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EPISODE 20

Prélude à l’hégire

Histoire de le dernière révélation !

Le contenu qui suit n’est proposé qu’à titre purement indicatif et n’engage que son auteur. Pour plus d’informations, n’hésitez pas à vous rapprocher de votre mosquée locale.

Nous nous plaçons sous la protection d’Allah (Exalté soit-Il) pour la réussite de nos œuvres et demandons Son Pardon pour les erreurs émanant de nos âmes.

Fraternellement vôtre… Bilal Muezzin !

Résumé :

Après plusieurs échecs rencontrés lors des tentatives successives d’alliances avec des tribus non Mecquoises venues en pèlerinage, le Prophète Mohammed (paix et prière d’Allah sur lui) entre en contact avec plusieurs hommes en provenance de la ville de Médine qui montrent un intérêt prononcé pour son Message, tant et si bien que rapidement, toute la ville ne parle que de cela.

Une rivalité ancienne existant entre les deux principales tribus Médinoises (les Aws et les Khazraj) le Prophète (paix et prière d’Allah sur lui) réconcilie les deux parties sous l’égide de l’Islam et conclu un pacte avec eux dans un endroit nommé Aqaba. Les nouveaux Musulmans Médinois prennent le nom « d’Ansar » (les auxiliaires)…

HISTOIRE :

Premiers contacts avec les Médinois

En examinant sa situation à La Mecque, le Prophète (saws) pouvait constater que, dans sa propre ville, la situation était bloquée. Malgré l’arrivée périodique de nouveaux adeptes, une avancée majeure semblait aussi peu probable que jamais. Les attitudes s’étaient durcies et les loyautés tribales, profondément ancrées, constituaient un obstacle empêchant toutes les personnes qui auraient pu penser clairement d’évaluer la prédication de Muhammad de manière rationnelle et objective.

La seule alternative était donc d’avancer ailleurs qu’à La Mecque. L’émigration en Abyssinie et le voyage à Tâ’if peuvent être considérés comme des pas dans cette direction, bien que leurs objectifs immédiats aient été très différents. En outre, le Prophète (saws) essayait toujours de tirer parti de la saison du pèlerinage, en établissant des contacts avec les pèlerins pour leur expliquer les principes fondamentaux de l’Islam et les inviter à en transmettre le message à leurs contribules.

Certains de ces pèlerins réagissaient favorablement, mais ils restaient trop peu nombreux pour pouvoir faire évoluer la situation générale des musulmans. De fait, la saison du pèlerinage semblait offrir les meilleures chances pour transmettre le message de l’Islam au-delà des limites de La Mecque. Lorsque la prochaine saison de pèlerinage arriva, le Prophète (saws) commença à mettre en oeuvre sa nouvelle approche. Le pèlerinage à La Mecque se produisait tous les ans depuis qu’Abraham avait édifié la Ka’ba sur ordre de Dieu Lui même.

Mise à profit de la saison du pèlerinage

Le Prophète (saws) se mit à prendre contact avec les pèlerins des principales tribus d’Arabie. Ceux-ci formaient naturellement leurs propres groupes et restaient ensemble durant leur séjour dans la région de La Mecque et de Arafat. Le Prophète (saws) alla trouver les pèlerins de chaque tribu, s’adressant à eux en tant que groupe. Il leur expliquait qu’il était un messager de Dieu, chargé d’inviter les gens à n’adorer que Lui et à abandonner toute autre forme de culte. Le Prophète (saws) demandait aussi à chaque tribu qu’il contactait de lui accorder sa protection afin qu’il puisse transmettre son message à l’humanité.

Auparavant, le Prophète (saws) s’était contenté d’aborder les pèlerins individuellement dans l’espoir de gagner de nouveaux adeptes. Désormais, il s’adressait aux tribus, recherchant ainsi une alliance qui lui apporterait la liberté d’action. Bien entendu, les Quraysh, contrariés même par les quelques progrès que le Prophète (saws) avait pu faire grâce à ses précédents contacts avec les pèlerins, ne pouvaient pas rester inactifs maintenant que ces contacts prenaient une forme collective.

Son propre oncle Abu Lahab, qui avait toujours été un ennemi acharné de l’Islam, entreprit d’organiser une contre-offensive afin de dissuader les gens d’écouter Muhammad (saws). Le récit qui va suivre est celui de Rabî’a ibn Abbâd, membre des Dîl, une branche importante de la tribu de Kinâna :

J’étais adolescent et j’accompagnais mon père à Mina [où les pèlerins campent après Arafat] lorsque je vis le Messager de Dieu venir rendre visite aux tribus arabes dans leurs campements. Il s’adressa à chaque tribu par son nom en disant : « Je suis le Messager que Dieu vous a envoyé. Il vous ordonne de n’adorer que Lui et de ne Lui attribuer aucun associé. Il vous ordonne aussi d’abandonner toutes ces idoles que vous adorez à Sa place, de croire en moi, d’accepter mes paroles et de me protéger afin que je puisse transmettre le message que Dieu m’a confié. »

Derrière lui se tenait un homme au teint brillant qui louchait ; ses cheveux étaient partagés en deux nattes et il portait un vêtement d’Aden. Lorsque le Messager de Dieu eut terminé ce qu’il avait à dire, l’autre homme s’adressa à chaque tribu par son nom en disant : « Ce que cet homme vous demande, c’est d’abandonner al-Lât et al-‘Uzzâ [leurs deux principales idoles] et d’abandonner vos alliés parmi les djinns, pour suivre ses divagations. Ne l’écoutez jamais et ne lui obéissez jamais. » Je demandai à mon père qui était cet homme qui contredisait le Prophète, et il me répondit que c’était son oncle, Abu Lahab.

Les Quraysh s’opposèrent de toutes leurs forces aux efforts du Prophète (saws) pour gagner l’appui des autres tribus. Il continua néanmoins à présenter son message à toutes les tribus susceptibles de lui fournir la protection dont il avait besoin pour poursuivre sa tâche. Cela revenait à s’opposer aux Quraysh et, à terme, à leur faire la guerre. Il n’est donc pas étonnant que la proposition du Prophète (saws) n’ait guère suscité d’enthousiasme chez les tribus arabes.

La délégation de Kinda, conduite par un nommé Mulayh, opposa au Prophète (saws) un refus catégorique, et elle ne fut pas la seule. La tribu des Banû Amir ibn Sa’sa’a fut tout d’abord moins négative. L’un de ses membres, Bayhara ibn Firâs, dit à ses contribules : « Si je prends cet homme de Quraysh, je pourrai grâce à lui soumettre le reste de l’Arabie. » Il s’adressa alors au Prophète (saws) pour lui demander : « Si nous acceptons ta prédication et t’accordons le soutien dont tu as besoin, et si ensuite, par la volonté de Dieu, tu as la victoire, aurons-nous le pouvoir après toi ? » Le Prophète répondit : « Le pouvoir appartient à Dieu. C’est Lui qui le donne à qui Il veut. » L’homme dit alors : « Devrions-nous combattre toute l’Arabie pour te soutenir et, une fois la victoire obtenue, laisser le pouvoir à d’autres ? Nous ne traiterons pas avec toi. »

De retour chez eux, les membres de la délégation relatèrent aux aînés les événements de leur voyage, comme cela se faisait habituellement. Lorsqu’ils parlèrent de leur rencontre avec le Prophète (saws) et de la réponse qu’ils lui avaient donnée, un vieillard très respecté parmi eux leva la main et dit : « N’y a-t-il pas moyen de rectifier cette erreur ? Par Celui qui détient mon âme en Son pouvoir, aucun Ismaélite n’a jamais proféré de mensonge de cet ordre. L’homme est réellement un prophète. Où aviez-vous laissé votre raison quand vous l’avez rencontré ? » Cependant, l’affaire n’aboutit à rien.

La tribu des Banû Hanîfa, par contre, repoussa très brutalement le Prophète (saws). Les Banû Kalb le rejetèrent également.

Contacts Individuels

Le Prophète (saws) ne se contenta pas néanmoins d’établir des contacts avec les délégations d’autres tribus. Chaque fois qu’il apprenait l’arrivée à La Mecque d’un homme jouissant d’une position éminente parmi les siens, il prenait contact avec lui et lui expliquait l’Islam. En pareil cas, il ne demandait pas de protection : il ne
demandait cela que lorsqu’il s’adressait collectivement à une tribu.

L’un de ces hommes fut Suwayd ibn as-Sâmit de Médine. Lorsque le Prophète (saws) lui parla, il répondit : « Tu as peut-être quelque chose de semblable à ce que j’ai. » Lorsque, à la demande du Prophète (saws), il cita quelques passages d’un livre qu’il appela « l’écrit de Luqmân », le Prophète dit : « Voilà de belles paroles, mais ce que j’ai est mieux encore. » Il lui récita alors un passage du Coran et l’invita à devenir musulman. Suwayd ne fit pas d’autre réponse que : « Ce que tu as récité est certes excellent. » Cependant, il fut tué peu après être rentré chez lui. Selon ses proches, il serait effectivement devenu musulman avant sa mort.

Un autre groupe de Médinois, conduit par un homme appelé Abu al-Haysar Anas ibn Rafi’, arriva à La Mecque pour rechercher une alliance avec les Quraysh contre la tribu médinoise de Khazraj. Le Prophète (saws) alla trouver ces gens et leur dit : « Je peux vous proposer mieux que ce que vous êtes venus chercher. » En réponse à leurs questions, il poursuivit : « Je suis le Messager de Dieu aux hommes. Je les appelle à n’adorer que Dieu, sans rien Lui associer. Il m’a révélé Son Livre contenant Son message. » Il expliqua ensuite les principes de l’Islam et récita un passage du Coran. Un membre du groupe, un tout jeune homme appelé lyâs, s’exclama : « Par Dieu, voilà qui est mieux que ce que nous sommes venus chercher ! » Le chef, Abu al-Haysar, prit une poignée de sable et la jeta à la figure d’Iyâs en disant : « Laisse-nous tranquilles. Nous sommes venus ici dans un autre but. »

Le Prophète (saws) partit. Peu après leur retour, la bataille de Bu’âth éclata entre les deux tribus arabes de Médine, les Aws et les Khazraj. Iyâs ne tarda pas à mourir, et ceux qui assistèrent à sa mort relatèrent ensuite qu’il glorifia et loua Dieu jusqu’à son dernier souffle : ils étaient certains qu’il était mort musulman.

Des cas comme ceux de Suwayd ou d’Iyâs étaient des signes encourageants pour le Prophète (saws). Un autre signe encore plus encourageant fut le cas d’at-Tufayl ibn ‘Amr, un chef de la tribu des Daws. Lorsqu’il arriva à La Mecque pour accomplir le pèlerinage, les notables de Quraysh ne manquèrent pas de le mettre en garde contre le Prophète (saws). Ils allèrent jusqu’à insister pour qu’il ne rencontre pas le Prophète (saws) et n’écoute pas ce qu’il avait à dire. At-Tufayl a relaté :

Ils continuèrent à exercer une telle pression sur moi que je pris la résolution de ne jamais écouter ce qu’il pourrait dire, ni même lui parler. Lorsque j’allai à la mosquée le lendemain matin, je mis du coton dans mes oreilles afin de ne pas entendre accidentellement ses paroles. Je ne voulais pas l’écouter. Cependant, il priait non loin de moi lorsque j’étais dans la Mosquée Sacrée, et Dieu voulut que j’entende ses paroles. Je reconnus que ce qu’il disait était assurément bon. Je me dis : « Comme je suis dans l’erreur ! Par Dieu, je suis un bon poète, capable de distinguer les bonnes paroles des mauvaises. Qu’est-ce qui m’empêche d’écouter cet homme et de juger ce qu’il dit ? Si c’est bon, je l’accepterai et si c’est mauvais, je le rejetterai. »

J’attendis que le Messager de Dieu rentre chez lui et je le suivis. Je lui dis : « Muhammad, tes concitoyens m’ont dit ceci et cela, et ont tellement insisté pour que je ne t’écoute pas que j’ai fermé mes oreilles à tes paroles. Pourtant, Dieu a voulu que j’entende ce que tu disais, et je l’ai trouvé bon. Peux-tu m’expliquer ton message ? » Le Prophète me parla de l’Islam, m’en expliqua les principes et me récita un passage du Coran. Par Dieu, je n’avais jamais rien entendu d’aussi beau. J’embrassai immédiatement l’Islam et je déclarai ma foi en l’unicité de Dieu et la prophétie de Muhammad.

Lorsque at-Tufayl arriva chez sa tribu, son père, un homme âgé, vint l’accueillir ; mais at-Tufayl lui dit qu’ils n’avaient plus rien en commun car il était désormais musulman et suivait la religion du Prophète Muhammad (saws). Son père déclara alors qu’il suivrait la même religion. At-Tufayl lui dit d’aller prendre un bain et de laver ses vêtements. Lorsqu’il l’eut fait, il lui expliqua les principes de l’Islam : son père devint ainsi musulman.

At-Tufayl agit de même avec son épouse, qui fut elle aussi prête à adopter l’Islam dès qu’on lui en expliqua les principes. Puis il commença à appeler ses contribules à l’Islam, mais ceux-ci n’étaient pas prêts à répondre à son appel. Quelque temps après, découragé, il alla trouver le Prophète (saws) pour se plaindre de son manque de succès. Il suggéra au Prophète (saws) de les maudire. Au lieu de cela, le Prophète (saws) implora Dieu de les guider et recommanda à at-Tufayl de retourner parmi eux et de les inviter en douceur à embrasser l’Islam.

Il retourna donc parmi les siens et suivit les recommandations du Prophète (saws). Il ne revit le Prophète (saws) que plusieurs années plus tard, après la bataille du fossé. Il le rejoignit en compagnie d’environ quatre-vingts familles de sa tribu qui avaient embrassé l’Islam. Ils participèrent à la bataille de Khaybar avec le Prophète (saws) et celui-ci leur donna des parts du butin de cette expédition.

Les habitants de Médine

La ville de Yathrib, aujourd’hui Médine (ce qui signifie « la cité »), était habitée à l’époque du Prophète (saws) par deux importantes tribus arabes, les Aws et les Khazraj. L’histoire de ces deux tribus était marquée par des conflits sanglants qui épuisaient leurs forces. La dernière bataille les opposant, celle de Bu’âth, avait eu lieu environ deux ans avant les événements que nous relatons à présent.

Une importante communauté juive vivait à Médine depuis fort longtemps. Les historiens relatent également que les tribus juives étaient venues à Médine parce que leurs écritures mentionnaient ce lieu comme celui où le dernier messager de Dieu viendrait s’établir.

Comme les autres tribus arabes, les Aws et les Khazraj étaient idolâtres. Comme tous les Arabes, ils vénéraient la Ka’ba et pratiquaient le pèlerinage. Lors d’une saison du pèlerinage, après que le Prophète (saws) avait adopté sa nouvelle stratégie consistant à aborder les diverses tribus arabes pour rechercher leur protection dans l’accomplissement de sa mission, un groupe de six hommes de la tribu des Khazraj accomplissait le pèlerinage. Le Prophète (saws) les rencontra à un endroit appelé Aqaba, à Mina, où les pèlerins campent pendant trois jours. Lorsqu’ils dirent au Prophète (saws) qui ils étaient et qu’il sut qu’ils étaient les voisins des juifs, il entreprit de leur expliquer son message.

Ils éraient prêts à écouter ce qu’il avait à dire. Le Prophète (saws) leur exposa les principes de son message et leur récita un passage du Coran. Il les invita à croire en Dieu en tant qu’unique divinité digne d’adoration. Certains d’entre eux dirent alors aux autres : « Vous pouvez être sûrs qu’il est le Prophète dont les juifs ne cessent de nous menacer. Ne les laissons pas être les premiers à le suivre. »

Cela toucha, semble-t-il, une corde sensible. Les Arabes de Médine avaient du respect pour la religion juive. Ils reconnaissaient que leurs propres croyances païennes ne pouvaient être comparées à la religion monothéiste des juifs, qui affirmaient posséder une meilleure connaissance de Dieu et des hommes. Chaque fois qu’une querelle opposait les médinois arabes et juifs, ces derniers disaient : « Bientôt un nouveau messager sera envoyé par Dieu. Nous le suivrons et vous serez tous tués comme l’ont été les peuples de Ad et Iram. »

Les six membres des Khazraj n’hésitèrent pas à adhérer aux paroles du Prophète (saws). Il s’agissait d’As’ad ibn Zurâra, Awf ibn al-Hârith, Rafî’ ibn Mâlik, Qutba ibn Amir ibn Hadîda, ‘Uqba ibn Amir ibn Zayd et Jâbir ibn Abdullâh ibn Ri’âb. Ils déclarèrent croire en Dieu et au message de Muhammad. Ils dirent aussi au Prophète (saws) : « Nous avons laissé nos concitoyens dans un état d’hostilité mutuelle sans précédent. Puisse Dieu faire de toi la cause de leur unité. Nous allons les inviter à te suivre et leur expliquer ta religion que nous avons adoptée. Si Dieu les unit derrière toi, tu jouiras parmi eux du plus grand prestige. »

Le Prophète (saws) avait ainsi six émissaires s’activant à transmettre son message à leurs concitoyens. Ils furent, semble-t-il, très efficaces : bientôt la ville entière ne parlait plus que du Prophète (saws) et de sa prédication. Beaucoup devinrent musulmans grâce aux efforts de ces six hommes.

Il était clair que Médine était le milieu le plus propice à l’expansion de l’Islam. D’une part, on n’y trouvait pas les sentiments hostiles qui existaient à La Mecque : l’Islam, avec sa logique claire et simple, pouvait donc exercer son attrait sur les habitants. D’autre part, le concept de monothéisme était particulièrement attrayant pour les Arabes de Médine en raison de leur respect pour la religion juive. Même si les tribus juives de Médine se comportaient avec les Arabes de manière condescendante et leur faisaient sentir que le judaïsme était une religion réservée à une élite.

En outre, les tribus arabes ennemies de Médine aspiraient à la paix. Il n’était pas facile aux Aws et aux Khazraj de se réconcilier de manière durable sans un catalyseur puissant. Il est clair, d’après ce que les six hommes dirent au Prophète (saws), qu’ils espéraient que ce dernier serait ce catalyseur de paix et d’unité. Avec les progrès rapides accomplis par l’Islam à Médine (ou Yathrib), les nouveaux adeptes avaient hâte de rencontrer le Prophète (saws).

Le moment propice à cette rencontre était bien évidemment la prochaine saison de pèlerinage, où six autres hommes se joignirent aux six premiers pour rencontrer le Prophète (saws) à Aqaba. Le Prophète (saws) fut enchanté de l’enthousiasme montré par cette délégation pour la cause de l’Islam. Ces hommes étaient prêts à mettre tous leurs efforts au service de leur nouvelle foi. Cependant, le Prophète (saws) ne leur demanda pas à ce moment de protection comme il le faisait avec les autres tribus.

En homme d’État avisé, il avait compris qu’un tel engagement arriverait en temps voulu, sans qu’il ait besoin de le demander. La nécessité immédiate était de consolider la nouvelle base de Médine. Le Prophète (saws) contracta donc un pacte avec les douze hommes, dont dix appartenaient aux Khazraj et deux aux Aws. Selon ce pacte, les douze hommes s’engageaient à « n’adorer aucune autre divinité que Dieu, ne commettre ni vol, ni adultère, ni infanticide, ne pas proférer de mensonge de leur invention et ne jamais désobéir au Prophète en ce qui était juste et raisonnable. »

Ce pacte fut plus tard connu sous le nom de « pacte des femmes », car ses termes s’appliquèrent ensuite uniquement aux femmes, les hommes devant alors s’engager aussi à combattre les ennemis de l’Islam. Ce pacte de soutien était une avancée considérable dans l’histoire de l’Islam. Il ne comportait aucune stipulation d’ordre militaire. Bien que le Prophète (saws) ait été conscient que les Quraysh ne laisseraient pas l’islam se développer librement en Arabie sans tenter de l’étouffer par tous les moyens possibles, une telle confrontation n’était pas encore imminente.

Le Prophète (saws) envoya Mus’ab ibn ‘Umayr à Médine avec ses nouveaux adeptes. Il avait pour mission d’enseigner la religion aux nouveaux musulmans de Médine et de leur apprendre le Coran et tout ce qu’ils devaient savoir de l’Islam. Il devait aussi inviter les gens à embrasser l’Islam. Il dirigeait également la prière des musulmans de Médine. Comme le souvenir des dernières batailles entre les deux tribus des Aws et des Khazraj était encore frais dans leur esprit, les deux groupes avaient du mal à admettre qu’un membre de l’autre tribu puisse diriger leur prière.

Mus’ab ibn ‘Umayr était un partisan dévoué et possédait le tempérament adéquat pour se mêler à des étrangers et les inviter à adopter l’Islam comme religion et comme mode de vie. Il devait évaluer la situation dans son ensemble et la faisabilité d’un exode des musulmans mecquois à Médine.

Mus’ab demeurait chez As’ad ibn Zurâra, un membre des Khazraj possédant des parents proches parmi les Aws. As’ad lui fournissait toutes les informations dont il avait besoin au sujet des habitants de Médine. Un exemple des réalisations majeures de leurs efforts conjoints suffira peut-être à l’illustrer.

Un jour, As’ad emmena Mus’ab à un verger appartenant au clan de Abd al- Ashhal, une branche de la tribu des Aws. Quelques musulmans les y rejoignirent. Sa’d ibn Mu’adh et Usayd ibn Hudayr, les deux principaux personnages de ce clan, demeuraient attachés au paganisme arabe. Lorsqu’il apprit la présence d’As’ad et Mus’ab, Sa’d dit à Usayd : « Va trouver ces deux hommes qui sont venus ici pour diffuser leurs idées auprès des gens simples et dis-leur de ne plus revenir chez nous. Si As’ad n’avait pas été mon cousin, je t’aurais épargné cette tâche. Mais vu les circonstances, je serais gêné de le chasser moi-même. »

Tandis qu’Usayd s’approchait, As’ad dit à Mus’ab : « Cet homme est le chef de son clan. Fais un effort sincère avec lui. » Mus’ab répondit : « J’essaierai assurément, s’il accepte de s’asseoir avec nous. » Usayd exprima, d’un ton rude, son refus de les laisser tenter de convaincre les gens « simples ». Il ajouta une menace : « Tenez-vous loin de nous si vous tenez à votre sécurité. » Mus’ab répondit : « Veux-tu t’asseoir avec nous et écouter ce que nous avons à dire ? Si tu trouves cela raisonnable, tu l’accepteras ; sinon, nous ne t’ennuierons plus. » Usayd dit : «Voilà qui est juste. »

Lorsque Mus’ab expliqua les principes fondamentaux de l’Islam et récita un passage du Coran, le visage d’Usayd se mit à briller d’admiration. Quand Mus’ab eut fini, il lui dit : « Ce sont là de belles paroles. Que faut-il faire lorsqu’on veut embrasser cette religion ? » Mus’ab le lui expliqua et Usayd effectua immédiatement l’ablution nécessaire et déclara qu’il croyait que Dieu est unique et que Muhammad (saws) est Son Prophète.

Puis Usayd dit : « Je vais t’envoyer un homme que tous ses contribules suivraient s’il décidait de se joindre à toi. C’est Sa’d ibn Mu’âdh. » Comme Usayd s’approchait de Sa’d, celui-ci remarqua le grand changement survenu dans son expression. Usayd lui dit qu’il n’avait pas trouvé les deux hommes en train de faire quelque chose de mal. Il ajouta qu’un autre clan complotait de tuer As’ad afin d’atteindre Sa’d lui-même.

Irrité, Sa’d rétorqua : « J’irai moi-même leur dire de rester loin de nous. » En s’approchant d’eux, il comprit soudain qu’Usayd désirait qu’il leur parle. Il les aborda cependant avec des paroles rudes. Mus’ab lui fit la même réponse qu’il avait faite plus tôt à Usayd. Sa’d s’assit donc pour écouter tandis que Mus’ab expliquait les principes fondamentaux de l’Islam.

Mus’ab et As’ad comprirent que la partie était gagnée avant qu’il ne prononce un mot : l’expression de son visage tandis qu’il écoutait le Coran était suffisamment éloquente. Quand Mus’ab eut fini, Sa’d déclara sa conversion à l’Islam. Lorsqu’il retourna auprès des siens et qu’Usayd le rejoignit, il sut exactement quelle attitude adopter. Il dit simplement à ses contribules : « Quelle est votre opinion au sujet de moi ? » Ils répondirent : « Tu es notre maître et le plus sage de nos hommes. » « Alors écoutez-moi bien, poursuivit-il. Je m’interdis toute communication avec vous tous, hommes et femmes, tant que vous n’aurez pas cru en Dieu et Son Prophète . » Le soir même, tous les hommes et toutes les femmes du clan de Abd al-Ashhal devinrent musulmans.

Il va sans dire que les nouveaux adeptes de Médine montraient beaucoup d’enthousiasme pour leur nouvelle religion. Ils se rendaient compte qu’en tant que croyants en l’unicité divine, ils entamaient une nouvelle étape de leur histoire où la foi serait le principal moteur. Ils avaient une mission à accomplir. Leur priorité immédiate était de recruter de nouveaux adeptes afin de consolider la base de la nouvelle religion. Ils prêchaient donc très activement le message de l’Islam. Ils s’efforçaient particulièrement de gagner de nouveaux adeptes parmi les gens qui jouissaient de respect et d’influence auprès des leurs. C’était le cas de Amr ibn al-Jamûh, du clan de Salama.

Quelques jeunes musulmans de son clan étaient désireux de persuader Amr de se joindre à eux, mais c’était un vieillard à qui il ne serait pas facile de répondre à un appel impliquant un changement radical de son mode de vie. Les jeunes gens de Salama comprirent qu’ils devraient trouver le moyen de mettre Amr face au fait que l’Islam était une bien meilleure religion que des croyances idolâtres. Comme nous l’avons déjà dit, le culte des idoles était la religion reconnue dans toute l’Arabie.

Les gens ne réfléchissaient pas au fait que leurs idoles, qui étaient faites de pierre, de bois, d’or ou d’autres matières, ne pouvaient leur procurer ni bien ni avantage. Selon la tradition des notables d’Arabie, Amr avait sa propre idole personnelle, qui était faite de bois. Il gardait son idole chez lui, où il la vénérait et lui vouait un culte. Les jeunes gens de Salama décidèrent de prendre pour cible l’idole de Amr. Pendant que Amr dormait, ils entrèrent chez lui, prirent l’idole et la jetèrent dans un trou plein d’immondices. Au matin, quand ‘Amr se réveilla et constata la perte de son idole, il commença à la chercher. Il sortit l’idole du trou où on l’avait jetée, la nettoya et la parfuma puis la remit à sa place. La même chose se reproduisit jour après jour.

Amr était irrité mais ne savait que faire. Il présenta ses excuses à l’idole : « Si je savais qui t’a fait cela, je le punirais sévèrement. » Au bout de quelques jours, juste avant de s’endormir, ‘Amr prit son sabre et le donna à l’idole ; plaçant la bandoulière autour du cou de l’idole, il lui dit : « Je ne sais pas qui te maltraite la nuit. Si tu peux t’être utile à toi-même, défends-toi contre tes agresseurs. Tu as le sabre maintenant. » Cette nuit-là, quand les jeunes gens de Salama virent le sabre avec l’idole, ils prirent l’idole, l’attachèrent à un chien mort et jetèrent le tout dans un puits désaffecté où les gens jetaient leurs détritus.

Le matin venu, Amr chercha son idole. Lorsqu’il la trouva après l’avoir longtemps cherchée, il fut choqué par ce qu’il vit. Son fils et les autres jeunes gens qui avaient fait subir ce traitement à son idole lui parlèrent alors, lui faisant remarquer que si l’idole ne pouvait pas se protéger elle-même, elle ne pouvait être utile à personne. Lorsqu’ils expliquèrent à Amr le message de l’Islam, il l’accepta sans hésiter. Il composa quelques vers admirables décrivant l’idole et son inutilité. Il remercia aussi Dieu de lui avoir permis de voir la vérité de l’Islam.

Mus’ab ibn ‘Umayr, l’émissaire du Prophète (saws) à Médine, retourna à La Mecque peu de temps avant la prochaine saison du pèlerinage. Il apporta au Prophète (saws) la bonne nouvelle que pratiquement toutes les familles de Médine comptaient au moins un musulman parmi leurs membres. Il donna également des détails sur la composition de la population de la ville.

Le contexte Médinois

Le rapport de Mus’ab fut examiné avec attention afin de décider si Médine était un bon endroit pour s’y établir. Le premier pacte conclu par le Prophète (saws) avec les Médinois leur demandait seulement de vivre en musulmans par eux-mêmes. Il ne stipulait rien quant aux rapports avec les autres communautés ou les autres États. Le moment était venu de prendre une décision à ce sujet.

Sur la base des renseignements apportés par Mus’ab, le Prophète (saws) se rendit compte qu’à part les musulmans, aussi bien de La Mecque que de Médine, il y aurait deux groupes de personnes à Médine : d’une part, les Arabes non musulmans, divisés entre eux. D’autre part, il y avait les tribus juives, dont l’attitude envers la nouvelle religion n’était pas encore connue.

La communauté musulmane serait confrontée à un problème économique qui nécessiterait une attention urgente : les immigrants de La Mecque arriveraient à Médine sans aucune possession. Il leur faudrait des logements et du travail. En outre, le Prophète (saws) se rendait compte également que le nouvel État qu’il établirait à Médine ne manquerait pas d’être confronté à une menace extérieure immédiate. Les Quraysh de La Mecque n’allaient certainement pas rester inactifs pendant que le nouveau défi à leur suprématie en Arabie se mettait en place.

Médine possédait certaines caractéristiques qui en faisaient un endroit particulièrement adapté pour être le point de départ du nouvel État. Ses fortifications naturelles étaient uniques. La ville était bordée, à l’est et à l’ouest, par deux étendues de pierres volcaniques qui ne pouvaient être traversées ni par des hommes, ni par des chevaux, ni par des chameaux. Il était pratiquement impossible qu’une armée ennemie arrive par là. Seul le front nord permettait l’accès d’une armée, parce que tous les autres côtés étaient occupés par des vergers densément plantés d’innombrables palmiers.

De fait, c’est au nord de la ville que, cinq ans plus tard, le Prophète (saws) et ses compagnons devaient creuser le fossé destiné à sa fortification lorsqu’une importante concentration de tribus allait marcher sur Médine dans le but déclaré d’éliminer totalement l’Islam. D’un point de vue militaire, Médine était donc facile à défendre. Un petit nombre d’unités de protection était suffisant pour intercepter une armée importante et arrêter sa marche. Par ailleurs, les Arabes de Médine, les Aws et les Khazraj, étaient connus pour leur fierté, leur intégrité, leur bravoure et leur haut niveau d’excellence militaire.

Ils n’avaient jamais été soumis par une armée ennemie ni été obligés de payer une taxe ou un tribut à une force d’occupation. Tout individu ou toute petite tribu jouissant de la protection de ces deux tribus arabes était en sécurité. Les deux tribus étaient considérées, selon les traditions arabes de l’époque, comme les oncles maternels du Prophète (saws). Son grand-père Abd al-Muttalib était en effet le fils d’une femme du clan d’an-Najjâr de Médine appelée Salmâ bint Amr.

Abd al-Muttalib était né à Médine et y avait vécu presque jusqu’à l’adolescence. Les deux tribus arabes de Médine appartenaient aux Qahtan, l’un des deux principaux groupes d’Arabie, tandis que les musulmans de La Mecque appartenaient aux Adnân, l’autre groupe. Chaque tribu arabe appartenait en effet à l’un ou l’autre de ces groupes. Lorsque le Prophète (saws) s’établit à Médine, ses partisans appartenaient aux deux groupes ; toutefois, le fait qu’ils étaient maintenant musulmans empêchait à l’avance toute querelle éventuelle.

Le Prophète (saws) était assurément conscient de tout cela lorsque Mus’ab vint lui rendre compte de sa mission à Médine. Cela apparaît clairement lorsqu’on voit avec quel soin il mit au point son plan d’action pour l’année qui allait suivre. Il décida tout de suite, néanmoins, que Médine constituait un endroit adéquat pour établir la nouvelle base de l’Islam. La première étape était de rencontrer ses nouveaux partisans. Une rencontre fut fixée à Aqaba, lors de la dernière nuit du pèlerinage.

C’était sans doute la rencontre la plus importante des treize années de l’histoire de l’Islam à La Mecque. Soixante-treize hommes et deux femmes de Médine y participèrent, en pleine nuit. Tandis que tout le monde dormait profondément, ces croyants sortirent silencieusement de leurs tentes, par un ou par deux, pour aller au rendez-vous. Le Prophète (saws) était le seul musulman de La Mecque présent. Il dut semble-t-il confier ses plans à un proche : son oncle, al-‘Abbâs, qui n’était pas encore musulman. Al-‘Abbâs était le seul non-musulman présent à cette rencontre. Il voulait s’assurer que son neveu faisait un choix sûr.

Un pacte de soutien

La présence d’al-Abbâs et son discours qui ouvrit l’assemblée doivent être considérés à la lumière de l’évolution future des relations entre l’État qui allait être fondé et les Quraysh. C’était un réalignement radical des loyautés qui allait se produire. Dans la société tribale d’Arabie, il s’agissait d’une affaire très sérieuse. Al-Abbâs commença par souligner que le clan du Prophète (saws) s’était jusqu’alors acquitté de ses obligations selon les normes sociales en vigueur :

Vous savez la haute importance que nous attachons à Muhammad. Nous l’avons protégé contre nos contribules, dont nous partageons l’opinion sur sa prédication. Il est assurément bien protégé parmi les siens et dans sa propre ville. Malgré cela, il est déterminé à vous rejoindre. Si vous pensez réellement pouvoir tenir vos engagements envers lui et le protéger contre ses ennemis, vous pouvez agir comme bon vous semble. Si, par contre, vous pensez que vous risquez de l’abandonner après l’avoir emmené dans votre ville, il vaudrait mieux pour tout le monde que vous décidiez tout de suite de le laisser en paix, car on s’occupe bien de lui dans sa propre cité.

Les Médinois lui répondirent : « Nous avons bien compris ce que tu as dit. » Puis ils se tournèrent vers le Prophète (saws) et l’invitèrent à poser ses conditions. Le Prophète (saws) commença son bref discours en récitant un passage du Coran. Puis il expliqua le message de l’Islam et sa profonde influence sur la vie de ses adeptes. Il conclut en énonçant les conditions de l’engagement qu’il attendait d’eux par cette formule concise : « Vous vous engagez à me protéger comme vous protégez vos femmes et vos enfants. »

Al-Bara ibn Ma’rûr, un personnage influent du groupe, répondit : « Par Celui qui t’a donné le Message de vérité, nous te défendrons comme nous défendons nos femmes. Reçois notre engagement, car nous sommes les fils de la guerre et les meilleurs des combattants. »

Un autre personnage éminent, Abu al-Haytham ibn at-Tayyihân, intervint alors : « Nous avons des relations avec les tribus juives qui vont sûrement être rompues maintenant. Si nous tenons nos engagements et que Dieu t’accorde la victoire, nous quitteras-tu ensuite, Envoyé de Dieu, pour retourner parmi les tiens ? »

Le Prophète  répondit en souriant qu’il n’en ferait rien. Il dit : « Je vous appartiens comme vous m’appartenez. Je combats votre ennemi et je fais la paix avec votre ami. » Tandis qu’ils s’alignaient pour prêter individuellement serment d’allégeance, un homme appelé al-Abbâs ibn ‘Ubâda les arrêta en disant :

Savez-vous à quoi vous vous engagez envers cet homme ? Vous vous engagez à combattre le monde entier. S’il y a le moindre doute dans votre esprit ou si vous pensez que vous l’abandonnerez si vos biens sont pillés et que vos nobles chefs sont tués, il est plus honorable de le laisser seul maintenant. L’abandonner dans une telle éventualité vous déshonorerait ici-bas et dans l’au-delà. Si, au contraire, vous pensez que vous honorerez vos engagements quoi qu’il advienne, alors allez-y, car cela accroîtra votre honneur dans ce monde comme dans l’autre.

Tous répondirent sans hésiter : « Nous nous engageons quoi qu’il advienne. » Ils voulaient naturellement poser une question au Prophète : « Quelle sera notre récompense si nous tenons nos engagements ? » La réponse du Prophète fut simplement : « Le Paradis. »

Chacun serra la main du Prophète (saws) pour entériner l’accord. Ils déclarèrent qu’ils ne chercheraient jamais à rompre leurs engagements et n’accepteraient pas qu’ils soient annulés. Lorsque toutes les personnes présentes eurent prononcé individuellement leur serment d’allégeance, le Prophète (saws) leur demanda de choisir parmi eux douze représentants qui seraient responsables des musulmans de Médine. Les douze représentants choisis furent: As’ad ibn Zurâra, Sa’d ibn ar-Rabî’, Abdullâh Ibn Ruwâha, Râfi’ Ibn Mâlik, al-Barrâ’ Ibn Ma’rûr, Abdullâh ibn Amr, ‘Ubâda ibn as-Sâmit, Sa’d ibn ‘Ubâda et al-Mundhir ibn Amr ibn Khunays, de la tribu des Khazraj ; et Usayd ibn Hudayr, Sa’d ibn Khaythama et Rifâ’a ibn al-Mundhir, de la tribu des Aws.

Les Quraysh réagissent

Une rencontre aussi importante, dans un lieu découvert comme Aqaba, aurait eu du mal à rester secrète. Avant même qu’elle ne soit terminée, on entendit une voix forte crier : « Voilà Muhammad réuni avec ceux qui oui déserté leur religion. » Le Prophète (saws) dit à ses nouveaux alliés, que nous appellerons désormais de leur nom musulman d’al-ansâr (c’est-à-dire « les auxiliaires »), de retourner à leurs tentes. Ils se dispersèrent discrètement sous couvert de l’obscurité, en remerciant Dieu de leur avoir permis de mener à bien leur affaire avec le Prophète (saws).

Personne ne s’était encore aperçu de leur absence. Ce cri suffisait toutefois à trahir le secret. Le matin venu, les Quraysh en apprirent assez sur la rencontre pour passer à l’action tout de suite. Ils entreprirent de se renseigner sur les détails de ce qui s’était passé. Leurs investigations les conduisirent dans la bonne direction. Un groupe de leurs chefs se rendit donc au campement des pèlerins médinois et leur dit : « Nous avons appris que vous avez été en contact avec notre homme et que vous lui avez demandé de vous rejoindre dans votre ville et promis de nous combattre à ses côtés. Or, nous voulons vous assurer que vous êtes les dernières personnes avec qui nous voudrions nous battre. »

Les polythéistes du groupe médinois, qui étaient assez nombreux, eurent tôt fait de nier toute l’histoire. Ils assurèrent les Mecquois qu’ils n’avaient connaissance d’aucun contact ni d’aucune rencontre entre leurs contribules et Muhammad (saw). Leurs dénégations étaient bien sûr sincères. Ils avaient été maintenus dans l’ignorance de toute l’affaire, un fait qui donne à penser que le Prophète (saws) et les musulmans prenaient très au sérieux la relation qui était en train de se construire et son avenir, et qu’ils étaient conscients qu’il leur faudrait agir avec la plus grande prudence.

Les musulmans de Médine se contentèrent de garder le silence durant cette conversation entre les négateurs de La Mecque et ceux de Médine. Un personnage éminent de Médine, Abdullâh ibn Ubayy, qui allait avoir des rapports malheureux avec l’Islam, rassura la délégation de Quraysh : « Cette affaire est très sérieuse. Mes contribules ne m’en laisseraient pas ignorants s’ils avaient pareille idée à l’esprit. Je n’ai pas connaissance qu’une telle chose ait eu lieu, donc je présume qu’elle n’a pas eu lieu. »

Rassurés, les Mecquois rentrèrent chez eux. Mais deux jours plus tard, lorsque les pèlerins prirent le chemin du retour, les soupçons des Quraysh furent confirmés. Ils envoyèrent des hommes armés à la poursuite des Médinois. Ils ne purent attraper que deux hommes : al-Mundhir ibn Amr et Sa’d ibn ‘Ubâda, qui faisaient partie des douze responsables du camp musulman. Al-Mundhir parvint à s’échapper, mais Sa’d fut fait prisonnier. Ses mains furent attachées dans son dos et il fut traîné jusqu’à La Mecque. Les hommes ne cessaient de le battre et de tirer son épaisse chevelure. Tandis qu’ils continuaient à le torturer, un homme, pris de compassion, chuchota à l’oreille de Sa’d : « N’as-tu jamais conclu de pacte ou d’accord avec quelqu’un de Quraysh ? »

Sa’d répondit : « Si, j’ai toujours protégé les caravanes commerciales de Jubayr ibn Mut’im et al-Hârith ibn Harb, afin qu’elles ne subissent aucun dommage dans notre région. » L’homme dit alors : « Appelle leurs noms en criant et en mentionnant ton amitié avec eux. »

Puis cet homme, Abu al-Bakhtarî ibn Hishâm, s’empressa de partir à la recherche de Jubayr et al-Hârith. Il les trouva à la mosquée et leur dit : « J’arrive d’al-Abtah où j’ai vu un homme d’al-Khazraj sévèrement battu. Il criait vos noms en disant que vous avez un accord de protection mutuelle avec lui. » Lorsqu’ils comprirent que la victime des sévices était Sa’d, ils se hâtèrent d’aller le sauver de ses tortionnaires.

Les Quraysh ne purent cependant rien faire d’autre contre le nouveau pacte entre les musulmans de Médine et le Prophète (saws). L’accord était déjà conclu, marquant le commencement d’une nouvelle étape de l’histoire de l’Islam, une étape qui allait être totalement différente de celle qui s’achevait. Peu après, le Prophète (saws) conseilla à ses adeptes mecquois d’émigrer à Médine. Il leur dit : « Dieu vous a donné un nouveau foyer et de nouveaux frères. » Ils commencèrent à partir secrètement par petits groupes, afin que les Mecquois ne les arrêtent pas.

Le Prophète (saws), quant à lui, resta à La Mecque en attendant que Dieu lui donne la permission de partir. En quelques semaines, la majorité des musulmans mecquois s’était établie à Médine. Seuls restaient ceux qui étaient dans l’impossibilité physique d’entreprendre le voyage, ainsi que le Prophète (saws), Abu Bakr et ‘Alî. Abu Bakr demanda au Prophète la permission de partir, mais celui-ci lui demanda d’attendre, avec cette allusion significative: « Dieu te fournira peut-être un compagnon. »

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