en tirerait le plus grand profit. Nous lui accorderions certainement la précédence sur d’autres. » Il est grand temps, mon frère, que tu compenses les grands bienfaits que tu as manqués.

Quand Khâlid lut la lettre de son frère, ce fut comme si un voile qui obscurcissait sa vision depuis longtemps avait été levé. Le fait que le Prophète (saws) lui-même avait demandé de ses nouvelles lui fit plaisir. Il ressentit un ardent désir de devenir musulman. Cette nuit-là, il rêva qu’il se trouvait sur une mince bande de terre au coeur d’un désert aride et qu’il marchait jusqu’à une prairie verte sans limite. Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre que le bon choix pour lui était de devenir musulman.

Il décida alors de rejoindre le Prophète (saws) à Médine. Il éprouva cependant le besoin d’avoir un compagnon dans ce voyage. Il chercha un jeune homme de la noblesse mecquoise et approcha tout d’abord Safwân ibn Umayya. Le père et le frère de Safwân avaient été tués à la bataille de Badr. Son oncle avait été tué à Uhud. Safwân appartenait à cette génération de notables de Quraysh qui avaient une vision très tranchée du conflit avec l’Islam. Il était déterminé à ne faire aucun compromis avec Muhammad (saws) et n’était pas d’humeur à le faire quand Khâlid l’aborda.

Khâlid lui dit néanmoins : « Ne vois-tu pas que Muhammad est en train de prendre le dessus aussi bien sur les Arabes que sur les non-Arabes ? Il nous sera certainement utile de nous joindre à lui et d’avoir notre part des succès qu’il obtiendra. » Safwân adopta une attitude extrême et dit à Khâlid : « Même si tous les Arabes
suivaient Muhammad et que j’étais le dernier, jamais je ne le rejoindrais. »

Lorsque Khâlid entendit cette réponse, il pensa que Safwân était dominé par la rancune et se rappela que son père et son frère avaient été tués à Badr. Il chercha donc quelqu’un d’autre. Il rencontra par hasard ‘Ikrima ibn Abî Jahl, dont le père avait toujours été l’ennemi le plus déterminé de l’Islam, jusqu’à sa mort à Badr. ‘Ikrima répondit à la proposition de Khâlid dans des termes semblables à ceux employés par Safwân. Khâlid lui demanda néanmoins de ne parler de leur conversation à personne et ‘Ikrima le lui promit.

Khâlid rencontra ensuite ‘Uthmân ibn Talha, l’un de ses proches amis. Il envisagea d’aborder la question avec lui puis se rappela que le père, l’oncle et les quatre frères de ‘Uthmân avaient tous été tués à Uhud. Khâlid hésita, s’attendant à une réponse semblable à celles de Safwân et ‘Ikrima. Il finit quand même par engager la conversation avec ‘Uthmân sur le fait que les musulmans étaient de plus en plus forts. Il dit ensuite : « Je compare notre position à celle d’un renard dans un trou. Si l’on verse un seau d’eau dans le trou, tu peux être sûr que le renard sortira. »

Ce fut alors que Khâlid proposa à ‘Uthmân de partir avec lui rejoindre le Prophète (saws) à Médine. ‘Uthmân répondit favorablement. Ils décidèrent de partir après minuit, chacun séparément, et de se rejoindre au point du jour à Ya’jaj. Ils poursuivirent ensuite la route ensemble jusqu’à al-Hadda, où ils rencontrèrent Amr ibn al-Âs. Ils lui dirent : « Sois le bienvenu. Où vas-tu ? » Comprenant qu’ils avaient tous trois le même but, ils voyagèrent ensuite ensemble jusqu’aux abords de Médine, où ils s’arrêtèrent pour se changer. Voici comment Khâlid a relaté leur arrivée :

Le Messager de Dieu fut informé de notre arrivée et en fut heureux. Je mis l’un de mes meilleurs habits et je partis devant le rencontrer. Sur le chemin, je rencontrai mon frère qui me dit : « Dépêche-toi. Le Messager de Dieu a été informé de ton arrivée et en est heureux. Il t’attend. » Nous pressâmes alors l’allure et nous le vîmes de loin, souriant. Il continua à sourire jusqu’à ce que j’arrive près de lui et que je le salue comme le Prophète et Messager de Dieu. Il répondit à mes salutations avec un visage rayonnant de joie.

Je dis : « J’atteste qu’il n’y a pas d’autre divinité que Dieu et que tu es le Messager de Dieu. » Il dit : « Avance.» Quand je me fus approché, il me dit : « Je remercie Dieu de t’avoir guidé vers l’Islam. J’ai toujours su que tu possédais une grande intelligence et j’ai toujours espéré que ton intelligence te conduirait à ce qui est juste et bénéfique. » Je répondis : « Messager de Dieu, je pense à ces batailles où j’ai combattu contre le camp de la vérité. Je te prie d’implorer Dieu de me pardonner. »

Il dit : « Quand tu embrasses l’Islam, tous tes péchés passés sont pardonnés. » Je dis : « Messager de Dieu, est-ce une condition ? » Il ajouta : « Seigneur, pardonne à Khâlid ibn al-Walîd tous les efforts qu’il a déployés pour détourner les gens de Ton chemin. » ‘Uthmân et Amr prêtèrent ensuite serment d’allégeance au Prophète. Par Dieu, depuis notre arrivée durant la huitième année après l’émigration du Prophète, le Prophète m’a toujours consulté sur toutes les affaires importantes qui se présentaient, avant tous ses autres compagnons.

Khâlid mentionna son rêve à Abu Bakr, le premier compagnon du Pophète (saws). Abu Bakr lui dit que la terre étroite et aride où il s’était vu en rêve représentait les fausses croyances qu’il partageait avec ses concitoyens idolâtres. Son arrivée à une prairie fertile représentait le fait que Dieu l’avait guidé vers l’Islam.

Khâlid ibn al-Walîd et Amr ibn al-‘Âs allaient jouer un grand rôle dans l’Histoire de l’islam. Le Prophète  nomma Khâlid à la tête d’une armée après l’autre et lui donna le titre de « Sabre de l’Islam ». Il devait mener de multiples batailles pour la cause de l’Islam et obtenir des victoires éclatantes dans presque toutes ses batailles.

La violation du traité

Les chefs de La Mecque étaient conscients que les musulmans avaient acquis un prestige au moins égal au leur en Arabie. Les Quraysh se rendaient donc compte que la situation n’évoluait pas en leur faveur. Les événements qui eurent lieu près de deux ans après la signature de l’accord de paix d’al-Hudaybiyya entre le Prophète (saws) et les Quraysh le montrent clairement.

Ces événements furent déclenchés par un incident qui représentait une violation flagrante de l’accord de paix. Il faut rappeler ici que l’accord de paix stipulait que les tribus arabes étaient libres d’établir des alliances avec l’un ou l’autre des deux camps. Les termes de l’accord de paix s’appliquaient alors à ces alliés de la même manière qu’aux principaux protagonistes. La tribu de Bakr avait rejoint le camp des Quraysh par une alliance officielle, tandis que celle des Khuzâ’a s’était alliée aux musulmans.

Ces deux tribus étaient déjà ennemies avant l’avènement de l’Islam. Bien que les hostilités aient cessé entre elles quelques années avant la signature de l’accord de paix d’al-Hudaybiyya, des rancunes persistaient entre elles. Une branche des Bakr connue sous le nom de clan des Dayl avait un compte à régler avec les Khuzâ’a. Son chef, Nawfal ibn Mu’awiyya, vit dans la trêve obtenue en Arabie suite à l’accord de paix une occasion de régler ce compte.

Il emmena donc une troupe importante d’hommes de son clan et lança une attaque surprise contre les Khuzâ’a tandis que leurs hommes se rassemblaient à un point d’eau appelé al-Watîr. Des combats éclatèrent et les Khuzâ’a durent battre en retraite. Comme les Khuzâ’a vivaient à proximité de La Mecque, leur fuite les conduisit à l’intérieur du périmètre sacré de la Ka’ba, où les combats avaient toujours été strictement interdits depuis l’époque d’Abraham. Tous les Arabes reconnaissaient le caractère sacré de ce lieu. Ainsi, l’acte des Bakr n’était pas seulement une violation du traire de paix, mais également du caractère sacré de La Mecque.

Les Bakr en étaient conscients. Certains de leurs hommes dirent à leur chef : « Nawfal, nous sommes entrés dans le périmètre sacré. Ne t’attire pas la colère de ton dieu. » Cependant, le désir de vengeance de Nawfal l’aveuglait. Il répliqua : « Aujourd’hui, je n’ai pas de dieu. Fils de Bakr, vengez-vous. Je sais que vous êtes dans le périmètre sacré. Ne voulez-vous pas y prendre votre revanche ? » Les Bakr se vengèrent bel et bien. Ils tuèrent un grand nombre d’hommes des Khuzâ’a. En outre, les Quraysh leur vinrent en aide : ils leur fournirent des armes, et certains hommes de Quraysh prirent eux-mêmes part aux combats aux côtés des Bakr.

L’accord de paix fut donc violé non seulement par les Bakr, mais aussi par les Quraysh eux-mêmes. Les combats terminés, les Khuzâ’a envoyèrent un émissaire informer le Prophète (saws) de ce qui s’était passé. Cet émissaire s’appelait Amr ibn Sâlim. ‘Amr fit route le plus vite qu’il put jusqu’à Médine. Il alla droit à la mosquée où le Prophète (saws) était assis avec un groupe de ses compagnons. Amr exprima les nouvelles qu’il apportait par le moyen le plus efficace de l’époque : en vers. La réponse du Prophète fut brève, claire et décisive. Il lui dit : « Tu auras notre soutien, Amr Ibn Sâlim. »

Ce messager fut suivi d’une délégation des Khuzâ’a dirigée par Budayl ibn Warqâ’, qui vint trouver le Prophète (saws) à Médine. Ces hommes firent au Prophète (saws) le récit détaillé de ce qui s’était passé. Ils l’informèrent aussi que les Quraysh avaient aidé activement les Bakr dans leur agression contre les Khuzâ’a. Il ne faisait aucun doute pour le Prophète (saws) que les Quraysh étaient coupables d’une violation flagrante de l’accord de paix. Cependant, il ne fit aucune promesse aux Khuzâ’a à part sa promesse initiale de soutien, préférant ne pas ébruiter ses intentions. La délégation repartit satisfaite de sa rencontre avec le Prophète (saws).

Conséquence de l’incident

Lorsque les Quraysh prêtèrent main-forte à leurs alliés de la tribu des Bakr pour leur agression contre les Khuzâ’a alliés du Prophète (saws), ils ne pensèrent guère aux conséquences de leur trahison. Il ne leur vint pas à l’esprit que les nouvelles se répandaient vite et que le Prophète (saws) ne manquerait pas d’apprendre leur comportement inacceptable. L’excitation retombée, ils s’aperçurent de l’énormité de ce qu’ils avaient fait. Ils se rendirent compte que pour un gain futile, ils s’étaient placés dans une situation où ils risquaient de lourdes pertes. Certains suggérèrent qu’il fallait agir vite pour éviter une éventuelle campagne de représailles de la part des musulmans.

Ils envoyèrent donc leur chef Abu Sufyân à Médine, ostensiblement pour négocier une révision de l’accord de paix destinée à en prolonger la validité. Le Prophète (saws) s’attendait à tout cela. Quand il fut confirmé que les Quraysh avaient aidé activement les agresseurs de ses alliés, il dit à ses compagnons qu’il pensait qu’Abû Sufyân allait venir à Médine sous le prétexte d’améliorer les termes de l’accord de paix. Peu après, Abu Sufyân faisait son apparition à Médine.

Comme tout coupable cherchant à dissimuler sa culpabilité en donnant l’impression de faire quelque chose de bien, Abu Sufyân craignait que ses efforts ne mènent à rien. Il pensa donc à obtenir le soutien de quelqu’un de la famille du Prophète (saws) : sa propre fille Umm Habîba, que le Prophète (saws) avait épousée quelques années plus tôt. Abu Sufyân entra chez elle et, se comportant comme n’importe quel père chez sa fille, fit mine de s’asseoir sur le matelas du Prophète (saws).

Umm Habîba fut plus rapide que lui : elle plia le matelas et l’enleva. Surpris, Abu Sufyân demanda : « Je ne suis pas sûr, ma fille, si tu penses que je suis trop important pour m’asseoir sur ton matelas ou qu’il est trop bon pour moi. » Elle lui répondit en toute franchise : « C’est le matelas du Messager de Dieu (saws) et en tant qu’idolâtre, tu es impur. C’est pourquoi je ne veux pas que tu t’assoies sur le matelas du Messager de Dieu. » C’était là un coup tout à fait inattendu pour Abu Sufyân. Il n’aurait pas imaginé que sa propre fille puisse l’humilier de telle manière. Il dit : « Je suis sûr qu’un mal t’est arrivé depuis que tu m’as quitté, ma fille. »

Abu Sufyân partit de chez sa fille en ruminant ce coup sévère. Il entra à la mosquée où il trouva le Prophète (saws). Il lui dit : « Muhammad, je suis venu te demander de confirmer notre accord de paix et d’en valider la prolongation.» Le Prophète lui demanda : « Est-ce pour cela que tu es venu ici ? N’as-tu fait aucun mal ? » Abu Sufyân se hâta de nier avoir connaissance d’une quelconque violation de l’accord de paix et dit : « Nous respectons notre accord de paix d’al-Hudaybiyya. Nous en observons strictement les termes. » Le Prophète (saws) ne lui dit rien de plus et l’effort d’Abû Sufyân pour entamer un dialogue avec le Prophète (saws) fut vain.

Abu Sufyân alla ensuite voir Abu Bakr, le principal compagnon du Prophète (saws). Il lui fit la même proposition, mais Abu Bakr répondit qu’il ne ferait que ce que le Prophète (saws) ferait. Il ne parlerait pas au Prophète (saws) pour les Quraysh. Abu Sufyân alla ensuite trouver ‘Umar et tenta de le persuader de parler au Prophète (saws) de sa part. ‘Umar rétorqua : « Tu veux que je prenne ta défense ? Si je ne trouvais rien que de la poussière pour te combattre, je te combattrais quand même. »

Abu Sufyân dut se sentir bien humilié après cette série de rebuffades. Dans d’autres circonstances, il n’aurait pas poursuivi ses efforts. Toutefois, à chaque coup qu’il recevait, il ne comprenait que mieux la gravité de la situation. Un échec de sa mission ne manquerait pas d’entraîner des conséquences très graves pour les Quraysh. Il persévéra donc, s’adressant à plusieurs des principaux compagnons du Prophète (saws) mais essuyant à chaque fois le même refus. Les chefs des muhâjirûn comme ceux des ansâr lui dirent : « Nous ne faisons que nous conformer aux instructions du Prophète. Nous honorerons ses promesses et ses engagements quels qu’ils soient.»

Il alla ensuite trouver ‘Ali, le cousin et gendre du Prophète (saws), et lui dit : « Alî, tu es mon plus proche parent parmi les musulmans et nos relations ont toujours été amicales. Je suis venu dans un but précis et je ne veux pas repartir les mains vides. Pourrais-tu intercéder pour moi auprès du Prophète ? » Alî répondit : « Le Messager de Dieu a pris une décision et aucun de nous ne peut lui parler à ce sujet. »

Fâtima, la fille du Prophète (saws), était présente et son fils aîné, Hasan, jouait dans la pièce. Abu Sufyân s’adressa à Fâtima : « Fille de Muhammad, peux-tu dire à ton jeune garçon de déclarer la paix entre nos deux camps ? Il deviendra ainsi pour toujours le plus grand des Arabes. » Elle répondit : « Mon enfant est trop jeune pour déclarer la paix entre les gens. Personne ne peut accorder sa protection à quiconque contre le Messager de Dieu. »

Abu Sufyân comprit alors qu’il se trouvait dans une impasse. Il dit à Alî : « Je pense que les choses sont devenues trop difficiles pour moi, et je te demande conseil. » Alî répondit : « Par Dieu, je ne vois pas en quoi je pourrais t’être utile, tu es cependant le chef d’une grande tribu d’Arabie. Va déclarer la paix entre les gens, puis rentre chez toi. » Abu Sufyân demanda à Alî s’il pensait qu’une telle démarche serait très utile. Alî répondit que non et ajouta : « Mais je ne vois pas ce que tu pourrais faire d’autre. »

Abu Sufyân sortit et dit : « Que chacun sache que j’ai déclaré la paix entre les gens, et je ne pense pas que quiconque romprait mon engagement. » C’était une tradition en Arabie. Si le chef ou les chefs d’une tribu faisaient une telle déclaration, les gens l’acceptaient normalement comme une déclaration de trêve. À l’époque, la situation était cependant bien différente à Médine.

Abu Sufyân voulut s’assurer que son engagement serait respecté. Il alla trouver le Prophète (saws) et lui dit : «Muhammad, j’ai déclaré la paix entre les gens et je ne pense pas que quiconque rompe mon engagement ou viole ma protection. » Le Prophète (saws) répondit : « C’est toi qui dis cela. » Le Prophète (saws) voulait manifestement que les choses soient très claires pour Abu Sufyân. Les musulmans ne lui donnaient rien. Sa déclaration n’engageait que lui puisqu’ils ne l’approuvaient pas.

Quand Abu Sufyân arriva à La Mecque, les gens lui demandèrent s’il avait rapporté un document ou un pacte approuvé par le Prophète (saws). Il les informa de son échec et des conseils de Alî et leur dit qu’il les avait suivis. Ils répondirent :

« Tu as accepté un engagement unilatéral et tu reviens avec quelque chose d’inutile autant pour toi que pour nous. ‘Alî s’est joué de toi. Ta paix et ta protection n’ont pas été acceptées et ne les engagent à rien. » Sa propre épouse fut encore plus dure envers lui.

Commencement des préparatifs

Quelque temps après le départ d’Abû Sufyân, le Prophète (saws) dit à sa femme Aïsha de préparer son équipement de guerre. Elle commença également à préparer de la nourriture. Son père, Abu Bakr, entra et, voyant ce qu’elle faisait, lui demanda pourquoi elle préparait cette sorte de nourriture, mais elle ne répondit pas. Il demanda si le Prophète (saws) voulait organiser une nouvelle expédition, mais Aïsha garda le silence. Abu Bakr continua à lui poser des questions et lui demanda si le Prophète (saws) avait pour objectif les Byzantins, les gens du Najd ou encore les Quraysh eux-mêmes.

Aïsha ne répondit à aucune de ces questions. À ce moment, le Prophète (saws) entra et Abu Bakr lui posa les mêmes questions : le Prophète (saws) confirma alors qu’il comptait attaquer les Quraysh. Abu Bakr évoqua l’accord de paix mais le Prophète (saws) lui dit qu’ils l’avaient eux-mêmes rompu. Le Prophète (saws) avait longuement réfléchi à l’action des Quraysh. Il ne pouvait trouver aucun prétexte pour leur accorder le bénéfice du doute. Leur acte était une violation tout à fait flagrante de l’accord de paix.

Ils devaient donc payer leur faute. Si une telle violation restait impunie, ils ne tarderaient pas à chercher un autre moyen de s’en prendre aux musulmans. Il fallait agir sans tarder. Toutefois, le Prophète (saws) commença ses préparatifs discrètement. Même ses plus proches conseillers ne furent tout d’abord pas informés de ses intentions. Le Prophète (saws) n’informa personne de l’expédition qu’il préparait mais ordonna à ses compagnons de se tenir prêts. En outre, il chargea ‘Umar ibn al-Khattâb de la sécurité. ‘Umar plaça des patrouilles sur toutes les routes entrant ou sortant de Médine et leur donna pour instructions de ne laisser passer personne de suspect.

Le Prophète (saws) tenait à prendre les Quraysh par surprise et utilisa tous les moyens pour s’assurer qu’ils ne seraient pas informés de son départ imminent. De plus, il implora Dieu de rendre ses précautions efficaces afin que les musulmans puissent prendre les Quraysh par surprise. À ce moment, un membre de la communauté musulmane fit quelque chose de tout à fait inhabituel. Hâtib ibn Abî Balta’a, l’un des muhâjirûn qui avaient émigré de La Mecque à Médine avec le Prophète (saws), écrivit une lettre aux Quraysh pour les avertir que le Prophète avait l’intention de les attaquer.

Il la donna à une femme qui la cacha sur elle et parvint à quitter Médine sans être remarquée par les gardes qui contrôlaient toutes les allées et venues. Or, le Prophète (saws) fut informé par Dieu de l’action de Hâtib. Il envoya donc trois de ses compagnons, Alî, az-Zubayr ibn al-‘Awwâm, et al-Miqdad à un endroit appelé Rawdat Khâkh où ils devaient intercepter cette femme et lui reprendre la lettre.

Les compagnons rapportèrent cette lettre au Prophète (saws) qui convoqua Hatib pour s’expliquer. Il lui demanda : «Qu’est-ce que c’est, Ô Hâtib ? » Il répondit : – « Ne te hâte pas de me juger, Envoyé de Dieu ; je n’ai eu dans Quraych que la situation d’un rapporteur. » Il poursuivit : « Les autres Muhâjirûn ont, à La Mecque, des parents par lesquels ils peuvent assurer la protection de leurs familles ; moi, comme les liens du sang ne me donnaient pas cet avantage, j’ai voulu m’acquérir à la reconnaissance de Quraych des droits qui assureraient la protection de mes proches. Mais je n’ai pas agi par infidélité ou par apostasie ; je n’ai point accepté comme religion l’infidélité après avoir embrassé l’Islam. »

Il est parfaitement clair que lors de cet incident, Hâtib commit une grave erreur en essayant de gagner la faveur des négateurs de Quraysh alors qu’il savait très bien qu’ils avaient adopté une attitude hostile envers le Prophète (saws) et l’Islam. Mais comme nous l’avons dit, les plus grands hommes peuvent commettre des erreurs. C’était là l’erreur d’un grand homme. Il pensait que si la bataille qui s’annonçait prenait trop d’ampleur, les Quraysh pourraient chercher à se venger sur les familles des musulmans qui avaient émigré de La Mecque. Dans ce cas, la seule chose qui pourrait assurer la sécurité de sa famille et de ses enfants serait la faveur des Quraysh.

Le Prophète (saws) était parfaitement conscient de l’énormité de l’action de Hâtib. Il décida néanmoins de lui pardonner en raison des services qu’il avait rendus à l’Islam, notamment sa participation à la bataille de Badr. Il recommanda en outre à ses compagnons de se rappeler le passé de Hâtib au service de l’Islam. Une erreur, si grave soit-elle, ne saurait effacer tout le dévouement montré par un homme à une cause bénie.

En route vers la Mecque

Quand les musulmans eurent terminé leurs préparatifs, le Prophète (saws) se mit en route à la tête d’une armée très importante pour les musulmans : c’était l’armée la plus importante jamais mobilisée sous le commandement du Prophète (saws). Certains récits parlent de douze mille hommes, mais il est sans doute plus juste de dire que le Prophète (saws) avait avec lui dix mille soldats.

Ils n’avaient pas parcouru une grande distance quand ils virent arriver al-‘Abbâs ibn ‘Abd al-Muttalib, l’oncle du Prophète (saws), accompagné de toute sa famille. Ils étaient venus rejoindre les musulmans : ils déclarèrent leur foi en Dieu et Son messager et se joignirent à l’armée musulmane. Peu après, l’armée musulmane rencontra deux hommes de Quraysh venus eux aussi rejoindre les musulmans. Il s’agissait d’Abû Sufyân ibn al-Hârith ibn Abd al-Muttalib (ne pas confondre avec Abu Sufyân ibn Harb, le chef des Quraysh) et de Abdullâh ibn Abî Umayya. Tous deux étaient parents du Prophète (saws).

Abu Sufyân ibn al-Hârith avait été le camarade de jeux du Prophète (saws) durant son enfance, mais lorsque la mission prophétique avait commencé, il avait choisi de se montrer très hostile et de l’attaquer dans sa poésie. Abdullâh ibn Abî Umayya avait été très insultant vis-à-vis du Prophète (saws) dans le passé, malgré le fait que sa mère était la tante du Prophète (saws). À un certain moment, il avait dit au Prophète (saws) qu’il ne croirait jamais en lui tant qu’il ne l’aurait pas vu grimper sur une échelle jusqu’au ciel et en revenir avec un témoignage écrit qu’il était bien le Messager de Dieu, accompagné de quatre anges pour en attester.

Les insultes sont particulièrement douloureuses quand elles proviennent de proches. Le Prophète (saws) ne souhaitait donc pas rencontrer ces deux hommes. Quand ils l’approchèrent, il refusa de les recevoir. Umm Salama, l’une des épouses du Prophète (saws), essaya d’intervenir en faveur des deux hommes de Quraysh. Elle dit au Prophète (saws) : « Messager de Dieu, ce sont tes cousins et tes parents. » Il répondit : « Je n’ai nul besoin d’eux. Mon cousin m’a diffamé, et c’est le fils de ma tante qui avait dit ce que tu sais à La Mecque. »

Quand ils furent informés de ce que le Prophète (saws) avait dit, ils sentirent que leur position était très inconfortable. Ils ne savaient que faire. Abu Sufyân ibn al-Harith, qui était accompagné de son fils, dit : « S’il ne me reçoit pas, je prendrai mon fils par la main et nous errerons jusqu’à ce que nous mourions de faim et de soif. »

Alî ibn Abî Tâlib, qui était le cousin à la fois du Prophète (saws) et d’Abû Sufyân Ibn al-Hârith, donna un bon conseil à ce dernier. Il lui dit d’aborder directement le Prophète (saws), face à face, et d’employer les mêmes mots que les frères de Joseph avaient adressé à celui-ci lorsqu’ils l’avaient reconnu : « Dieu t’a vraiment préféré à nous ; et nous, nous avons été coupables. » Alî lui dit que le Prophète (saws) ne voudrait pas que quelqu’un d’autre donne une meilleure réponse que lui dans les mêmes circonstances. Abu Sufyân ibn al-Hârith fit ce qu’il lui avait recommandé et le Prophète (saws) donna la même réponse que Joseph à ses frères : « Il ne vous sera fait aucun reproche aujourd’hui. Que Dieu vous pardonne ! Sa miséricorde n’a point d’égale. » Ainsi, Abu Sufyân ibn al-Hârith et son parent furent réhabilités. Il commença immédiatement à mettre son talent poétique au service de l’Islam et de la défense de sa cause.

L’armée musulmane conduite par le Prophète (saws) se mit en marche vers La Mecque, le dixième jour de ramadan de l’an huit du calendrier musulman. Des musulmans de différentes tribus rejoignirent l’armée en nombre. Il y en eut par exemple sept cents de la tribu de Sulaym – un millier selon certains récits. Il y en avait aussi un millier de la tribu de Muzayna. Chaque tribu constituait une unité de l’armée. Tous les muhâjirûn et les ansâr étaient venus en réponse à l’appel du Prophète (saws). Aucun n’était resté en arrière.

Quand le Prophète parvint à un endroit appelé Asafân, non loin de Médine, il demanda un pichet d’eau. Quand on le lui eut apporté, il se leva de façon à être vu par le plus grand nombre de gens possible et but pendant la journée afin que ses compagnons suivent son exemple et s’abstiennent de jeûner en voyage. Il ne jeûna aucun des jours suivants, jusqu’à son arrivée à La Mecque.

L’armée continua sa route jusqu’à un endroit appelé Marr az-Zahrân, non loin de la Mecque, où elle établit son camp. Il était remarquable que les Quraysh n’aient pas été informés de la venue du Prophète (saws). Cela était dû à la prière faite par le Prophète avant son départ : « Seigneur, fais que les Quraysh ne reçoivent aucun renseignement sur nous jusqu’à ce que nous les prenions par surprise sur leur propre territoire. » Cependant, les Quraysh étaient mal à l’aise. Ils étaient conscients que le Prophète (saws) ne manquerait pas de passer à l’action. Il n’allait pas rester inactif alors que ses alliés étaient traîtreusement massacrés.

Ils envoyaient donc des hommes se renseigner à l’extérieur, mais les renseignements qu’ils rapportaient étaient inexacts. Le Prophète (saws) et son armée établirent leur camp à Marr az-Zahrân le soir. Le Prophète (saws) ordonna à ses compagnons d’allumer des feux. Sa stratégie était maintenant de remporter la guerre psychologique dans l’espoir d’éviter une bataille de grande envergure. Chaque soldat alluma donc un feu. Il faut essayer d’imaginer dix mille feux allumés dans la vallée où les musulmans campaient. Si les Quraysh envoyaient quelqu’un chercher des renseignements, la vue de ces feux le pousserait à retourner très vite avertir les habitants de La Mecque du danger qui les menaçait.

Il se trouvait dans le camp musulman un homme qui était conscient que la cause des Quraysh était sans espoir à moins qu’ils ne négocient un nouvel accord avec le Prophète (saws). Cet homme n’était autre qu’al-‘Abbâs, l’oncle du Prophète (saws), qui l’avait rejoint quelques jours seulement auparavant. Al-‘Abbâs se rendait compte que la seule issue pour les Quraysh serait de se rendre et d’accepter le verdict du Prophète (saws) quel qu’il soit. Si les Quraysh faisaient cela, le Prophète (saws) serait plus enclin à leur épargner l’humiliation. Al-Abbâs décida donc d’envoyer un message aux Quraysh pour les exhorter à prendre les devants et à demander au Prophète (saws) un arrangement pacifique.

Il faut ici bien faire la différence entre la décision d’al-Abbâs et la lettre envoyée par Hâtib ibn Abî Balta’a pour prévenir les Quraysh. Cette lettre avait été envoyée avant que l’armée n’ait terminé ses préparatifs de départ. Les Quraysh auraient eu le temps de se préparer pour une bataille de grande ampleur. La situation était maintenant différente : le Prophète (saws) ne cachait plus aux Quraysh qu’il se dirigeait vers La Mecque et c’était pour cette raison qu’il avait fait allumer tous ces feux.

En outre, les conseils d’al-Abbâs seraient certainement bien accueillis puisque, quelques jours seulement auparavant, il entretenait encore des liens d’amitié avec tous les chefs de Quraysh. Il était donc quasiment certain que les Quraysh suivraient les conseils d’al-Abbâs. Voici le récit donné par al-Abbâs lui-même des événements de cette nuit-là :

Quand le Messager de Dieu  établit son camp à Marr az-Zahrân, j’éprouvai de la peine pour les gens de La Mecque. Je pensais que si le Messager de Dieu entrait à La Mecque par la force, avant que les Quraysh ne viennent lui proposer un arrangement pacifique, ce serait la fin des Quraysh pour toujours. Je montai donc la propre mule du Prophète et j’allai jusqu’à la vallée d’Arâk [ainsi appelée parce que les arbres d’Arâk y poussaient en abondance].

J’espérais y trouver un bûcheron ou un berger ou toute autre personne à qui je pourrais demander d’aller à La Mecque avertir les gens du lieu où le Prophète avait établi son camp et leur conseiller de prendre les devants et de demander la sécurité pour leur ville avant qu’il n’y entre par la force. Dieu voulut qu’Abû Sufyân ibn Harb, le chef des Quraysh, sorte cette nuit-là en compagnie de Hakîm ibn Hizâm et Budayl ibn Warqâ’ pour chercher des informations auprès d’un éventuel voyageur qu’ils pourraient trouver. Je cheminais toujours sur la mule du Prophète quand j’entendis une conversation entre Abu Sufyân et Budayl ibn Warqâ’.

Abu Sufyân dit : « Je n’ai jamais vu un tel feu ni une aussi grande armée. » Budayl ibn Warqâ’ répondit : « Ce doit être la tribu des Khuzâ’a poussée à l’action par le feu de la guerre. » [C’était une allusion à l’agression contre les Khuzâ’a, alliés du Prophète, qui avait déclenché ces événements. Ils s’attendaient à ce que les Kuzâ’a se vengent des Quraysh et de leurs alliés les Bakr.] Abu Sufyân répondit : « Les Khuzâ’a ne sont pas assez nombreux pour pouvoir lever une telle armée et allumer tous ces feux. »

Je reconnus Abu Sufyân à sa voix et je l’appelai par son autre surnom, Abu Hanzala. Il me reconnut et dit : «Abu al-Fadl ? Qu’est-ce qui t’amène ici ? » Je répondis : « L’affaire est grave, Abu Sufyân. C’est le Messager de Dieu  avec son armée. Les Quraysh sont bel et bien perdus. » Il demanda : « Que pouvons-nous faire, cher ami ? » Je répondis : « Je suis sûr que s’il te fait prisonnier, il te fera décapiter. Monte derrière moi sur cette mule et je t’emmènerai au Messager de Dieu pour obtenir ta sécurité. »

Négociations avec le Prophète

Abu Sufyân était donc maintenant en route pour un face-à-face avec le Prophète (saws), l’homme qu’il avait tenté de vaincre de toutes ses forces. Il était conscient d’être dans une position très difficile. Voici la suite du récit d’al-‘Abbâs :

Il monta derrière moi tandis que ses deux compagnons rebroussaient chemin. Chaque fois que je passais près d’un groupe de musulmans à côté de leurs feux, ils se demandaient qui traversait leur camp, et me laissaient passer en s’apercevant que je montais la mule du Prophète (saws). Je passai ensuite près du feu de ‘Umar ibn al-Khattâb, qui demanda : « Qui est là ? » et s’avança. Quand il s’aperçut que c’était Abu Sufyân que j’avais en croupe, il dit : « Abu Sufyân, l’ennemi de Dieu. Loué soit Dieu, qui t’a conduit ici sans traité ni promesse pour te protéger. » Il courut jusqu’à la tente du Prophète. La mule commença aussi à courir et le dépassa de peu. Je mis rapidement pied à terre et j’entrai dans la tente du Prophète. ‘Umar entra juste derrière moi et dit : «Messager de Dieu, c’est Abu Sufyân, l’ennemi de Dieu. Dieu nous l’a livré sans traité ni accord pour l’épargner. Permets-moi de lui couper la tête. » Je m’interposai : « Messager de Dieu, je lui ai accordé ma protection. » Je m’assis ensuite pour parler au Prophète, déterminé à ne laisser personne d’autre s’opposer à mes intentions.

Il semble qu’une vive discussion suivit entre al-Abbâs et ‘Umar quant au sort d’Abû Sufyân, ‘Umar insistant pour qu’il soit exécuté. Al-‘Abbâs, qui venait d’integrer la société musulmane et ne savait pas encore à quel point l’islam modifiait les attachements de ses adeptes, dit à ‘Umar : « Je jure, ‘Umar, que si Abu Sufyan avait été un homme des ‘Adi [le clan de ‘Umar chez les Quraysh], tu aurais dit autre chose. Tu sais cependant qu’il appartient au clan des ‘Abd Manâf. »

La réponse de ‘Umar fut celle d’un homme dont les attachements et les loyautés avaient été radicalement remodelés par l’islam : « Ne te livre pas à des conclusions hâtives, al-‘Abbâs. Quand tu es devenu musulman j’ai été plus heureux que je ne l’aurais été si al-Khattâb [son propre père] avait embrassé l’Islam, et cela, uniquement parce que je sais que le Prophète (saws) est plus heureux de ta conversion à l’Islam qu’il ne l’aurait été de celle d’al-Khattâb. »

Comme la discussion se prolongeait, al-‘Abbâs et ‘Umar insistant chacun sur leur point de vue respectif, le Prophète ordonna à son oncle d’emmener Abu Sufyân dans sa tente pour la nuit et de le lui ramener au matin. Abu Sufyân passa donc le reste de la nuit en compagnie d’al-‘Abbâs. À l’aube, quand les soldats musulmans commencèrent à effectuer leurs ablutions en vue de la prière, Abu Sufyân tremblait de peur. Il demanda à al-‘Abbâs ce qu’ils faisaient : ce dernier expliqua qu’ils s’apprêtaient à prier.

Tandis que les musulmans priaient sous la direction du Prophète, Abu Sufyân regarda, ébahi de les voir tous s’incliner pendant la prière quand le Prophète s’inclinait et se prosterner quand il se prosternait. Il dit à son interlocuteur : « Al-‘Abbâs, ils font toujours ce qu’il commande ? » Al-‘Abbâs répondit : « Oui, assurément. S’il leur ordonnait de cesser de manger et de boire, ils obéiraient. » Un récit avance que lorsque le Prophète (saws) effectua les ablutions, de nombreux musulmans s’efforcèrent d’attraper les gouttes d’eau qui coulaient de son visage et de ses mains pour s’en frotter le visage. Abu Sufyân déclara à al-‘Abbâs : « Jamais je n’ai vu un roi ni un empereur traité de cette manière. »

La nuit avait dû influencer considérablement la décision d’Abû Sufyân quant au comportement qu’il allait adopter durant les heures fatidiques à venir. Il avait sans doute réfléchi à sa précédente mission à Médine, qui s’était soldée par un échec total. Ce voyage lui avait néanmoins donné un aperçu des sentiments de la communauté musulmane vis-à-vis des Quraysh. Ces mêmes personnes dont il pensait qu’elles se préoccuperaient du sort des Quraysh n’étaient pas disposées à lever le petit doigt pour les aider à échapper au châtiment de leur trahison injustifiée.

Il voyait maintenant de ses propres yeux et entendait de ses propres oreilles que les musulmans n’étaient pas disposés à faire des compromis. Sa tête était réclamée avant tout pour punir la trahison des Quraysh. En revanche, Abu Sufyân avait pu constater certains aspects des liens qui unissaient la communauté musulmane. Il voyait que les musulmans étaient très heureux de leur nouvelle religion et reconnaissaient que Dieu les avait comblés de Sa grâce en leur envoyant Muhammad (saws) et son message. Aucun d’eux ne doutait de la justice de leur cause.

Qui plus est, l’amour était le sentiment prédominant dans le camp musulman. Tous les musulmans s’aimaient les uns les autres et le Prophète (saws) leur était plus cher que leurs parents et leurs enfants. De fait, ils aimaient plus le Prophète (saws) que leur propre personne. Pour Abu Sufyân, ces sentiments étaient peut-être incompréhensibles, mais ils étaient bien réels. Leurs implications étaient flagrantes. Il comprenait que les Quraysh n’égalaient les musulmans ni moralement ni matériellement. Toutes ces pensées devaient être présentes dans l’esprit d’Abû Sufyân le lendemain matin, pendant qu’al-Abbâs le conduisait pour la seconde fois auprès du Prophète (saws).

La première question que le Prophète (saws) posa à Abu Sufyân, selon le récit fait par al-‘Abbâs de cette conversation, fut : « Abu Sufyân, n’est-il pas temps que tu comprennes qu’il n’y a pas d’autre divinité que Dieu ? » La réponse d’Abû Sufyân fut à la fois conciliante et directe : « Que tu es patient, généreux et bon ! Par Dieu, s’il existait d’autres divinités que Dieu, elles m’auraient été de quelque utilité. »

Ceci étant, le premier principe fondamental de l’Islam, la seconde question du Prophète (saws) porta sur le second: « N’est-il pas temps que tu reconnaisses que je suis le Messager de Dieu ? » Là encore, la réponse d’Abû Sufyân fut franche et directe : « Que tu es patient, généreux et bon ! Sur ce point-là, j’ai encore quelques doutes. »

Abu Sufyân résumait dans sa réponse la raison d’une grande partie de l’hostilité manifestée par les Quraysh à l’égard de l’Islam. Leurs chefs ne parvenaient pas à admettre que Dieu ait pu choisir l’un de Ses serviteurs pour apporter à l’humanité le message de l’Islam. Il était évident que toute personne choisie pour une telle tâche jouirait d’une position extrêmement honorable sa vie durant et pour toujours. Par conséquent, ils étaient jaloux d’un tel honneur. Une telle réaction est parfaitement compréhensible lorsque les gens appliquent leurs propres critères au jugement des actes de Dieu.

Dans leur société tribale, où l’honneur possédait une telle importance, il n’était que fort naturel que ceux qui rivalisaient pour les honneurs – les chefs de Quraysh – aient besoin d’un certain temps pour accepter que quelqu’un d’autre avait été choisi par Dieu pour apporter Son message. Abu Sufyân était l’un de ceux-là, et sa réticence à reconnaître en Muhammad (saws) le Messager de Dieu avait été la cause d’un grand nombre des batailles relatées dans ce récit de la vie du Prophète (saws).

Al-‘Abbâs comprenait quelles pensées et quels sentiments se bousculaient dans l’esprit d’Abû Sufyân. Il voulut lui rappeler que sa position était intenable à moins qu’il n’accepte les faits tels qu’ils étaient. Il lui dit : « Voyons, déclare ta conversion à l’Islam et montre que tu crois qu’il n’y a pas d’autre divinité que Dieu et que Muhammad est le Messager de Dieu, avant qu’on ne te décapite. »

Abu Sufyân fut reconnaissant de ce rappel et il prononça la déclaration qui le faisait entrer en Islam. Ainsi, le chef des Quraysh était devenu musulman et c’était à lui qu’il appartenait maintenant de rechercher une issue pacifique à la confrontation. Il était clair pour lui qu’il devait jouer ce rôle pour épargner à ses concitoyens une défaite militaire. Le Prophète (saws) expliqua quant à lui qu’il considérait toujours la trahison des Quraysh comme très grave, mais qu’il préférait que le conflit connaisse une issue pacifique.

Al-‘Abbâs agissait toujours en médiateur. Il voulait qu’Abû Sufyân reparte avec quelque chose pour les Quraysh et quelque chose pour lui-même, afin qu’on ne revienne pas sur ce qui avait déjà été obtenu. Al-‘Abbâs fit remarquer au Prophète (saws) qu’Abû Sufyân était un homme qui aimait qu’on l’honore. Il serait donc assurément très utile qu’il reparte auprès des siens dans une position honorable. Le Prophète accepta la requête d’al-Abbâs et dit : «Quiconque entrera chez Abu Sufyân sera en sécurité. »

C’était octroyer à Abu Sufyân un traitement de faveur que de faire de sa maison un endroit où tout Mecquois serait en sécurité. Cependant, Abu Sufyân voulait assurer la sécurité de tous les Quraysh. Il objecta : « Combien de personne ma maison peut-elle contenir ? » Le Prophète (saws) ajouta : « Et quiconque entrera à la Ka’ba sera en sécurité. » Abu Sufyân dit encore que la Ka’ba ne pourrait pas contenir beaucoup de monde. Le Prophète ajouta : «Et quiconque entrera dans l’enceinte sacrée sera en sécurité. »

Abu Sufyân demanda encore : « Combien de personnes l’enceinte sacrée peut-elle contenir ? » Le Prophète ajouta alors : « Et quiconque restera chez lui, la porte fermée, sera en sécurité. » Abu Sufyân fut satisfait et dit : « C’est certainement plus qu’assez. » Il était maintenant prêt à retourner informer ses concitoyens des résultats de ses négociations.

Le Prophète (saws) voulait toutefois être sûr qu’Abû Sufyân ne reviendrait pas sur sa décision quant à la reddition des Quraysh. Il voulait qu’il reparte en sachant parfaitement qu’une confrontation militaire ne pourrait que se solder par un bain de sang et une défaite humiliante des Quraysh. Il demanda donc à son oncle al-‘Abbâs de se tenir avec Abu Sufyân au fond de la vallée pour regarder l’armée musulmane reprendre sa marche vers La Mecque. Autrement dit, il voulait qu’Abû Sufyân ait une idée très claire de la force militaire des musulmans.

Tandis qu’Abû Sufyân et al-‘Abbâs se tenaient au fond de la vallée pour regarder l’armée musulmane se mettre en marche, Abu Sufyân fut très impressionné par sa force. Les unités et les divisions étaient constituées en fonction des tribus, chaque tribu constituant sa propre division. Pendant qu’elles passaient, Abu Sufyân questionna al-‘Abbâs au sujet de chaque tribu. Quand al-‘Abbâs répondait : ce sont les Sulaym, ou les Muzayna, ou une autre tribu, Abu Sufyân répondait que les Sulaym, les Muzayna ou les autres tribus qu’il nommait n’étaient pas un souci pour lui. La puissance numérique était cependant évidente. Le Prophète (saws) lui même fermait la marche à la tête de son « bataillon vert » composé des muhâjirun et des ansàr.

Tous portaient leur armure, de sorte que seuls leurs yeux étaient visibles à travers leurs heaumes. Abu Sufyân demanda : « Al-‘Abbâs, qui sont ces hommes ? » Il répondit : « C’est le Messager de Dieu à la tête des muhâjirûn et des ansâr. » Abu Sufyân s’exclama : « Personne ne peut résister à la force de ce bataillon. Abu al-Fadl, ton neveu a assurément acquis un grand royaume ! » Al-‘Abbâs lui rappela la réalité : « Abu Sufyân, il est prophète, pas roi. » Abu Sufyân répondit : « Oui, certes. »

Quand l’armée se fut mise en route, al-‘Abbâs conseilla à Abu Sufyân de se hâter de retourner auprès de ses concitoyens avec le message du Prophète (saws). Abu Sufyân était accablé par ce qu’il avait vu dans le camp musulman. Il avait compris que l’armée musulmane était pareille à un ouragan qui emporterait tout sur son passage si elle rencontrait la moindre résistance. Il ne doutait pas qu’un seul moyen restait pour sauver les Quraysh : la reddition. Comprenant qu’il n’y avait pas un instant à perdre, il partit le plus vite possible.

À La Mecque, les gens étaient inquiets, ayant appris pendant la nuit des deux compagnons d’Abû Sufyân que l’armée musulmane approchait. Ils étaient regroupés dans la ville quand Abu Sufyân arriva. Quand ils le virent, ils se précipitèrent vers lui pour s’enquérir des nouvelles qu’il apportait. Abu Sufyân n’avait pas le temps de se lancer dans de longues explications. Il voulait que chacun comprenne que la chute de La Mecque était imminente et que la résistance ne servirait à rien.

Il cria aussi fort qu’il le put : « Gens de Quraysh, Muhammad approche à la tête d’une armée à laquelle vous ne pourrez pas résister. Quiconque entrera chez Abu Sufyân sera en sécurité… » Hind bint ‘Utba, l’épouse d’Abû Sufyân, fut abasourdie par la nouvelle. Elle entretenait jusque-là une haine farouche du Prophète (saws) et des musulmans, depuis que son père, son frère et son oncle avaient été tués à Badr. Tant que les deux camps étaient restés hostiles, elle avait joué un rôle important parmi les partisans d’une politique très dure envers les musulmans.

Elle se précipita sur Abu Sufyân, lui saisit la moustache et dit : « Tuez ce gros bon à rien. Maudit sois-tu comme chef ! » Abu Sufyân ne se laissa pas détourner de ce qu’il considérait être son principal devoir, faisant de lui le sauveur de La Mecque. Il dit à ses concitoyens : « Ne vous laissez pas induire en erreur par cette femme. Vous allez être confrontés à quelque chose de trop puissant pour vous. Quiconque entrera chez Abu Sufyân sera en sécurité… » Les gens l’interrompirent en disant : « Maudit sois-tu ! À quoi pourra nous servir ta maison ? » Il poursuivit : « Quiconque entrera dans la Mosquée sera en sécurité, et quiconque restera chez lui, la porte fermée, sera en sécurité. »

Le message était parfaitement clair. Tous les Mecquois en comprirent la teneur. Les gens se dispersèrent donc : certains allèrent à la Mosquée, la plupart rentrèrent chez eux, tandis que quelques-uns se rendaient chez Abu Sufyân. Une atmosphère de peur envahit La Mecque. Les combattants qui, avant l’Islam, étaient craints de tous les Arabes restaient invisibles : ils attendaient derrière leurs portes fermées, tandis que ceux qui étaient à la Mosquée regardaient, pleins de crainte, ce qui se passait.

La Mecque, ville musulmane

Lorsque son armée arriva aux abords de La Mecque, le Prophète (saws) la partagea en quatre divisions, chacune entrant à La Mecque par un côté, afin de s’assurer la domination de toute la ville en même temps. Sa’d ibn ‘Ubâda et son fils Qays ibn Sa’d étaient à la tête de la division arrivant par l’Est. Abu ‘Ubayda Amir ibn al-Jarrâh dirigeait celle qui arrivait par l’Ouest, et où se trouvait le Prophète (saws) lui même.

Az-Zubayr ibn al-‘Awwâm commandait les muhâjirûn et les ansâr arrivant par le Nord, où ils devaient dresser l’étendard des musulmans à al-Hajûn. Khâlid ibn al-Walîd avait, quant à lui, le commandement des forces entrant à La Mecque par le Sud. Tous les commandants avaient reçu l’ordre strict de ne pas commencer à se battre à moins d’être attaqués. Le Prophète (saws) tenait beaucoup à ne pas faire couler le sang à La Mecque, non seulement parce que c’était sa ville natale et celle de sa tribu, mais aussi parce que La Mecque était, comme elle l’est toujours, une ville sacrée où toutes les créatures devaient être en sécurité.

Ce dut être un grand moment pour tous les soldats de cette armée, en particulier pour ceux qui avaient embrassé l’Islam dès les premiers temps et avaient pris part à sa longue lutte depuis l’époque où les musulmans n’étaient qu’une poignée d’hommes que personne ne prenait au sérieux jusqu’à cette nouvelle ère de leur suprématie en Arabie. Sa’d ibn ‘Ubâda, le chef des ansâr, se trouvait dans cette situation. Au moment où il entrait à La Mecque à la tête d’une des quatre divisions de l’armée musulmane, il dut se rappeler cette époque de la longue lutte contre les Quraysh, qui faisaient tout ce qu’ils pouvaient pour éradiquer l’Islam.

Il dut se dire que le moment était venu de se venger de ceux qui avaient forcé le Prophète (saws) à chercher refuge hors de sa ville natale. Ceux qui n’avaient pas voulu écouter le Messager de Dieu (saws) qui les mettait en garde contre la colère divine et les appelait à embrasser la religion qui assurerait leur bonheur ici-bas et dans l’au-delà devraient maintenant s’apprêter à récolter les fruits de leurs mauvaises actions. Il s’écria donc : « Ceci est le jour du grand affrontement. Ceci est le jour où le sanctuaire [c’est-à-dire La Mecque] sera pris. »

Ces propos furent rapportés au Prophète (saws), qui craignit que Sa’d, emporté par la situation, ne se mette à tuer les Quraysh. Le Prophète (saws) tenait à éviter le plus possible de verser le sang : il remplaça donc Sa’d par son fils Qays ibn Sa’d à la tête de cette division. Les quatre divisions de l’armée musulmane pénétrèrent à La Mecque. Le Prophète (saws) lui-même était ému de la grande faveur que Dieu lui accordait.

Huit ans seulement auparavant, il avait dû fuir cette même ville, sa tête mise à prix. Maintenant, ses troupes entraient dans cette ville, la plus puissante d’Arabie, sans rencontrer la moindre résistance. Il inclina très bas la tête en y entrant. C’était la un acte sans parallèle dans l’Histoire : aucun conquérant ne pénétrerait dans la capitale de son ennemi en montrant une telle humilité. Les conquérants sont plutôt exaltés par leurs succès, ivres de pouvoir. Le Prophète (saws), en revanche, était conscient que ce succès était dû à la grâce divine. Il était donc très reconnaissant et manifestait sa gratitude.

Il s’inclina jusqu’à ce que sa tête touche presque le dos de sa chamelle, tout en récitant la sourate intitulée al-Fath, ou « La Victoire ». L’une des divisions de l’armée musulmane, dirigée par Khâlid ibn al-Walîd, fut attaquée par un groupe d’hommes de Quraysh qui pensaient qu’ils ne pouvaient pas laisser la ville tomber sans se battre. Khâlid fut obligé de riposter. Cependant, les Mecquois n’étaient pas assez forts pour s’opposer à sa division : plus de vingt hommes de Quraysh furent tués contre seulement deux soldats musulmans.

Quand le Prophète (saws) apprit cela, sa colère fut grande. Il dit : « N’avais-je pas clairement ordonné à toutes les unités de ne pas se battre ? » On lui répondit que Khâlid avait d’abord été attaqué par les Mecquois et qu’il avait dû riposter.

Le Prophète (saws) refusa de loger dans aucune maison de La Mecque. On lui dressa une tente à al-Hajûn. Quand l’autorité de l’armée musulmane fut totalement établie à La Mecque, le Prophète (saws) alla tout droit à la Ka’ba, monté sur sa chamelle. Arrivé là, il toucha la pierre noire avec un long bâton qu’il portait et dit en élevant la voix : «Allâhu akbar », c’est-à-dire : « Dieu est le plus Grand ». Les musulmans répétèrent ce qu’il disait, leurs voix résonnant dans toute La Mecque. Le Prophète (saws) commença son tawâf sur sa chamelle, touchant la Pierre Noire avec son bâton à chaque fois qu’il finissait un tour. Les sept tours terminés, il mit pied à terre et accomplit deux rak’ât de prière à la station d’Abraham, l’endroit où le prophète Abraham priait après avoir construit la Ka’ba.

Il alla ensuite au puits de Zamzam où il but de l’eau et refit ses ablutions. Les musulmans autour de lui rivalisaient pour récolter les gouttes d’eau tombant de son visage et de ses mains. Les Quraysh qui étaient présents étaient ébahis. Ils s’exclamèrent : « Jamais nous n’avons entendu parler d’un roi aussi aimé de ses sujets ! »

Le Prophète (saws) appela ensuite ‘Uthmân ibn Talha, qui gardait les clés de la Ka’ba. Ce dernier ouvrit la Ka’ba pour le Prophète (saws), qui y pénétra et y pria deux rak’àt. Cela fait, il se tint debout à la porte de la Ka’ba et prononça un long discours expliquant un certain nombre de règles. Il commença par louer Dieu pour Ses bienfaits :

Il n’y a pas d’autre divinité que Dieu, qui a accompli Sa promesse, soutenu Son serviteur et vaincu à Lui Seul les tribus coalisées. Aucune pratique de fierté ou de privilège, aucune vengeance, aucune prétention à aucun titre de propriété n’est valable, à part la charge de veiller sur la Ka’ba et d’approvisionner les pèlerins en eau. Gens de Quraysh, Dieu vous a retiré la fierté passionnée de l’ignorance qui vous faisait attacher tant de valeur et d’honneur à vos ancêtres et en être fiers. Tous les êtres humains sont les descendants d’Adam, et Adam a été créé de poussière.

Puis il récita le verset coranique :

« O hommes ! Nous vous avons créés d’un mâle et d’une femelle et Nous avons fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entre-connaissiez. Le plus noble d’entre vous, auprès d’Allah, est le plus pieux. Allah est certes Omniscient et Grand Connaisseur. »

(Coran : sourate 49, verset 13)

Il s’adressa ensuite aux Quraysh et leur demanda : « Quel genre de jugement pensez-vous que je vais prononcer à votre encontre ? » Ils répondirent : « Un jugement bienveillant. Tu es notre honorable frère et le fils de notre honorable frère. » Il dit alors : « Rentrez chez vous, vous êtes libres. » Alî, le cousin du Prophète (saws), vint le trouver avec la clé de la Ka’ba à la main et lui demanda : « Messager de Dieu, accorde-nous le privilège de veiller sur la Ka’ba en plus de notre charge actuelle d’approvisionner les pèlerins en eau. » Le Prophète (saws) refusa et appela ‘Uthmân ibn Talha ; il lui rendit sa clé en disant : « Ceci est un jour d’honnêteté, où les promesses sont honorées. »

Amnistie générale à quelques exceptions

L’amnistie accordée par le Prophète (saws) aux habitants de La Mecque était une amnistie générale s’étendant à tous ceux qui avaient combattu contre lui au cours des batailles ayant opposé les Quraysh aux musulmans. Avant d’entrer à La Mecque, le Prophète (saws) avait donné des ordres particuliers aux commandants des quatre divisions de tuer certains personnages qu’il mentionna expressément, même si on les trouvait cachés sous les draperies de la Ka’ba elle-même.

Il est bien connu que la Ka’ba est un sanctuaire au sein duquel aucun être humain ni aucun animal ne doit subir le moindre mal. Ces ordres donnés par le Prophète (saws) signifiaient donc que ces gens avaient commis certains crimes qui ne pouvaient pas être pardonnés. Même le caractère sacré de la Ka’ba ne pouvait retarder l’exécution de leur châtiment. Ces condamnés connurent toutefois des fins diverses.

L’un d’eux était Abdullâh ibn Khatal. Cet homme avait été musulman. Un jour, le Prophète (saws) l’avait envoyé collecter la zakât chez des gens qui vivaient loin. Il était parti en compagnie d’un autre homme et d’un de ses serviteurs qui était musulman. À un endroit, ils firent halte en chemin. Il ordonna au serviteur d’égorger une grosse chèvre et de préparer à manger pendant qu’il allait dormir. Quand il se réveilla, il s’aperçut que le serviteur n’avait rien fait. Il tua le serviteur puis, craignant la punition du Prophète (saws), retourna à l’idolâtrie.

Il possédait aussi deux filles esclaves qui avaient coutume de chanter pour lui et ses compagnons des chansons insultantes pour le Prophète (saws). Les instructions du Prophète (saws) précisaient que les deux esclaves devaient aussi être tuées. L’homme fut tué alors qu’il s’accrochait vraiment aux draperies de la Ka’ba. Abu Barza al-Aslamî et Sa’id ibn Murayth al-Makhzûmî le tuèrent avec une de ses esclaves. L’autre parvint à s’échapper et quelqu’un sollicita pour elle le pardon du Prophète (saws), que celui-ci accorda.

Al-Huwayrith ibn Nuqaydh ibn Wahb était aussi dans ce cas. Il avait fait tout son possible pour faire du mal au Prophète (saws) quand il était à La Mecque. En outre, certains récits relatent que lorsque al-‘Abbâs, l’oncle du Prophète (saws), avait emmené les filles de ce dernier, Fâtima et Umm Kulthûm, rejoindre leur père peu après son émigration à Médine, cet homme avait délibérément fait sauter le chameau qu’elles montaient, les faisant tomber. Ce fut Alî ibn Abî Tâlib qui le tua.

Un autre condamné était Miqyas ibn Hubâba, dont le frère, Hishâm, avait été tué lors de l’expédition contre la tribu des al-Mustalaq par un soldat musulman qui l’avait pris pour un idolâtre. Miqyas était venu à Médine en faisant semblant d’être musulman et avait demandé qu’on lui paie le prix du sang pour le meurtre accidentel de son frère. Une fois payé, il avait agressé l’homme qui avait tué son frère et l’avait tué. Puis il était retourné vivre en idolâtre à La Mecque. Quand le Prophète (saws) le nomma parmi ceux qui ne seraient pas pardonnés, il fut tué alors qu’il passait entre les deux collines d’as-Safâ et al-Marwâ.

Un autre encore fut Abdullâh ibn Sa’d ibn Abî Sarh, qui avait embrassé l’Islam et avait été employé par le Prophète (saws) pour écrire les versets du Coran au fur et à mesure de leur révélation. Il s’était ensuite détourné de l’Islam et était parti à La Mecque vivre en idolâtre. Quand il comprit qu’il avait été cité par le Prophète (saws) parmi les condamnés à mort, il chercha refuge dans la maison de ‘Uthmân ibn ‘Affân, qui était son frère de lait. Lorsque le Prophète (saws) appela les habitants de La Mecque à embrasser l’Islam et à lui prêter serment d’allégeance, ‘Uthmân amena ‘Abdullâh ibn Sa’d au Prophète (saws) et lui demanda d’accepter le serment d’allégeance de Abdullâh. Il a été relaté que le Prophète (saws) leva les yeux vers lui sans accepter le serment de Abdullâh. Il fut répété trois fois, et le Prophète (saws) finit par l’accepter.

Quand l’homme fut parti avec ‘Uthmân, le Prophète (saws) aurait demandé à ceux qui l’entouraient : « N’y avait-il pas parmi vous quelqu’un d’assez sage pour tuer cet homme quand vous avez vu que je n’acceptais pas son serment d’allégeance ? » Ils répondirent : « Comment pouvions-nous être sûrs de ce que tu avais à l’esprit sans que tu ne nous donnes un signal du regard ? » Le Prophète répliqua : « Un prophète n’a pas à donner de tels signaux. » Abdullâh ibn Sa’d devint toutefois un bon musulman et fut chargé de quelques missions par ‘Umar. Durant le califat de ‘Uthmân, il fit partie des commandants des forces musulmanes parties conquérir l’Afrique du Nord.

Une femme nommée Sarah, qui avait fait beaucoup de mal au Prophète (saws) quand il vivait à La Mecque, figurait également parmi les condamnés. Cependant, certaines personnes sollicitèrent un pardon spécial pour elle et le Prophète (saws) l’accorda. Elle vécut jusqu’à l’époque de ‘Umar ibn al-Khattâb, où elle mourut en tombant de sa monture.

‘Ikrima ibn Abî Jahl figurait aussi sur la liste de ceux qu’il fallait tuer. Le père de ‘Ikrima avait été le pire ennemi de l’Islam depuis les tout premiers temps. Abu Jahl avait déployé tous ses efforts pour nuire à la cause de l’Islam jusqu’à sa mort lors de la bataille de Badr. Son fils, ‘Ikrima, était un des principaux notables de Quraysh et continuait à se montrer très hostile au message du Prophète (saws). Quand l’armée musulmane entra à La Mecque, il s’enfuit au Yémen. Son épouse, Umm Hakîm bint al-Hârith, devint musulmane.

Elle alla trouver le Prophète (saws) et lui demanda de pardonner ‘Ikrima et de lui accorder la sécurité : il accorda son pardon. Elle rejoignit alors son époux au Yémen et le ramena auprès du Prophète (saws), après quoi il devint lui aussi musulman. Selon un récit, lorsque ‘Ikrima prit la fuite, il parvint à embarquer sur un bateau. Le bateau rencontra bientôt une tempête et menaça de chavirer. Tous les passagers étaient conscients qu’ils ne pouvaient rien faire pour sauver leur vie, sinon implorer le secours de Dieu. Certains dirent aux autres : « Purifiez vos coeur des idées fausses. Vos idoles ne peuvent vous être d’aucun secours dans cette situation. »

‘Ikrima se dit : « Si seule une foi pure peut me sauver en mer, rien d’autre ne pourra me sauver sur terre. » Puis il fit ce voeu : « Seigneur, je Te jure que si Tu me sauves de ce qui m’arrive maintenant, j’irai trouver Muhammad et je placerai ma main dans la sienne : je le trouverai certainement plein de bienveillance et de pardon. » Il survécut à l’épreuve, alla trouver le Prophète (saws) et se déclara musulman. ‘Ikrima était sûrement sincère en faisant ce voeu. Par la suite, il fit tout ce qui était en son pouvoir pour promouvoir la cause de l’Islam. Il fut l’un des commandants envoyés par Abu Bakr pour combattre ceux qui s’étaient rebellés contre l’État musulman. Il combattit pour l’Islam, bataille après bataille, pour compenser son hostilité à l’Islam avant la chute de La Mecque.

Umm Hâni’ était une cousine du Prophète (saws). Elle était la fille de son oncle Abu Tâlib et l’épouse de Hubayra ibn Abî Wahb du clan des Makhzûm. Elle a relaté que comme le Prophète (saws) campait aux abords de La Mecque, deux hommes parents de son époux avaient cherché refuge dans sa maison : al-Hârith ibn Hishâm et Zuhayr ibn Abî Umayya. Son frère Alî les suivit jusque chez elle, menaçant de les tuer. Elle les enferma à clé et alla trouver le Prophète (saws) dans son camp. Elle le trouva en train d’effectuer la grande ablution (de prendre une douche) en utilisant l’eau d’un récipient où se trouvaient des traces de pâte à pain. Sa fille Fâtima tenait son vêtement étendu pour le protéger des regards.

Quand il eut fini de se laver, il prit le vêtement et s’en couvrit. Puis il accomplit huit rak’ât de prière en s’interrompant toutes les deux rak’ât. Selon Umm Hâni’, c’était le milieu de la matinée et ses prières furent très brèves. Lorsqu’il eut fini de prier, il accueillit Umm Hâni et lui demanda si elle désirait quelque chose. Elle lui parla des deux hommes et lui dit qu’elle les avait pris sous sa protection. Il répondit : « Nous protégerons ceux que tu as pris sous ta protection et nous assurerons leur sécurité comme tu leur as promis la sécurité. Il [Alî] ne doit pas les tuer. »

Les savants divergent quant aux prières accomplies par le Prophète (saws) à ce moment-là. Beaucoup pensent qu’il s’agissait de la prière surérogatoire du milieu de la matinée qu’on appelle duhâ. Il est peut-être plus juste de dire qu’il s’agissait de la prière surérogatoire de la victoire. Nous possédons également un certain nombre de récits décrivant ce que le Prophète (saws) fit lorsqu’il alla accomplir le tawâf à la Ka’ba.

Un récit suggère que lorsqu’il entra à la Ka’ba, il y trouva de nombreuses images représentant des anges et une autre montrant Abraham en train de tirer au sort. Le Prophète (saws) dit alors, en parlant des négateurs : « Maudits soient-ils, ils ont représenté notre grand homme en train de tirer au sort. Pourquoi tirerait-il au sort ? »

Puis il récita le verset coranique :

« Abraham n’était ni Juif ni Chrétien. Il était entièrement soumis à Allah (Musulman). Et il n’était point du nombre des associateurs. »

(Coran : sourate 3, verset 67)

Le Prophète (saws) ordonna ensuite qu’on efface toutes ces images. Un autre récit avance que le Prophète (saws) fit supprimer les images avant d’entrer dans la Ka’ba : ‘Umar les effaça avec un vêtement mouillé, et lorsque le Prophète (saws) entra dans la Ka’ba, il n’en restait aucune.

Un récit relate que lorsque le Prophète (saws) entra à La Mecque, il se trouvait dans la Ka’ba et autour de trois cent soixante idoles. Il tenait un bâton à la main et le dirigea vers ces idoles. S’il touchait le dos d’une idole de son bâton, elle tombait face contre terre ; s’il en touchait le devant de son bâton, elle tombait sur le dos. Le Prophète ne cessait de répéter : « Voici que la vérité est venue et que l’erreur a disparu ! Certes, l’erreur est vouée à disparaître.»

Ces récits mis ensemble confirment que la principale préoccupation du Prophète (saws) en entrant à La Mecque fut de faire disparaître tous les signes de l’idolâtrie et de les remplacer par les signes du monothéisme pur, c’est-à-dire le culte de Dieu Seul.

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